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Chris Froome : Dopage, quand suspicion rime avec passion

«Lance a triché, je ne triche pas»
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"Vous pouvez avoir confiance en moi", s'était justifié Chris Froome le lundi 8 juillet, au lendemain d'un week-end de performances impressionnantes dans les Pyrénées. Las, une semaine plus tard, le cycliste britannique est à nouveau obligé de se défendre, quitte à officialiser une comparaison maladroite dont il se serait bien passé. "Lance (Armstrong, ndlr.) a triché, je ne triche pas. Point final", a-t-il déclaré, lapidaire à l'AFP, lundi 15 janvier. "Je trouve ça triste d'être assis là au lendemain de la plus grande victoire de ma carrière et de parler de dopage," estimait-il encore.

Le synchronisme est frappant. Alors que Froome entérinait sa victoire lors d'une envolée spectaculaire au mont Ventoux, l'ancien recordman du 100 mètres Asafa Powell et l'américain Tyson Gay ont tous les deux été contrôlés positif à un produit dopant. Deux tests, qui privent les championnats du monde d'athlétisme devant se dérouler à Moscou du 10 au 18 août prochain, du second et du quatrième performeurs mondiaux du 100 mètres. À l'image de Chris Froome, les regards se tournent désormais vers un autre homme qui court loin devant les autres, le jamaïcain Usain Bolt, surnommé "La Foudre".

Suspicion et passion

Suspicion sur le Tour de France d'un côté, athlétisme ébranlé de l'autre, le spectre du dopage plane sur les compétitions sportives de l'été.

Pourtant, l'ombre de la tricherie ne semble pas plus détourner les spectateurs du Tour que les amateurs d'athlétisme des stades, aussi symbolique que soient les disciplines qu'il rassemble. En témoignent les audiences de France Télévision, qui réalise ses meilleurs scores sur le Tour de France depuis 2009. Et s'il faudra attendre afin de savoir si l'avenir réserve le même sort aux championnats du monde d'athlétisme de Moscou, ce n'est pas la première fois que l'on constate cet effet paradoxal du dopage... Quand suspicion rime avec passion.

Comment expliquer ce paradoxe? Le HuffPost a posé la question à Patrick Mignon, sociologue à l'Institut national du sport et de l'éducation physique (Insep). "Le dopage, comme l'argent dans le football, ajoute une dimension supplémentaire au drame qui se déroule," analyse-t-il. "On regardera quand même le match d'une équipe beaucoup plus riche que les autres pour voir s'ils seront mis en échec par un club plus faible."

Du côté du Tour de France, cela va même plus loin. Et pour cause... Avec ses trois semaines de course répétées chaque année, c'est le feuilleton sportif par excellence, une course devenue rituelle à la périodicité rassurante. Loin d'être un événement ponctuel, c'est un drame au sein duquel les spectateurs, dont la moyenne d'âge est plus élevée que les autres, s'inscrivent dans la durée, plusieurs années au cours desquelles le spectateur échange et partage... Avec d'autant plus d'intensité lorsque le peloton passe près de chez soi.

Le dopage, est-ce si grave?

"Même si l'on retire sa confiance à un coureur soupçonné de dopage, on préférera regarder l'étape avec une mauvaise humeur pour pouvoir en parler après," explique Patrick Mignon. Autrement dit, ce qui intéresse dans le Tour, ce n'est pas nécessairement le Tour en lui-même, mais aussi, pour le spectateur, l'ensemble de l'expérience qui l'encadre. De ce point de vue, mieux vaut une course saupoudrée de soupçons de dopages qui alimenteront les conversations, qu'un Tour où tout serait écrit d'avance.

Le mot d'ordre? Ne pas gâcher le spectacle. "On pense que ce n'est pas net, mais on se dit 'oui, mais quand même', cela devient un élément de l'attrait", analyse Patrick Mignon. De l'attrait à la mauvaise foi, il n'y a alors souvent qu'un pas, vite franchi par des spectateurs du Tour parfois plus permissifs que les autres. "Ils savent que c'est un effort difficile, le Tour ce n'est pas un match ou une course mais un effort qui dure trois semaines," rappelle Patrick Mignon. De quoi relativiser lorsqu'il est question de dopage.

"Dans le dopage, c'est moins le coureur qu'un système que l'on rejette," ajoute le sociologue. Or c'est bien au coureur auquel on s'attache. Mise à distance, la question du dopage n'est plus qu'une ombre au tableau, un couperet dont on sait que s'il est avéré, les sanctions tomberont plus tard, ultime épilogue au drame. "Une partie de ce que les spectateurs attendent, c'est de savoir si ce qui a été écrit va se réaliser," résume Patrick Mignon.

Piment du spectacle

Si le dopage a changé notre manière de regarder le Tour, il en va non seulement de même avec l'athlétisme, le sport olympique par excellence, mais celui-ci serait un facteur de renforcement de l'attrait. "Il y a deux types de spectateurs, précise Patrick Mignon, ceux qui n'aiment pas le sport et les autres. Les premiers résumeront l'athlétisme au dopage, mais pour les aficionados admiratifs des performances ou de leur esthétique, le soupçon de fraude ne fera que corriger leur regard sur la compétition."

Loin de dévaloriser la discipline, le dopage serait donc paradoxalement utile au spectateur. "On garde de l'attrait pour la compétition parce que l'on sait que certains athlètes ne sont pas soupçonnables," rappelle le sociologue. "L'annonce des tests positifs d'Asafa Powell et Tyson Gay, a eu pour effet de faire remonter dans l'estime du public les coureurs français," continue-t-il. D'autant plus qu'en athlétisme peut-être plus qu'ailleurs, une performance crédible s'inscrit avant tout dans la durée.

Au-delà des soupçons, il y a des certitudes. Comme le montre ce qui arrive à Asafa Powell et Tyson Gay, écartés des championnats du monde d'athlétisme, les contrôles ont évolué avec le dopage et jouent leur rôle. "À partir du moment où la lutte est efficace, on retrouve la vérité de la performance," conclut Patrick Mignon. Pour les sportifs s'ouvre alors une nouvelle compétition dont le but n'est non seulement plus de gagner mais bien de ne pas se faire prendre... dans un ultime coup de théâtre.

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