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Alimentation : la France se rapproche des États-Unis. Faut-il en faire un fromage?

On mange plus gras que les Américains. Faut-il en faire un fromage ?
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ALIMENTATION - L'humoriste Pierre Desproges avait très bien résumé la chose: dans la vie, tout est une affaire de choix. Et pour vous qu'est-ce que ce sera: Hamburger ou rillettes? Jambon-beurre ou hot dog? Croissant ou donut? D'une certaine manière, peu importe. La preuve, un rapport publié le 5 septembre par le Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie (CREDOC) montre qu'en ce qui concerne votre régime, la différence serait en réalité marginale, que vous mangiez français ou américain.

Pire! L'étude montre que si le repas français présente une diversité plus forte que le régime américain, le premier serait plus riche en acide gras saturés, la bête noire des nutritionnistes, première cause de l'excès de cholestérol. Et ce n'est pas tout. Toujours d'après cette étude, les jeunes français (21 à 34 ans) mangeraient moins bien que les américains du même âge. L'analyse révèle que les enfants d'entre 3 et 14 ans ont vu leur diversité alimentaire fortement baisser entre 2007 et 2010. Enfin, cerise sur le gâteau, les apports caloriques par tête seraient identiques, qu'il s'agisse de la France ou des Etats-Unis.

Faut-il en faire un fromage?

Est-ce un "gros" problème? Oui et non. Oui, parce que la diversité alimentaire est une bonne chose. Or, entre 2007 et 2010, le nombre moyen de produits consommés sur trois jours est passé de 11 à 9 pour les enfants âgés de 3 à 14 ans. Non, parce que les Français adultes consomment en moyenne 16,8 produits par jour contre seulement 13,6 aux Etats-Unis.

Oui, parce que malgré sa réputation, le repas américain habituellement composé de pizzas, de quiches et de plats composés est en réalité moins calorique que le déjeuner français. Non, car bien que les apports en termes purement caloriques soient globalement les mêmes, le régime américain, moins riche en soupes, fruits et légumes, favoriserait davantage la prise de poids.

Oui, car quoiqu'on en dise, l'apport en lipide, c'est-à-dire en graisses est à peu près identique. Non, enfin, car les Américains consomment davantage de sucre à travers leurs boissons.

Quel impact sur la santé?

Puisqu'il est toujours question de choix: où vaut-il mieux vivre et manger? Dans les deux pays, les maladies cardiovasculaires se portent globalement très bien, merci. La différence reste pourtant palpable. L'an dernier, avec près de 600.000 décès, les maladies cardiovasculaires étaient la première cause de mortalité aux Etats-Unis.

En France, elles occupent la deuxième place, derrière le cancer. Mieux, une analyse comparative du Haut Conseil de Santé Publique a montré que la France présente le taux de mortalité le plus faible d'Europe en ce qui concerne les maladies cardio-vasculaires. Prudence, cependant, car ces données témoignent autant d'une meilleure prise en charge que d'un régime alimentaire supposé plus sain.

L'étude du CREDOC suggère en tout cas qu'il faut cesser de se représenter les Etats-Unis comme l'ultime pays de la malbouffe. Les charcuteries et autres fromages bien de chez nous sont des produits tout aussi gras et extrêmement riches en acides gras saturés. On peut gloser sur la qualité de la haute cuisine française, mais difficile de ne pas voir une certaine proximité entre le steak-frites, pourtant un symbole, et le menu hamburger et frites proposé par tous les fast-food américains.

Pérennité du modèle alimentaire français

A régime calorique égal, les Français sont-ils aussi obèses que les Américains? La réponse est non. Le dernier rapport de l'OCDE sur la question est sans ambages. Si l'obésité est un phénomène en hausse, la France est encore loin derrière les Etats-Unis. D'après le Center for Diseases and Prevention, 30% des adultes américains seraient obèses. Les données recueillies en 2009 par la Haute Autorité de Santé proposent le chiffre de 14,5% parmi les Français adultes. En matière d'obésité, la France reste le meilleur élève de l'Europe.

Comment expliquer cette performance? L'un des facteurs se résume peut-être à ce tryptique: petit-déjeuner, déjeuner, dîner. Un repas partagé, convivial, source d'échange et, surtout, pris à heure fixe, aurait des effets sur la santé. C'est tout l'intérêt de l'étude du CREDOC, qui s'est d'ailleurs déjà distingué sur ce sujet. Au-delà de la qualité des aliments, il y a la pratique. Or, en matière de culture alimentaire, la France et les Etats-Unis diffèrent. L'approche américaine est plus individualiste, elle génère ainsi davantage de comportements autonomes, poussant l'individu à s'affranchir de toute discipline. En clair, l'Américain aura davantage tendance à grignoter, à manger ce qu'il veut, quand il veut.

En France, c'est l'inverse. La pratique est ancrée dans nos habitudes, le repas reste une action collective. En 2009, une étude du sociologue de l'alimentation Jean-Pierre Corbeau montrait que cette drôle de coutume qui consiste à manger et passer du temps ensemble poursuivait les Français jusque dans les fast-food. Alors paradoxe pour paradoxe, voilà du grain à moudre en attendant le jour où, entre le chêne ou le sapin, il faudra là aussi choisir.

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