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L'ex-entrepreneur Di Iorio témoigne de la collusion à Montréal

Compte-rendu du témoignage de l'ex-entrepreneur Di Iorio
CEIC

L'ancien entrepreneur en construction Piero Di Iorio a conclu mardi son témoignage devant la commission Charbonneau sur la collusion à Montréal.

M. Di Iorio a raconté un stratagème de collusion auquel il a participé avec Services de location Ste-Croix sur un appel d'offres pour un contrat à la carrière Demix, qui se trouvait devant les bureaux de sa compagnie en 2005.

M. Di Iorio avait d'abord refusé de se tasser, comme d'autres l'avaient fait, au bénéfice de Jean-Guy Ste-Croix, avant de s'entendre avec lui. Le contrat, pour lequel il était ainsi prêt à soumissionner pour 1,8 M$, a été attribué à Ste-Croix pour 2,6 M$, M. Di Iorio faisant une soumission de complaisance.

Selon le témoin, cette entente, illégale, prévoyait que M. Ste-Croix et lui se partagent les profits du contrat au prix nécessairement gonflé par l'effet de la collusion. M. Ste-Croix devait en outre louer la machinerie de M. Di Iorio pour exécuter les travaux.

Mais une fois le contrat entre les mains de M. Ste-Croix, ce dernier lui refuse la part convenue, ce qui décidera M. DI Iorio a entamé une poursuite pour 350 000 $. Cette requête n'a finalement jamais abouti.

M. Di Iorio a soutenu que ses avocats l'avaient convaincu de laisser tomber la cause. Un document déposé en preuve démontre plutôt que la requête de M. Di Iorio a fait l'objet d'une requête en rejet qui a été accueillie par le tribunal.

L'homme d'affaires a aussi révélé que Joe Borsellino de Construction Garnier l'avait déjà informé qu'il devrait verser une ristourne de 5 % sur la valeur des contrats obtenus en vertu du stratagème de collusion.

M. Di Iorio a soutenu que M. Borsellino lui avait dit ça en le mettant au parfum de ce qu'il devrait faire lorsque « son tour » d'obtenir un contrat viendrait. Cela n'est cependant jamais concrétisé, de sorte que l'homme d'affaires ne l'a jamais payée.

Di Iorio, témoin privilégié de 30 ans de collusion

Au cours de la première partie de son témoignage, hier, l'homme d'affaires a déclaré qu'il savait depuis 30 ans que des entrepreneurs en construction font de la collusion pour se répartir les contrats publics de la Ville de Montréal.

« Ça fait 33 ans que je suis en affaires, ça fait 30 ans que je sais qu'il y a de la collusion à Montréal. À 18 ans, je l'ai su », a affirmé l'homme d'affaires, lorsque le procureur Simon Tremblay lui a demandé s'il avait déjà entendu parler du phénomène.

Cette collusion, a-t-il soutenu, est essentiellement une affaire de Siciliens. « Moi, je ne fais pas partie de la gang, parce que je ne suis pas Sicilien. Mais les Siciliens, eux autres, quand ils voulaient une job, il n'y avait rien à faire, on n'avait pas le choix de leur céder notre place », a-t-il ajouté.

M. Di Iorio oeuvre dans le domaine depuis qu'il s'est joint en 1979 à la firme de son père, G. Di Iorio, qui se spécialisait dans le coffrage et l'excavation.

Il dit avoir réalisé la force des collusionnaires dans les années 80 après s'être désolé du fait que G. Di Iorio n'obtenait aucun contrat de construction sur le boulevard Henri-Bourassa Est, sur lequel se trouvaient les bureaux de la compagnie.

Piero Di Iorio soutient que son père lui avait alors expliqué que « les jobs n'étaient pas à nous autres, qu'elles étaient déjà promises à quelqu'un d'autre ».

Le témoin raconte qu'il a fini par convaincre son père de le laisser soumissionner pour un contrat au milieu des années 80. Son père a accepté parce qu'il voulait lui « donner une leçon », a-t-il dit.

Quelques heures avant l'ouverture publique des soumissions pour le projet convoité, Piero Di Iorio a appelé Joey Piazza pour le prévenir qu'il allait déposer une soumission authentique, et non une soumission de complaisance, comme son interlocuteur l'avait demandé.

Ses ennuis n'ont pas tardé. « Cinq minutes après que j'ai fait l'appel, Joey Piazza est à la porte d'en avant. Son frère est à la porte d'en arrière. Ils m'empêchent de sortir avec l'enveloppe », a raconté Piero Di Iorio. « Je finis par pousser le frère d'en arrière, Frank, et j'embarque dans mon camion. »

« Rendu au tunnel Ville-Marie, il y a Johnny Piazza, le frère de Joey Piazza, qui me rentre dedans de côté, avec son véhicule. Il m'écrase entre le mur du tunnel Ville-Marie et son véhicule pour m'empêcher de me rendre à 14 h à l'hôtel de ville avec mon enveloppe », a-t-il poursuivi.

Piero Di Iorio dit qu'il a finalement pu déposer sa soumission trois minutes avant l'heure limite, grâce à l'intervention d'un agent de la GRC qui s'était arrêté par hasard sur les lieux de l'accident. Le contrat convoité a finalement été accordé à une entreprise de la famille Catania.

L'homme d'affaires a porté plainte contre Joey Piazza qui, dira-t-il plus tard, était celui qui conduisait le véhicule qui a causé l'accident dans le tunnel Ville-Marie. Il avait précédemment attribué l'accident à Johnny Piazza.

Le lendemain ou le surlendemain de l'ouverture des soumissions, a-t-il poursuivi, deux hommes sont venus voir son père dans les bureaux de G. Di Iorio. Lorsqu'ils en sont sortis, Piero Di Iorio a été informé qu'il devait cesser toutes les poursuites contre Joey Piazza.

Après la mort de son père, en 1998, Piero Di Iorio a acheté Constructions Bercan, qu'il a renommé Excavations D.P. quelques années plus tard. Cette entreprise a fait faillite en 2008.

M. Di Iorio est l'un des derniers témoins qui seront entendus par la commission avant la pause des fêtes. La commission a annoncé lundi qu'elle suspendra ses audiences publiques au terme de cette semaine, pour ne les reprendre que le 21 janvier.

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