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Premier album On Emery Street: Seb Black, portraitiste des gris (ENTREVUE)

Premier album On Emery Street: Seb Black, portraitiste des gris (ENTREVUE)
Jean-Francois Cyr

Une clameur engagée socialement gronde sur la chanson intitulée On Emery Street, titre que porte aussi le premier album « officiel » de Seb Black, jeune Montréalais trentenaire et bilingue dont le véritable nom est Sebastian Schwartz (qui signifie noir en yiddish). Telle la voix du chanteur, rocailleuse et révoltée, ce disque étonnant sent la vie, la rue, l’abus, la dérive, la sueur et les humeurs de notre temps. Rencontre avec le sympathique gaillard qui défriche des lieux fascinants remplis de personnages qui intriguent tout autant.

C’est dans son repère de la petite rue Emery du Quartier Latin, à Montréal, que nous avons rencontré le bad boy à la voix de survivant. À l’entrée, Junior, un énorme et gentil chien Pitbull veille sur le royaume, sorte de caverne qui porte des traces de génie. Car l’endroit s’avère bien plus qu’un logis. C’est un lieu de passages et de rencontres. C’est un vaste studio de deux étages de dédales, de pièces chargées d’instruments, de consoles, de vieux divans colorés, d’affiches, d’objets à l’effigie d’artistes, de cendriers, de bouteilles et de tout ce qui peut fabriquer un univers bric-à-brac. Même un singe empaillé refuse la mort complète quelque part dans le noir.

Ici, rien n’est à Seb Black et pourtant tout est à lui. Il héberge, loue, emprunte ces guitares, claviers et batteries disposés dans différents coins, amenés par de nombreuses personnes qui y viennent pour pratiquer ou enregistrer de la musique. Comme son album, ce studio est un collage de tableaux. Une atmosphère particulière et prenante, que certains préfèreront apprivoiser à petites doses. Partout des zones d’ombre dans lesquelles peuvent néanmoins se cacher la vie.

Le beau

Le projet est donc né de ce quartier, devenu terrain de jeu artistique pour Seb Black qui s’en est grandement inspiré. Dans la vidéo du morceau Got No Twist (Black a tout fait sur ce clip bien foutu), un voisin incarne le personnage (ou joue plutôt son propre rôle) de l’itinérant. Toujours chargées d’émotion, ses chansons mélodiques, grinçantes, souvent cyniques sont néanmoins filtrées par le beau. Une beauté relative, certes, qui donne à l’album une allure de structure en porte-à-faux.

« Décrire l’émotion est difficile et c’est pourtant le plus important dans une chanson », raconte Seb Black. « Avec des ambiances, on y arrive. Je suis un punk qui trouve du beau dans le gris. C’est d’ailleurs cette atmosphère d’imperfection, de sueur, d’orage que je veux partager avec cet album […] J’aime les gris, je vois tout en gris. Parce que la vie, quand on grandit, n’est pas un conte de fée. La vie est pleine de contrastes, de déceptions, de difficultés. Il faut juste y chercher du beau. Et je peux voir du beau dans une fleur qui fane […] Une chanson, c’est comme un tableau. Même la misère peut être exprimée de belle façon. C’est ici que le vécu devient poétique. »

« Rien n’est parfait », ajoutera-t-il plus loin. « C’est vrai que je suis extrêmement cynique. J’ai probablement eu une vie plus difficile, plus fuckée que la moyenne des gens. Je suis un rebelle, un contestataire, un gars qui va souvent à fond […] Mais je m’amuse aussi à amplifier les choses, à les transformer pour les rendre plus graves. Il y a toujours deux côtés à une chose qu’on regarde. Moi, j’ai tendance à fouiller dans les zones de gris. Pour aller plus loin. Rien n’est noir et blanc. Parfois c’est cru, mais au moins c’est vrai, vivant, habité. C’est un peu ça mon travail. »

Pensons à la chanson Step Aside, mélange d’espoir amoureux et de cri de fin du monde : le morceau s’ouvre sur une voix « douce » qui sera vite écorchée à l’arrivée des choeurs obsédants, des guitares électriques déchirantes et des claviers dramatiques.

Friend of mine

Enregistré à cent pour cent dans son studio montréalais d’Emery Street Records, l’inclassable Seb Black a reçu l’aide de quelques musiciens rencontrés au fil du temps pour peaufiner les maquettes qu’il avait faites en solitaire. Mentionnons la productrice de spectacles Nathalie Bourget ainsi que le guitariste Eddie Paul, le claviériste Matthew Shefler, le batteur Marc-Antoine Sévigny et son comparse de sept ans, le bassiste Guillaume Besnier.

Comme bien d’autres musiciens de sa génération, Black a écouté (ou écoute toujours) Bob Dylan, Nirvana, Riff Raff, Dead Man Bones, Neil Young, Leonard Cohen, le groupe gypsy punk new-yorkais Gogol Bordello et des tonnes d’autres artistes.

Impossible de ne pas souligner la ressemblance au chanteur Tom Waits, dont la voix rauque tourmentée, la pensée cynique et les univers miteux ressemblent de beaucoup au travail de Seb Black. Deux chanteurs iconoclastes, sombres, passionnés et sans compromis. Certains arrangements blues, rock (la guitare de No Friend Of Mine fait penser à l’univers garage du duo anglais The Kills) et country (Trouble), peuvent rapprocher le Québécois de l’Américain, le vaudeville en moins. Certains ont par ailleurs comparé Seb Black à Rancid ou Social Distorsion.

« La musique c’est d’abord une représentation de notre temps. Je trouve ça important d’être contemporain. C’est normal aujourd’hui d’entendre tout ce métissage. C’est la rencontre des différents univers. On Emery Street c’est ça, un monde de trucs différents qui vient des trippes. »

Seb Black offrira un spectacle-lancement jeudi, à 21h, aux Katacombes de Montréal. Entrée 10 $, avec l’album inclus.

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