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EXCLUSIF - Écarts de revenus à Montréal: vers une métropole à trois vitesses?

EXCLUSIF - Montréal à trois vitesses
Flickr: Mathieu Thouvenin

Une étude récente démontre que Montréal a perdu une partie de sa classe moyenne au fur et à mesure que les industries manufacturières ont quitté la ville. Toutefois, les écarts entre quartiers riches et pauvres se creusent plus rapidement à Toronto et à Vancouver.

Dévoilée en exclusivité au Huffington Post Canada, l'étude de l'INRS dresse le portrait économique des quartiers de Montréal et leur évolution sur une période de 35 ans.

L'étalement urbain, la gentrification et les changements sur le marché du travail ont contribué aux écarts de revenus grandissants entre riches et pauvres à travers le Canada. À Montréal, la transition vers l'économie du savoir a condamné au chômage bon nombre d'anciens travailleurs du secteur industriel. Or malgré l'exode des classes moyennes supérieures vers la banlieue, la métropole québécoise a su limiter les dégâts par rapport aux autres grands centres urbains du pays.

«La polarisation n'est pas aussi prononcée à Montréal que dans les autres grandes villes», estime l'auteure de l'étude Damaris Rose, géographe à l'emploi du Centre Urbanisation Culture Société de l'INRS. «Nous avons la chance d'avoir des quartiers multiethniques et un tissu urbain mixte, mais nous devons tout de même demeurer vigilants.»

En effet, les inégalités sociales ont laissé leur marque en plusieurs endroits de la grande région métropolitaine. De 1970 à 2005, la proportion de secteurs de recensement de classe moyenne a grandement diminué, passant de 64 à 49 pour cent du total. Pendant ce temps, les secteurs à faibles revenus ont fait un bond de 18 à 32 pour cent, et les secteurs très défavorisés sont passés de 2,5 à 4 pour cent du total.

Chez les riches, la situation est demeurée stable. Les secteurs à revenus élevés ont légèrement décliné, passant de 8 à 6,5 pour cent du total, tandis que les secteurs à revenus très élevés ont connu une légère croissance, passant de 8 à 9 pour cent.

Des études similaires font état de tendances encore plus marquées dans les régions métropolitaines de Toronto et de Vancouver. La part des quartiers de classe moyenne y est passée des deux tiers à moins du tiers.

Des villes dans la ville

L'hétérogénéité économique de Montréal joue en sa faveur. Les quartiers de classe moyenne y cohabitent avec des secteurs à revenus plus élevés ou plus faibles. C'est pourquoi une analyse plus poussée est nécessaire pour démontrer dans quelle proportion les écarts se creusent.

À cet effet, Mme Rose et son équipe ont appliqué une méthode de calcul développée par le chercheur David Hulchanksi à l'Université de Toronto. Cette méthode permet de distinguer les gagnants et les perdants au plan économique, et divise Montréal en trois catégories de « villes dans la ville ».

La « Ville numéro 1 » se définit par des revenus par habitant ayant augmenté de plus de 15 pour cent par rapport à la moyenne métropolitaine établie entre 1970 et 2005. Elle correspond à 19 pour cent des secteurs de recensement de l'île de Montréal. On retrouve ces secteurs dans les arrondissements et les municipalités habituellement associés à l'élite, tels que Westmount et Outremont, mais également dans le Vieux-Montréal et sur le Plateau-Mont-Royal, qui ont vécu une gentrification accélérée et une forte activité immobilière ces dernières années.

Étalement urbain oblige, la « Ville numéro 1 » s'est en partie délocalisée vers les couronnes Nord et Sud, dans les municipalités de Varennes, Sainte-Julie et Blainville notamment.

«Cela en dit long sur les changements socio-économiques et l'émergence d'une classe moyenne supérieure au sein de la population francophone », a expliqué Mme Rose. « À Montréal, on avait l'habitude d'associer la richesse aux anglophones. Le portrait a beaucoup changé.»

Les diverses mesures qui ont permis aux francophones de rattraper leur retard socio-économique ont eu pour effet de dépeupler les quartiers centraux. Par conséquent, plusieurs parties de l'île de Montréal font maintenant partie de la « Ville numéro 3 », où les revenus ont chuté d'au moins 15 pour cent sous la moyenne. Trois cinquièmes des secteurs de recensement de la « Ville numéro 3 » sont considérés à faible ou très faible revenu. Les autres secteurs bénéficient encore de revenus moyens, élevés ou très élevés, mais ceux-ci ont tendance à chuter. Somme toute, cette « ville du déclin » occupe 30 pour cent du territoire métropolitain.

Les quartiers les plus durement touchés sont les banlieues construites après la Seconde Guerre mondiale, sur l'île de Montréal ainsi qu'à Laval et à Longueuil. Les auteurs du rapport dénotent une « concentration de pauvreté de très grande ampleur » au nord-est de l'île de Montréal, dans des quartiers qui étaient essentiellement de classe moyenne en 1970.

À Toronto et à Vancouver, la « Ville numéro 3 » est peuplée d'immigrants récents qui peinent à joindre les deux bouts. À Montréal, l'immigration y joue un rôle moins important. Mme Rose décrit plutôt ses habitants comme les «laissés pour compte de l'économie du savoir».

«On y retrouve des gens peu scolarisés, qui pouvaient autrefois occuper des emplois dans un secteur industriel très dynamique. Or les emplois de ce type sont presque tous disparus.»

Enfin, la «Ville numéro 2», dont les habitants jouissent de revenus stables, correspond à 52 pour cent du territoire de la grande région métropolitaine.

Par conséquent, Montréal se caractérise par une polarisation moins grande entre les quartiers riches et pauvres. Mme Rose attribue ce fait à plusieurs facteurs : des transports en commun faciles d'accès, des programmes communautaires bien établis, des logements abordables... et moins de sièges sociaux!

«Certaines personnes déplorent que Montréal ne compte pas beaucoup de gens très riches », a-t-elle précisé. « Mais l'absence de super-riches a ses avantages. Elle réduit la perception des extrêmes et la frustration engendrée par les disparités.»

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