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Les signalement liés à la drogue du viol par les étudiantes de l'Université de Montréal sont en forte hausse

EXCLUSIF La drogue du viol inquiète à l'UdeM
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Depuis quelques semaines, les signalements faits par les victimes de la drogue du viol ou GHB ont explosé sur le campus de l’Université de Montréal. Le phénomène est si préoccupant que l’université a décidé de mettre en place une campagne de sensibilisation.

«Oui, on est très inquiet. Le GHB est en nette hausse sur le campus», lance tout de go Pascale Poudrette, directrice du Bureau d'intervention en matière de harcèlement de l’Université de Montréal (BIMH). C’est dans ces locaux que convergent les appels anonymes des étudiants victimes de toutes sortes de harcèlements, dont ceux concernant la pilule du viol.

Selon Mme Poudrette, les signalements ont déjà doublé depuis l’automne. «Par an, en moyenne, cinq personnes nous appellent pour nous dire qu’elles ont été victimes du GHB. À l’heure où l’on se parle, on est déjà à une dizaine de cas confirmés», déclare la directrice du BIMH. Le porte-parole de l’Université de Montréal Mathieu Filion assure que les augmentations ne sont pas sur le campus mais à l’extérieur. «Il n’y pas une explosion de cas sur le campus de l’université», souligne-t-il.

Selon Mme Poudrette, la drogue du viol serait effectivement en augmentation dans les bars de la métropole, ce qui expliquerait le nombre de cas déjà répertoriés par l’université. «Nos étudiants sortent en ville pour prendre un verre. Par conséquent, ils peuvent comme tout le monde être victimes du GHB», précise-t-elle.

Des propos confirmés par Jean-Pierre Chiasson, médecin toxicologue et fondateur de la clinique Nouveau Départ. «Effectivement, ces derniers temps, nous traitons de plus en plus de personnes qui rencontrent des problèmes avec le GHB», dit-il.

Toutefois, le médecin ne peut donner de chiffres précis quant au nombre de victimes de la drogue du viol. «Nous recevons des patients souvent plusieurs jours après qu’ils ont consommé ce genre de drogue, estime le Dr. Chiasson. Comme la composition du GHB ne reste que quelques heures dans le corps, il est impossible, même avec des analyses toxicologiques, de prouver quoi que ce soit. Si la personne a des doutes, il est souvent déjà trop tard pour le vérifier.»

En plus de rendre vulnérable la victime en causant des pertes de conscience qui peuvent durer jusqu’à douze heures, la drogue du viol rend aussi amnésique. «Le GHB est indolore et incolore, c’est une arme idéale pour tous ceux qui sont mal intentionnés», ajoute le médecin.

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) tempère cette analyse et croit qu'il n'y a pas de quoi s’affoler. «Nos enquêtes nous disent qu’il n’existe aucune augmentation de cas de viol par le GHB», affirme Ginette Bolduc, lieutenant-détective au sein de la division agression sexuelle du SPVM.

«Il ne faut pas s’alarmer. Sur le terrain, on rencontre encore peu de situations où le GHB est en cause. Ce qui nous préoccupe le plus, c’est l’intoxication due à la surconsommation d’alcool», dit-elle.

Selon les dernières statistiques, au Québec, la drogue du viol serait en cause dans près de 15 % des agressions sexuelles.

«En ce qui concerne le GHB, les chiffres sont à prendre avec précaution. L’alcool et la drogue du viol ont les mêmes effets. Une personne qui a trop bu d’alcool la veille peut penser avoir consommé du GHB le lendemain à son réveil. Seule une analyse toxicologique peut identifier avec précision les véritables causes», explique la lieutenant.

Mais la directrice du BIMH est formelle : le phénomène s'accélère et il y aurait très certainement davantage de victimes du GHB. «Nos dossiers ne comptabilisent pas toutes les personnes qui ne veulent pas parler par crainte d’être jugées ou celles qui sont tellement troublées qu’elles ne sont plus certaines d’avoir été abusées», dit-elle.

Une campagne de sensibilisation timide

C’est pourquoi l’Université de Montréal a décidé de prévenir les étudiants des dangers du GHB par le biais d’une campagne de sensibilisation. «On a informé les associations étudiantes et distribué des affiches un peu partout sur le campus», explique la directrice. Et les autres universités comme l’UQAM, McGill et Concordia? «Jusqu’à présent, nous sommes apparemment les seuls», répond Mme Poudrette.

Mais voilà, il suffit d’un tour au campus pour constater qu’il n’existe plus aucune trace de la fameuse campagne. Les affiches sont tout simplement introuvables sur les babillards éparpillés un peu partout à l’intérieur des facultés. «Je n’ai jamais vu d’annonce pour nous prévenir de faire attention à la drogue du viol. Si c’est le cas, j’aimerais effectivement qu’on m’informe», déclare Judith C., étudiante en psychologie rencontrée dans les couloirs de l’université.

À l’instar de Judith, tous les étudiants interrogés pour les besoins du reportage n’ont également jamais entendu parler du programme, que ce soit par le biais d’affiches ou autre. La directrice du BIMH affirme qu'un deuxième volet de sensibilisation est bientôt prévu.

«Nous n’avons que deux semaines de prévention par an, mais dès le mois de mars, nous allons aller plus loin en installant des kiosques d’informations sur le campus. Nous allons aussi rendre disponibles des tests rapides que les étudiantes pourront tremper dans leur verre afin d’être certaines de ne pas consommer du GHB à leur insu», dit-elle.

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