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Manifestations à haut risque en Égypte

Manifestations à haut risque en Égypte

Les Égyptiens et leurs forces de sécurité sont sur le pied de guerre avant les manifestations de masse qui ont lieu ce dimanche à travers l'Égypte, qui pourraient embraser à nouveau un pays profondément polarisé et à la démocratie encore balbutiante, plus de deux ans après la chute d'Hosni Moubarak.

Des milliers de personnes ont commencé à se rassembler sur la place Tahrir, épicentre de la « révolution en Nil » en janvier 2011, à l'appel de l'opposition qui souhaite déloger du pouvoir le président Mohamed Morsi, investi dans ses fonctions voici un an jour pour jour.

Les organisateurs des rassemblements, qui dénoncent une dérive autoritaire du chef de l'État et prêtent aux Frères musulmans, dont il est issu, l'intention d'accaparer tous les pouvoirs, espèrent pousser Mohamed Morsi vers la sortie en mobilisant plusieurs millions de personnes.

Les partisans islamistes du chef de l'État ont aussi commencé à mobiliser leurs troupes devant une mosquée du quartier périphérique de Nasr City, non loin du palais présidentiel devant lequel l'opposition libérale entend organiser un sit-in dans la soirée.

Le calme régnait en début d'après-midi dans les grandes villes du pays en ce jour de reprise du travail, après les violences qui ont émaillé la semaine écoulée. Les principaux rassemblements ne sont toutefois pas prévus avant la fin de l'après-midi.

Le chef de la sécurité du Caire a annoncé que 140 « fauteurs de troubles » connus des services de police avaient été arrêtés ces 24 dernières heures, certains avec des armes.

Dans une interview accordée au journal britannique The Guardian publiée dimanche, Mohamed Morsi se dit déterminé à tenir tête à ce qu'il présente comme une remise en cause antidémocratique de sa légitimité électorale, émanant selon lui de partisans de l'ancien régime.

« Voie sans issue »

S'il cède face à la pression de la rue, fait-il valoir, « il y aura toujours des gens pour s'opposer au nouveau président et, une semaine ou un mois plus tard, ils demanderont sa démission ».

Mohamed Morsi a toutefois réitéré sa proposition, formulée mercredi dans un discours télévisé, de réviser la Constitution d'inspiration islamiste, une suggestion que l'opposition a jugé insuffisante.

L'ampleur de la mobilisation des opposants déterminera sûrement l'issue de ce face-à-face, qui pourrait au final être arbitré par l'armée, dont des hélicoptères survolaient dimanche la capitale, réminiscence des 18 jours qui avaient conduit à la chute d'Hosni Moubarak.

« Le jour le plus long », titrait dimanche en une le journal gouvernemental Al Gomhouria, avec deux photos en parallèle, celle d'opposants réunis place Tahrir et celle de partisans du président qui entendent eux aussi manifester.

Le reste de la presse contrôlée par l'État a aussi recours à des titres alarmistes - « L'Égypte sous l'emprise de la peur », « L'Égypte sur un volcan » - pour mieux exprimer l'opinion gouvernementale selon laquelle le courant libéral prend le risque d'une confrontation générale en appelant à manifester.

Le ton est différent dans la presse d'opposition : « La rue dit à Morsi : un an, ça suffit », « Carton rouge à Morsi » ou encore, plus sobre, « Le jour du jugement ».

Difficile de prédire l'ampleur des manifestations. Les dernières ont été moins impressionnantes que ce qu'espérait l'opposition, mais rien n'indique qu'il en sera de même ce dimanche.

Les opposants affirment que près de la moitié des électeurs - 22 millions de personnes - ont signé une pétition en faveur de profonds changements dans le pays.

« Nous avons tous l'impression de marcher sur une voie sans issue et que le pays va s'effondrer », a commenté le prix Nobel de la paix Mohamed ElBaradei, un des chefs de file de l'opposition libérale.

« La révolution continue »

Accablés par les coupures d'électricité et les pénuries d'essence et d'eau de plus en plus régulières, mais aussi par la hausse du chômage et du coût de la vie, de nombreux Égyptiens ont exprimé leur intention de descendre dans la rue.

Sur la place Tahrir, certains ont tendu de grandes banderoles proclamant « La révolution continue », « Dehors, dehors comme Moubarak » ou « Obama soutient le terrorisme », en allusion aux appels du président américain au dialogue et au respect de la légitimité des urnes.

L'armée déployée en nombre dans les grandes villes a prévenu qu'elle ne resterait pas les bras croisés si la confrontation entre libéraux et islamistes devait dégénérer.

Mohamed Morsi a d'ailleurs reçu samedi le chef d'état-major des forces gouvernementales - qu'il a lui-même nommé l'an dernier - pour faire le point sur les mesures de sécurité.

Samedi soir, le chef de l'État a reçu d'autre part des représentants des partis politiques islamistes qui le soutiennent dans la rue, pour une réunion consacrée à « la situation intérieure actuelle », selon les mots d'un communiqué de la présidence.

Mohamed Morsi a souligné le rôle des institutions de l'État dans la protection des citoyens, mais aussi des installations tant publiques que privées, ajoute la présidence.

Alors que les religieux d'Al Azhar, la plus haute autorité de l'islam en Égypte, ont dit craindre cette semaine une « guerre civile », beaucoup d'Égyptiens expriment leur lassitude face à cette instabilité permanente qui rend leur vie chaque jour plus difficile.

« Je ne suis ni d'un côté, ni de l'autre », dit Zika, 23 ans, vendeur sur un marché du centre du Caire inhabituellement calme. « Si on vote pour les uns, ils ne nous donneront pas à manger, si on vote pour les autres, ça ne sera pas mieux. »

« Ce qui se passe aujourd'hui est une honte. Je n'irai pas manifester, ça ne me concerne pas. Moi, je ne suis qu'un vendeur de tomates. »

Reuters

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