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Mariage des débats des chefs et de Twitter : sérieux et humour étaient au rendez-vous

Mariage des débats des chefs et de Twitter : sérieux et humour étaient au rendez-vous

Un texte de Sophie-Hélène Lebeuf

Quatre débats des chefs télévisés en autant de soirs, c'était du jamais-vu au Québec. Un précédent suivi avec enthousiasme par des milliers d'utilisateurs de Twitter, qui ont critiqué ou applaudi les trois meneurs, vanté la performance de Françoise David, déploré l'absence de Jean-Martin Aussant, imaginé les « choses qu'on n'entendra pas au débat » ou fait l'apologie des caribous. Radio-Canada.ca a demandé à Olivier H. Beauchesne, cofondateur du site IndiceQuébec, qui compile les messages envoyés dans la twittosphère, d'analyser les tendances qui se sont dégagées lors de ces quatre soirs d'affrontement.

Le débat qui a opposé les chefs de quatre formations politiques, le dimanche soir, sur les ondes de Radio-Canada et de Télé-Québec, est de loin l'événement ayant suscité le plus de réactions depuis le déclenchement de l'élection, le 1er août, fait-il observer.

« On est passé de 20 000 ou 30 000 tweets par jour à 138 000 tweets en une seule soirée », indique M. Beauchesne. Au cours du débat, le nombre de messages envoyés par heure a en fait égalé le nombre de messages quotidiens mis en ligne en cette période électorale. L'analyste de recherche a tenu compte de l'ensemble des messages reliés à la politique québécoise qui incluaient des mots-clics comme #debatqc, #polqc ou #quebec2012.

Il révise cependant à la baisse le taux de 25 tweets par seconde qu'il a évoqué le soir-même et qui a abondamment été relayé dans les réseaux sociaux. Évoquant des problèmes inhérents au site de microblogage, il évalue maintenant que les internautes ont publié 16 tweets par seconde. Sa première estimation, explique-t-il, comptait également les doublons qui sont parfois renvoyés par Twitter et comptabilisés dans les banques de données.

Il reste que le mot-clic #debatqc a, à lui seul, été employé à plus de de 70 000 reprises, ce qui continue d'en faire le plus utilisé dans le monde au moment du débat.

« C'est une première au niveau québécois d'avoir autant de discussions sur un réseau virtuel lors d'un débat », souligne-t-il.

« Si l'élection s'était déroulée l'an dernier ou celui d'avant, je ne pense pas qu'il y aurait eu une participation aussi grande », juge-t-il, évoquant l'impact de la crise étudiante sur l'utilisation du site.

« Mais maintenant, c'est un incontournable, notamment pour les partis. S'ils ne l'utilisent pas tous personnellement, les chefs ont quelqu'un dans leur entourage qui l'utilise », fait-il remarquer.

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Une joute virtuelle

Peut-on se féliciter qu'il y ait eu débat autour du débat? « Ça démontre une très grande participation citoyenne non pas au débat virtuel, mais plutôt à une certaine joute virtuelle, tranche M. Beauchesne, qui évoque même une « balkanisation » des militants. « J'ai rarement vu des débats intéressants sur cette plateforme, ça se rapproche plutôt de la confrontation », estime-t-il, y voyant davantage une « chambre d'écho » qu'un lieu de discussion.

« Les militants ne vont pas discuter des enjeux avec les autres partis, mais vont soit les attaquer, soit passer les lignes de leur parti, explique-t-il. L'anonymat de la plupart des protagonistes amène également certains écarts de langage pratiquement absents des autres médias. »

Le format du site n'aide cependant pas à l'argumentation, croit-il. « C'est difficile de se montrer convainquant en 140 caractères, souligne M. Beauchesne. Il n'y a pas vraiment de place pour la nuance sur Twitter, il s'agit plutôt d'un médium qui fait place aux affirmations. »

Entre humour et politique

Au cours des quatre soirs, les mentions des chefs de partis et les messages relayés de chroniqueurs politiques ont bien sûr occupé une place de choix dans les échanges virtuels.

Le politologue de formation fait remarquer que les mentions les plus fréquentes, dimanche, ont visé en premier lieu le chef d'Option nationale, Jean-Martin Aussant, exclu du débat, suivi de Françoise David, coporte-parole de Québec solidaire, et de l'ancien coporte-parole de la CLASSE Gabriel Nadeau-Dubois. C'est d'ailleurs un message de ce dernier qui a été le plus relayé pour l'ensemble des quatre soirs (ci-contre).

Fait à noter, M. Beauchesne constate cependant une différence importante entre le ton employé par les internautes dimanche et lors des duels de lundi, mardi et mercredi, alors que « les humoristes étaient plus présents et les contenus plus ludiques ».

Il faut dire que certaines répliques des chefs avaient de quoi inspirer les humoristes, Stéphane Laporte et Infoman en tête. « Ils semblaient attendre l'instant où les candidats allaient se tromper, se mettre le pied dans la bouche. Pour eux, c'était du bon matériel », ironise Olivier Beauchesne.

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Cela dit, les politiciens eux-mêmes peuvent verser dans l'humour. Jean-Martin Aussant, que le chef libéral, Jean Charest, a dit, lors du face-à-face de mardi, avoir rencontré dans un magasin Costco de Montréal, a attrapé la balle au bond. « Bon okay. C'est vrai pour M. Charest et moi au Costco. J'avais besoin de quelqu'un pour pousser mon panier », a-t-il écrit, remportant même la palme du message le plus relayé ce soir-là.

M. Beauchesne note au passage que le duel entre le chef libéral et son adversaire de la Coalition avenir Québec, François Legault, a été le moins commenté sur Twitter. « C'est peut-être parce qu'il y a beaucoup de militants du Parti québécois sur Twitter » et parce qu'ils ont davantage déserté les duels le soir où sa chef, Pauline Marois, était absente, croit-il.

Les face-à-face ont dans l'ensemble été bien suivis dans l'univers virtuel, suscitant pour leur part 218 000 tweets pour l'ensemble des trois soirs.

Les perdants, les gagnants

Québec solidaire, Option nationale et le Parti québécois ont bénéficié d'un nombre plus grand de messages positifs, contrairement au Parti libéral et à la Coalition avenir Québec, remarque M. Beauchesne.

« Québec solidaire est celui qui s'est le plus démarqué », estime l'analyste, qui constate que la montée de Françoise David dans les mentions sur Twitter « est durable et est présente pendant toute la durée du débat ». Le parti de Mme David et d'Amir Khadir a « vraiment utilisé la plateforme télévisuelle ainsi que la plateforme sociale pour se tailler une place » , indique-t-il.

Autre gagnant : Jean-Martin Aussant, abondamment mentionné sur Twitter. Il faut dire que sa formation avait créé un événement en ligne pour commenter le débat du dimanche, le ONdébat, suivi notamment par des partisans qui relayaient ses messages et participaient à la discussion sur Twitter.

Ces deux partis, qui ont « réussi à mobiliser beaucoup de gens depuis le début de la campagne, souligne M. Beauchesne, ont davantage investi cette plateforme, qui coûte moins cher que les médias traditionnels auxquels les grands partis ont accès. » « On pourrait s'attendre à ce que les grands partis soient plus présents » , dit-il tout de même.

L'analyste souligne au passage que Twitter est une plateforme « où certaines personnes contribuent énormément et la plupart des gens, pas beaucoup ». « Certains utilisateurs, particulièrement des militants d'Option nationale, sont extrêmement actifs », explique-t-il.

Ils sont cependant loin d'être seuls dans la twittosphère québécoise. Depuis le début de la campagne, les internautes ont écrit et relayé au moins 1,1 million de tweets reliés à la politique québécoise.

Pour me joindre :

sophie-helene.lebeuf@radio-canada.ca

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