Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

La Corée du Nord va-t-elle déclencher une nouvelle guerre de Corée ?

Faut-il craindre une nouvelle guerre de Corée ?
AFP

Rhétorique musclée, accords de non-agression rompus et mise en scène militaire à la télévision nord-coréenne, l'escalade belliqueuse de la Corée du Nord se précise.

Après avoir menacé Washington et Séoul d'une frappe nucléaire préventive, en amont des nouvelles sanctions votées par le Conseil de sécurité de l'ONU contre le régime nord-coréen, Pyongyang a annoncé vendredi 7 mars la rupture des accords de non-agression avec la Corée du Sud.

En déplacement près de la frontière maritime disputée entre les deux pays, Kim Jong-un a même assuré que son armée était "prête à mener une guerre totale". Tour d'horizon des questions posées par ce regain de tension dans la péninsule coréenne.

Faut-il s'attendre à une nouvelle guerre de Corée ?

Complexes depuis l'armistice de 1953, les relations entre les deux pays se tendent et s'apaisent cycliquement. Depuis 1991 et la signature de leur pacte de non agression, ce n'est pas la première fois que la tension monte entre les deux Corées. En janvier 2009, Pyongyang avait déjà balayé d'un revers de la main les accords passés avec la Corée du Sud pour mieux se replacer à la table des négociations avec les États-Unis. En 2010, des affrontements avaient même opposé les forces navales des deux pays après le bombardement de l'île sud-coréenne de Yeonpyeong par la Corée du Nord au mois de novembre.

Mais pour Juliette Morillot, journaliste au mensuel La Revue et spécialiste de la Corée du Nord : "C'est la situation la plus dangereuse pour la péninsule depuis la guerre de Corée en 1953. Jusqu'ici, je pensais qu'il s'agissait de provocations habituelles mais ça monte très haut, la rhétorique est très violente et compte tenu de l'inconnue que constituent les personnalités de Kim Jong-un et la nouvelle génération de responsables qu'il a placé au pouvoir, il est difficile de garantir que l'on est à l'abri d'un dérapage."

Quels sont les risques de voir la Corée du Nord procéder à une attaque nucléaire ?

Les risques de voir la Corée du Nord frapper la Corée du Sud avec un missile nucléaire sont assez faibles étant donné que "la Corée du Nord n'est pas suicidaire", estime Juliette Morillot. "Ils savent qu'à la moindre frappe nucléaire, l'armée américaine basée en Corée du Sud répliquera et ils seront détruits. Ça accrédite la thèse selon laquelle il n'y aura pas de dérapage. On devrait s'acheminer vers une tension accrue mais désamorcée par une intervention de la Chine et des tractations avec les États-Unis", ajoute-t-elle.

Quant à l'éventualité de voir la Corée attaquer les États-Unis, les chances sont là encore, plutôt maigres. "Les nord-coréens ont prouvé lors de leur dernier essai qu'ils étaient désormais capables de miniaturiser une tête d'ogive nucléaire sur un missile à longue portée, mais rien n'indique qu'ils ont la capacité de guider un missile jusqu'aux États-Unis", indique Juliette Morillot. Et dajouter : "Même si la récente visite de Mohsen Fakhrizadeh Mahabadi , le chef du nucléaire iranien, présent à Pyongyang lors du troisième essai nucléaire de la dictature, semble témoigner de leurs efforts dans cette direction."

Quel est l'objectif de la Corée du Nord ?

Derrière ces gesticulations à l'agressivité débordante se cacherait surtout la volonté de revenir en position de force à la table des négociations. La pression sur la communauté internationale est en effet l'un des seuls leviers de la dictature communiste pour négocier quelques contreparties essentielles à son équilibre alimentaire, qu'elle est loin de pouvoir atteindre avec ses seules ressources intérieures. En suscitant l'inquiétude de la communauté internationale, Pyongyang récupère, de fait, un poids certain à la table des négociations.

"La Corée du Nord veut un dialogue bilatéral avec les États-Unis", explique Juliette Morillot. "Le moyen pour l'obtenir est discutable mais il ne faut pas oublier qu'ils se sentent sous la menace directe des américains. Après sa visite à Kim Jong-un, Dennis Rodman ressassait d'ailleurs une discussion qu'il avait eu avec le leader nord-coréen dans lequel ce dernier lui assurait qu'il ne voulait pas la guerre . Il est probable qu'ils veuillent également tester les nouveaux dirigeants sud-coréens (Park Geun-hye a été investie à la présidence de la Corée du Sud le 25 févier dernier, NDLR)", assure-t-elle.

Quelle est la position de la Chine ?

Fait rare, la Chine a voté jeudi les sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies. Une nouvelle façon, après un premier vote de sanctions élargies à l'ONU en janvier, de faire savoir à son allié communiste qu'elle n'avait pas du tout apprécié son troisième essai nucléaire du 12 février dernier. Le vote chinois est inhabituel mais logique, analyse Juliette Morillot. "Un nouveau gouvernement est en train de prendre ses fonctions, une nouvelle générations d'hommes politiques arrivent au pouvoir et l'opinion est majoritairement contre un soutien aveugle à la Corée du Nord. Maintenant, la Corée du Nord ne se laissera pas guider par la Chine mais la Chine peut être en train d'intercéder", explique-t-elle.

Après les menaces répétées de Pyongyang à l'encontre de Washington et de son voisin sud-coréen, Pékin a en effet joué de la voix pour rappeler son allié au calme. Mais la position chinoise reste difficilement tenable et sanctionner trop sévèrement Pyongyang peut s'avérer périlleux pour Pékin. "La faute à un jeu de dupe international", résume Juliette Morillot. "La Chine ne veut pas d'une Corée réunifiée potentiellement pro américaine. Pareil pour le Japon qui redoute une Corée réunifiée avec un fort sentiment anti-nippon. Et les États-Unis ont besoin d'être présents pour contrer la montée en puissance chinoise. Comme Kim Jong-un sait pertinemment que personne n'a vraiment intérêt à quitter cette partie du monde, ce statu-quo devrait continuer."

INOLTRE SU HUFFPOST

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.