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Syrie : dissensions autour d'une intervention armée

Syrie : dissensions autour d'une intervention armée

Le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague estime qu'il est possible d'attaquer la Syrie sans l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU. Les États-Unis ne sont cependant pas de cet avis, à l'instar de la Russie, principal allié de Damas, qui met en garde contre une opération illégale.

« Est-il possible de répondre aux armes chimiques sans une unité complète du Conseil de sécurité de l'ONU? » a lancé M. Hague lundi lors d'une entrevue à la BBC. « Je soutiens que oui, car dans le cas contraire il serait impossible de répondre à de tels scandales, de tels crimes et je ne pense pas que cela soit une situation acceptable ».

L'attaque au gaz chimique dans la région de la Ghouta dénoncée par l'opposition syrienne la semaine dernière n'a pas encore été prouvée. Des inspecteurs de l'ONU sont sur place lundi pour enquêter sur l'affaire, après que l'organisation eut conclu une entente avec Damas.

Cet accord est survenu après que le Conseil de sécurité de l'ONU eut échoué à trouver une position commune sur la Syrie, lors d'une réunion d'urgence tenue à huis clos la semaine dernière. Comme cela s'est produit précédemment, la Russie et la Chine s'opposent à la volonté des pays occidentaux.

Une source gouvernementale britannique a par ailleurs affirmé à Reuters dans la matinée que le premier ministre David Cameron a décidé lundi d'écourter ses vacances, et qu'il présidera mercredi une réunion du conseil de sécurité nationale britannique consacrée à la situation en Syrie.

« Il rentre en raison de la situation générale en Syrie et afin d'être présent pour continuer à discuter de toutes les options potentielles », a déclaré cette source, tout en précisant qu'il est « prématuré » à l'heure actuelle d'envisager des tirs de missiles de croisière sur des cibles gouvernementales syriennes.

Pas intervention sans « justification légale », prévient Washington

Le secrétaire américain à la Défense, Chuck Hagel, a cependant prévenu lundi que les États-Unis n'interviendront pas en Syrie sans un cadre légal, adopté de concert avec la communauté internationale.

« S'il y a une action d'entreprise, ce sera en accord avec la communauté internationale et dans le cadre d'une justification légale », a-t-il déclaré aux journalistes l'accompagnant lors d'un déplacement en Indonésie.

Les États-Unis croient bel et bien que l'attaque de la semaine dernière dans la Ghouta constitue « un épisode impliquant l'utilisation d'armes chimiques par le régime syrien », a néanmoins souligné M. Hagel.

« Le gouvernement [américain] réfléchit aux options de réponse, en consultation avec nos partenaires internationaux », a-t-il ajouté, en précisant qu'il compte discuter de la question avec ses homologues britanniques et français cette semaine.

Le Pentagone a annoncé vendredi qu'un quatrième contre-torpilleur allait se joindre aux trois autres qui croisent normalement en mer Méditerranée, afin que le président Obama ait des options adaptées à toutes les circonstances.

Les quatre bâtiments de guerre - Gravely, le Barry, le Mahan et le Ramage - sont équipés de missiles de croisière Tomahawk.

« La décision n'est pas encore prise », selon Paris

Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a pour sa part soutenu que les pays occidentaux décideront de leur réaction au cours des prochains jours. « La décision n'est pas encore prise », a-t-il indiqué lundi sur Europe 1.

« ll faut proportionner les réactions, mesurer, agir à la fois avec détermination et avec sang-froid, et c'est ça qui va être arbitré au cours des jours qui viennent », a-t-il précisé.

Lorsqu'on lui a demandé si un refus de l'ONU à une intervention militaire pouvait être contourné, Laurent Fabius a répondu : « dans certaines circonstances, mais il faut faire très attention bien sûr, parce que la légalité internationale, ça existe ».

Le ministre des Affaires étrangères du Canada, John Baird, a fait savoir de son côté qu'il a discuté de la Syrie lundi avec ses homologues américain et français, John Kerry et Laurent Fabius. Il avait fait de même avec William Hague vendredi.

« Les ministres se sont montrés entièrement d'accord pour affirmer que les autorités syriennes doivent accorder à l'équipe de l'ONU un accès immédiat et entier aux zones touchées, et sur le fait que les gestes que posera le régime relativement à ce dossier dans les heures et les jours qui viennent auront plus de poids que ses discours », a-t-il indiqué dans un communiqué.

« Les ministres se sont entendus pour dire que le délai d'une journée imposé par le régime Assad avant de permettre aux inspecteurs de pénétrer dans les zones touchées, ajouté au bombardement continu de la zone où les armes chimiques ont été utilisées, a probablement diminué la capacité de l'ONU à attribuer la responsabilité », a-t-il ajouté.

La Turquie, alliée des rebelles, se dit prête à rejoindre une coalition contre la Syrie, même sans consensus à l'ONU, tandis que l'Allemagne est prête à approuver une éventuelle « action » si l'usage d'armes chimiques en Syrie se confirme.

Damas prêt à « tous les scénarios »

« Les menaces occidentales de frappe contre la Syrie entrent dans le cadre des pressions psychologiques et politiques sur la Syrie, mais dans tous les cas nous sommes prêts à faire face à tous les scénarios », a affirmé lundi à l'AFP un haut responsable au sein des services de sécurité syriens.

Le président Bachar Al-Assad a pour sa part mis les États-Unis en garde dans une entrevue accordée au quotidien russe Izvestia.

Le Guide suprême de la révolution iranienne, l'ayatollah Ali Khamenei, s'est aussi porté à la défense de son allié. « La raison principale du statu quo dans la région est l'ingérence de pays extérieurs à cette région », a-t-il déclaré lors d'un entretien avec le sultan d'Oman, selon l'agence Fars.

« Malheureusement, un groupe de takfiri [des extrémistes sunnites, NDLR] a été formé avec l'appui de certaines puissances régionales [...], mais les tenants de ce courant doivent savoir que cette flamme les brûlera eux aussi », a poursuivi le chef d'État de la République islamique.

Ces propos visaient vraisemblablement les États-Unis, mais aussi l'Arabie saoudite, le Qatar et la Turquie, qui appuient ouvertement les insurgés dans le conflit, en cours depuis mars 2011.

Moscou met en garde contre une violation grossière du droit international

Moscou, qui dispose d'une base navale à Tartous, en Syrie, prend de son côté la défense de son allié syrien. Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, soutient qu'une intervention militaire sans l'approbation du Conseil de sécurité de l'ONU violerait « grossièrement le droit international ».

Une telle intervention, a-t-il déclaré au cours d'une conférence de presse, ne ferait « qu'aggraver la situation dans un pays que l'on voulait sauver de la dictature et où l'on voulait imposer la démocratie ».

« Si quiconque pense que bombarder et détruire les infrastructures militaires syriennes et laisser le champ libre aux opposants du régime pour qu'ils l'emportent mettrait un terme à quoi que ce soit, il s'illusionne », affirme M. Lavrov.

« Même si une telle victoire devait se produire, la guerre civile se poursuivrait, à la seule différence que ceux qui étaient dans le camp du gouvernement se retrouveraient dans l'opposition », a-t-il prédit.

M. Lavrov s'en est aussi pris aux Occidentaux qui, dit-il, sont incapables de prouver les allégations de l'opposition concernant l'attaque aux gaz chimique. « Ils ne peuvent pas fournir de preuves, mais ils disent que la "ligne rouge" a été franchie et que l'on ne peut plus attendre », a-t-il souligné.

Moscou n'a cependant pas l'intention d'être entraînée dans un conflit militaire au sujet de la Syrie. « Nous n'avons aucun plan pour aller en guerre contre quiconque », a encore dit le ministre Lavrov.

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