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15 Novembre 1976, Ou Le Début Du «power Trip» Du Québec

Le début du «power trip» du Québec
PC

Il y a des dates qui définissent une Nation. Le 15 novembre 1976 est une de ces dates mémorables qui explique le Québec d'aujourd'hui. Bien des Québécois se rappellent de cette journée avec précision, au même titre que ce qu'ils faisaient le jour de l'assassinat de John F. Kennedy, du premier pas sur la lune ou, pour d'autres, de l'élection de la première femme première ministre du Québec.

L'élection du premier gouvernement souverainiste au Québec a eu l'effet d'un tsunami dont les effets se font encore ressentir aujourd'hui. 36 ans plus tard, on discute encore de la cohabitation entre le Québec et le Canada et un autre gouvernement voué à l'indépendance est aux commandes à Québec.

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Ce qui n'y est plus, c'est le sentiment d'urgence qui prévalait entre 1976 et 1980. Pour mesurer l'impact du 15 novembre, il faut regarder le renversement qu'il a provoqué. Trois ans plus tôt, en 1973, le jeune premier ministre libéral (40 ans), Robert Bourassa, avait fait élire 102 députés sur 108, le Parti québécois se contentant de 6 sièges.

Le 15 novembre 1976 la jeune formation formation politique qu'est le PQ met la main sur une majorité écrasante en faisant élire 71 députés. Le PLQ a perdu 76 comtés, Bourassa battu dans Mercier par le poète Gérald Godin!

Ce soir-là, tous les Québécois ont l'oeil rivé sur la télévision ( c'est le seul direct de l'époque) et observent ce petit homme, cigarette à la bouche, leur premier ministre, René Lévesque qui lâche, la voix chargée d'émotion : «Je n'ai jamais pensé que je pourrais être aussi fier d'être Québécois».

Une bonne partie du Québec est en liesse, l'autre est complètement sonnée, même si les libéraux traînaient une grande impopularité après 6 ans au pouvoir. L'euphorie et si communicative que, dans les semaines suivantes, personne ne se souvient avoir voté contre ce mouvement irrésistible.

La twittosphère, si elle avait existé, aurait chauffé à fond. La force du mouvement souverainiste stupéfie le Canada anglais qui s'apprête à peser sur le bouton-panique.

DEUX RÉVOLUTIONS EN UNE

Le PQ provoquera deux révolutions pas tranquilles du tout. Une dans la province, l'autre dans le reste du Canada.

Le gouvernement Lévesque, un regroupement de personnalités fortes, est pressé. Il enclenche une série de réformes: zonage agricole, assurance-automobile, loi sur le financement des partis politiques, loi 101 sur la place du français... qui façonnent notre société.

Pour se faire élire, René Lévesque a unifié les partis souverainistes et il a fait adopter ce qui sera désigné comme «l'étapisme». En 1974, le PQ s'est engagé à tenir un référendum sur la souveraineté avant de se séparer du Canada, si les électeurs lui font confiance. Auparavant, le programme spécifiait que l'indépendance du Québec se faisait dès l'élection du parti.

La deuxième commotion se produit dans les relations avec Ottawa et le ROC. Les divers gouvernements québécois ont depuis toujours envoyé des ultimatums au fédéral, sans grand succès, pour redéfinir le partage des pouvoirs («maîtres chez nous» «égalité ou indépendance»...) Le Canada se réveille et le letmotiv politique devient «What does Québec want?». Le Québec est pris au sérieux et le Canada est obsédé par la possibilité de sa propre brisure.

LE «POWER TRIP» DU QUÉBEC

Pendant quatrew ans, nous vivrons une succession de rencontres constitutionnelles, colloques, forums et tout le monde est convaincu qu'il y aura un nouvel arrangement entre le Québec et le Canada anglais.

Signe des temps, ces conférences sont présentées en direct à la télé.

Le «power trip» du Québec va se fracasser sur le référendum du 20 mai 1980. Cette campagne, c'est l'affrontement entre deux Québécois, René Lévesque et Pierre-Elliot Trudeau, ce dernier ayant promis des changements à la constitution si le NON l'emporte. Malheureusement, il était le seul à en connaître la teneur.

La victoire du NON, des déchirements internes au PQ, une situation financière désastreuse ont fait du second mandat du PQ un long calvaire.

Le 15 novembre a marqué le début d'une époque grisante où les Québécois croyaient que tout était possible, tant en politique intérieure qu'extérieure. C'était sans doute la seule époque où le Québec négociait d'égal à égal avec le reste du pays.

Le PQ a démontré qu'il n'était pas qu'un «accident de parcours», comme se consolaient les fédéralistes en obtenant un deuxième mandat.

Encore aujourd'hui, le 15 novembre 1976 invoque des effluves de libération, de montée en puissance d'un peuple qui prend conscience de sa force.

Le 15 novembre a imposé depuis trois décennies un filtre - fédéraliste versus souverainiste - qui arrive au bout de sa vie utile. La mondialisation, l'éclatement des frontières, l'instantanéité de l'information ont modifié la donne.

Restent les grandes réformes qui ont suivi l'élection du PQ et le sentiment que les choses peuvent changer, brutalement. Ceux qui n'ont pas connu cette époque excitante où tout pouvait survenir se diront peut- être que les «boomers» se sont payés un «power trip», un méchant party, et se sont réveillés avec un mal de bloc qui perdure.

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René Lévesque

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