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Entrevue exclusive - Gilles Duceppe: le Québec à un moment charnière

Gilles Duceppe: le Québec est à un moment charnière
AP

Il y aura un an mercredi, les Canadiens élisaient Stephen Harper à la tête d’un gouvernement majoritaire. Le Bloc québécois était pratiquement rayé de la carte au Québec au profit du NPD, tandis que son chef, pourtant plébiscité depuis cinq scrutins, s’inclinait même dans sa propre circonscription.

Un an plus tard, la défaite reste douloureuse pour Gilles Duceppe. « Si vous me demandez si une défaite est agréable, bien non, c’est désagréable. Mais la vie continue, il faut vivre.»

Et non, il ne sait pas ce que lui réserve l’avenir. «Un an, c’est encore récent. Il faut donner du temps au temps», répète-t-il.

Sa lecture de ce qui s’est produit le 2 mai 2011 n’a pas changé. «Les Québécois ne voulaient pas Stephen Harper au pouvoir, croit-il. Ils savaient que le Bloc ne pouvait pas être au pouvoir, et à la lumière du dernier sondage de la campagne, ils ont cru que Jack Layton pouvait devenir premier ministre.»

On connaît la suite. Même sans le Québec, Stephen Harper a obtenu sa majorité au Parlement. Un peu plus de trois mois plus tard, Jack Layton était emporté par un cancer.

Bien qu’au centre des soubresauts qui ont fait tanguer le leadership de Pauline Marois, l’an dernier, Gilles Duceppe se tient en retrait de la politique active. Les allégations sur l’utilisation de fonds publics à des fins partisanes lorsqu’il était chef du Bloc sont venues refroidir ses ambitions.

Il a d'ailleurs «très hâte» d'entendre les conclusions du Bureau de régie interne des Communes qui s’est penché sur la question. Entre-temps, les règles ont été modifiées.

L’inévitabilité d’Ignatieff

Ce ne sont pourtant pas des chicanes internes qui ont ramené le débat sur la souveraineté à l’avant-plan au cours des dernières semaines, mais bien des déclarations... libérales! À commencer par celles de l’ancien chef du PLC, Michael Ignatieff, qui juge l’indépendance du Québec inévitable.

Gilles Duceppe

«Il trace un portrait conforme à la réalité, juge Gilles Duceppe. Nous vivons dans deux sociétés différentes, sans que l’une soit meilleure que l’autre. Je me rappelle du dernier débat qu’on a fait, où il a dit : Gilles, nous sommes en 2011, la souveraineté, ce n’est plus actuel. Son discours a forcément changé. Je crois qu’il a pris du recul puisqu’il n’a plus de tâche partisane à assumer.»

Mais sur le caractère imparable de l’indépendance, l’ancien chef du Bloc émet des bémols. «Quand il dit qu’inévitablement, le Québec sera souverain, moi je dis il n’y a rien d’inévitable, surtout en politique. Je n’ai jamais cru que les choses se font d’elles-mêmes.»

Plus prudent sur la souveraineté qu’un fédéraliste, M. Duceppe? Pas vraiment, répond-il. Il croit que l’effervescence actuelle au Québec peut favoriser une nouvelle poussée.

«Reprenons les faits qui sont survenus dans l’histoire. Quand le mur de Berlin est tombé, ce n’était pas surprenant, mais c’était inattendu. Qui a prévu le printemps arabe? Personne ne l’avait prévu, mais tous les ingrédients étaient là. Je crois que tous les ingrédients sont là aussi pour que le Québec devienne un pays. Mais quand, c’est une autre question. Et ça dépend avant tout de la volonté de ceux qui travaillent pour cette option. Il faut y œuvrer pour que ça se réalise.»

Surtout, à l'aube d'un possible scrutin provincial, Gilles Duceppe se félicite que les Québécois aient dépassé le stade de l’inconscient. «[Le metteur en scène] Dominic Champagne disait qu’on est à une époque charnière de l’histoire de notre peuple, où notre passé mort ne veut pas mourir et notre avenir naissant ne veut pas naître. Or, c’est conscient. Et on ne peut pas rester consciemment indécis. Il y a des décisions à prendre, celle-là est majeure, mais faut travailler à convaincre les gens que c’est la décision qui s’impose.»

Les sophismes de Trudeau

Et face aux déclarations d’un Justin Trudeau, qui envisagerait la souveraineté si le Canada devenait celui de Stephen Harper, Gilles Duceppe déconstruit le sophisme.

«Si Harper n’était pas majoritaire au Canada, la souveraineté ne serait plus nécessaire? Je ne crois pas! Parce que Harper et ses amis du Tea Party sont au pouvoir, la souveraineté se fera, mais si c’était les libéraux ou le NPD, ce ne serait plus nécessaire? Vous voyez bien que ça ne marche pas.»

Il admet que politiquement, il faut «profiter des occasions», mais martèle que la souveraineté doit se réaliser de façon positive, et non pas réactive.

Comme il le confiait au journaliste Gilles Toupin dans un livre d’entretiens, Gilles Duceppe croit que c’est davantage le Canada qui devra se définir au lendemain de la souveraineté du Québec.

«Le jour où on ne sera plus là, les Canadiens seront forcés de vivre leur propre révolution tranquille, estime-t-il. Et de réaliser que ça vaut la peine. Actuellement, tous leurs référents culturels sont américains, et ils se définissent par un tiers qui est le Québec, en disant : nous avons une province francophone. Ils devront se trouver eux-mêmes.»

Le test de Mulcair

Sur le choix de Thomas Mulcair à la tête du NPD, Gilles Duceppe réserve ses commentaires, évoquant «quelqu’un de solide» même s’il ne partage pas ses opinions.

C’est davantage dans les politiques, dit-il, que le NPD risque de s’enfarger. «Il devra défendre sa politique de respecter le choix du 50 % +1, on verra bien. Et sur la demande de rapatriement de la caisse d’assurance-emploi au Québec, réclamée par une organisation de défense des chômeurs, le NPD risque aussi être contre, au nom de l’unité canadienne.»

Idem quant à la promesse d’appliquer la loi 101 dans les institutions fédérales au Québec. «Quand on a vu leur projet de loi, c’était carrément faux.»

Visiblement, Gilles Duceppe n’a rien perdu de sa fougue.

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