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Les vins Julia Wine chez Couche-Tard, on achète ou pas?

Vous avez sans doute appris début septembre que 6 vins de l'entreprise Julia Wine sont maintenant disponibles dans les dépanneurs Couche-Tard situés à l'est de Trois-Rivières, à des prix variant de 13,99$ à 69,99$. Analysons ce qu'il en est.
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Vous avez sans doute appris début septembre que 6 vins de l'entreprise Julia Wine sont maintenant disponibles dans les dépanneurs Couche-Tard situés à l'est de Trois-Rivières, à des prix variant de 13,99$ à 69,99$. Analysons ce qu'il en est.

Je dois vous prévenir que ce billet risque de laisser sur leur faim plusieurs personnes. Celles qui sont contre le fait que cette entreprise introduisent de tels produits dans des dépanneurs trouveront que je ne suis pas assez sévère et celles qui adorent ces produits trouveront peut être que je lui suis trop. Écrire, c'est accepter de ne pas plaire à tout le monde.

Peu de personnes publiques du milieu du vin ont eut l'audace de commenter ouvertement l'arrivée de ces nouveaux produits proposés uniquement dans les dépanneurs Couche-Tard. Une ou deux autres ayant plusieurs années de métier m'ont même recommandé de ne pas toucher à ce sujet controversé qui pourrait "nuire à ma carrière".

Puisque je ne suis plus à un sujet controversé près et que je ne suis justement pas un carriériste professionnel du vin, j'ai décidé de tout de même vous en parler (il faut bien que quelqu'un le fasse), d'autant plus que dans les 136 commentaires que les lecteurs m'ont écrits à la fin de mon billet du 5 septembre dernier sur les vins d'épiceries et de dépanneurs, plusieurs m'ont demandé des informations sur les nouveaux produits en question.

Il est vrai que cette nouvelle a fait couler beaucoup d'encre. Si certains chroniqueurs et blogueurs ont déjà donné leur point de vue global sur ce sujet, bien peu ont cependant goûté aux produits en question (et encore moins ont osé publié leurs commentaires). Je me suis fait un devoir d'y trempé pour vous les lèvres; vous pourrez ainsi trouver mes impressions dans ce billet.

Mais avant, il importe d'examiner certaines données pour bien comprendre l'ensemble du contexte. Mon but est de toujours tendre vers la plus grande exactitude des faits. À vous ensuite, de vous faire votre propre opinion.

Qu'est-ce que Julia Wine?

Julia Wine est une entreprise québécoise qui est négociant en vins et qui, chose rare, détient aussi un permis pour faire l'embouteillage au Québec, condition essentielle avec la législation actuelle pour pouvoir vendre du vin dans les épiceries et les dépanneurs.

Cette entreprise approvisionne en vin depuis déjà 5 ans les 19 magasins Costco de la province de Québec qui en auraient ainsi vendu plus de 4 millions de bouteilles, issues de cuvées différentes de celles proposées présentement dans les dépanneurs Couche-Tard.

Elle exporte aussi ses vins aux États-Unis où ils sont vendus dans plusieurs des grandes chaînes en alimentation, ainsi que dans la vingtaine de magasins Costco au Japon. Précisons que toute la production des vins Julia Wine incluant celle qui est exportée est embouteillée ici au Québec.

Bien que je ne me considère pas comme un ayatollah de la langue française, l'idée d'arborer sur les bouteilles la marque Julia Cellier à consonance française (au lieu de Julia Wine) m'apparaît appropriée.

Un marketing percutant

... et qui va parfois dans certaines zones grises. Un peu avant la mise en marché officielle de ses 6 vins dans les Couche-Tard du Québec (de Trois-Rivières à Gaspé et représentant 180 points de vente), on avait commencé à préparer le terrain avec une pré-campagne publicitaire intitulée Fin de la prohibition, laissant ainsi sous-entendre que ces produits seraient vendus en dehors du circuit autorisé par le monopole québécois.

Il n'en fallait pas plus pour que certains journalistes emboîtent le pas et interprètent à leur manière cette nouvelle en affirmant que le monopole de la SAQ était ainsi menacé, ce qui bien sûr n'est pas le cas.

Les similitudes et les différences

Ce qui est pareil:

Les types de vins offerts par Julia Wine ainsi que leur mise en marché respectent la législation en place depuis 35 ans qui établit les règles pour la vente du vin dans les épiceries et les dépanneurs.

Ils sont importés en vrac et embouteillés ici. Leurs étiquettes ne mentionnent pas les cépages utilisés et ni leurs pourcentages le cas échéant. Hormis le nom du pays producteur, nulle mention de la zone de production ou du producteur. Car la (rigide et dépassée) loi québécoise est ainsi faite, et elle est ici respectée.

Comme pour tout alcool vendu au Québec, qu'il soit vendu à la SAQ dans les épiceries ou ailleurs, la Société des Alcools du Québec en a le contrôle et applique sa modeste marge bénéficiaire de 134% sur le prix coûtant. Dans un système monopolistique, on n'y échappe pas.

Ce qui est différent:

1) Les autres négociants font venir leurs vins dans des bateaux ou des camions citernes dans des poches géantes de 240,000 litres; Julia Wine utilise des petits conteneurs brevetés (gardés à 12° Celsius) de 1,000 litres chacun. Pour la même quantité mentionnée, elle recevra donc 240 petits conteneurs de 1,000 litres. Ainsi, si le vin de l'un de ces conteneurs s'avère problématique, on peut le jeter car on en a 239 autres, chose impossible à faire quand le vin est reçu dans une unique poche.

2) Les bouteilles sont obturées avec un bouchon de plastique recyclable appelé Zork, une invention de l'Australien John Brooks; ce bouchon ne requiert aucun tire-bouchon, fait "Pop" au débouchage (à l'opposé d'une capsule à vis) et peut être facilement remis en place au besoin si on veut conserver un restant de bouteille au frigo.

3) Puisque le transfert du vin par camion et par bateau est inévitable, l'entreprise s'engage à planter un arbre pour limiter les impacts sur l'environnement pour chaque bouteille vendue sous la marque Julia Cellier; elle invite d'ailleurs ses compétiteurs à faire la même chose.

4) Chaque produit est identifié par un numéro de lot distinct; si le vin est épuisé et que l'on recommande un vin différent (d'un autre producteur ou de cépages différents), ce vin portera un numéro de lot différent. Contrairement aux autres vins d'épicerie (voir billet du 5 septembre dernier), on a l'assurance, si le numéro de lot est le même, que le produit que l'on achète est identique à celui que l'on a acheté il y a trois mois. On a ici un avantage indéniable sur les autres vins d'épiceries et de dépanneurs au niveau de la constance du produit.

5) Afin de pouvoir informer les consommateurs sur les détails (cépages, zones de production) de leurs vins malgré l'interdiction légale de les mettre sur l'étiquette, l'entreprise les mentionne sur son site internet. En plus de pouvoir le consulter à la maison, les clients munis d'un téléphone intelligent peuvent y accéder avec la lecture du code barre, tandis que les autres peuvent utiliser la tablette reliée au site internet de l'entreprise et qui est fixée sur les étalages dans les Couche-Tard. Bien pensé.

Et alors, c'est bon ou pas?

Tout ce que je viens de vous raconter c'est bien beau mais cela ne nous informe pas concrètement sur le niveau de qualité de ces produits. Comme nous l'apprend si bien le dicton: la vérité est dans le verre.

Il est important de préciser que puisque ces produits sont vendus dans les dépanneurs, on doit ajouter au prix mentionnés les taxes de vente (TPS et TVQ) afin d'avoir le prix de vente final.

La gamme des produits Julia Cellier introduite récemment chez Couche-Tard comprend 6 vins différents. Vous trouverez mes commentaires sur 5 d'entre eux puisque le Lot # 69 en provenance du Portugal était en rupture de stock dans les huit dépanneurs Couche-Tard de la région de Trois-Rivières. J'ai évalué ces vins tout comme je le fais habituellement avec ceux que l'on trouve à la SAQ.

Julia Cellier, Lot # 66, États-Unis, 2012

Cépages: 91% Sauvignon blanc et 9% Viognier

Prix: 13,99$ (+taxes)

Région: Californie

Zone: Lake County

Service: 10-12° Celsius

Couleur jaune pâle avec de légers reflets verts; nez frais d'agrumes, de pamplemousse, avec une pointe d'abricot; l'attaque est sur la fraîcheur et un certain gras se développe en milieu de bouche; un vin à la texture souple, petite amertume en finale qui lui donne un certain allant; finale agréable; conviendra à l'apéro comme avec la nourriture (entrées, poissons, fruits de mer, fromages, etc.); très bon rapport qualité/prix.

Julia Cellier, Lot # 67, États-Unis, 2010

Cépages: 85% Merlot et 15% Cabernet Sauvignon

Prix: 14,99$ (+taxes)

Région: Californie

Zone: Vallée de Napa pour le Merlot, Sonoma et Mendocino pour le Cabernet Sauvignon

Service: 16° Celsius

Carafer: 20 min.

Couleur rouge rubis foncé; nez végétal (humus, champignon) se développant à l'aération vers les fruits mûrs (framboise et mûre) avec une pointe empyreumatique (fumée); attaque souple; vin de corps moyen possédant une belle acidité et beaucoup de fraîcheur (intéressant pour un vin californien); tanins bien fondus; assez bonne longueur.

Julia Cellier, Lot # 68, Argentine, 2010

Cépage: 100% Syrah

Prix: 15,99$ (+ taxes)

Région: Mendoza

Zone: Rivadavia

Service: 16° Celsius

Carafer: 15-20 min.

Robe rouge rubis foncé; arômes de mûre et de cassis, de violette, avec un soupçon de vanille; la texture de ce vin moyennement corsé est souple ainsi que légèrement grasse, résultante de tanins mûrs et veloutés; bel équilibre et finale agréable et suffisamment longue.

Julia Cellier, Lot # 69, Portugal, 2009

Cépage: Bastardo do Castello

Prix: 17,99$ (+ taxes)

Région: Douro

Non dégusté (rupture de stock)

Julia Cellier, Lot # 70, Italie, 2011

Cépage: 100% Nero d'Avola

Prix: 23,99$ (+ taxes)

Région: Sicile

Service: 16-17° Celsius

Carafer: 30 min.

Couleur rouge rubis, légèrement grenat; nez de cassis et de framboise et d'écorce de clémentine; un peu plus costaud que les précédents; un vin qui ne trahit pas ses origines siciliennes; puissant mais souple; belle définition et persistance en bouche; une certaine minéralité semble se dessiner à l'horizon compensant pour le côté chaleureux; pour les amateurs qui aiment et recherchent les vins plus complexes; un peu plus dispendieux que les précédents cependant.

Julia Cellier, Lot # 71, États-Unis, 2012

Cépages: 85% Merlot, 5% Cab. Franc, 5% Cab. Sauvignon et 5% Petit Verdot

Prix: 69,99$ (+taxes)

Région: Californie

Zone: Lake County

Service: 16-17° Celsius

Carafer: 4 à 6 heures.

Robe rouge rubis assez foncé; nez principalement épicé (poivre noir) d'où émergent par le suite le fruit (mûre, cassis) avec une touche empyreumatique; moyennement corsé, ce vin glisse facilement en bouche grâce à la texture souple de ses tanins, laquelle devient légèrement grasse par la suite; finale moyennement longue; encore jeune, ce vin nécessite une longue aération.

Je ne crois pas que les dirigeants de Julia Wine s'attendent à vendre des caisses et des caisses de ce dernier vin. Il risque d'ébranler quelque peu la clientèle habituelle des dépanneurs; les consommateurs le feront-ils respirer au moins quatre heures en carafe avant de le boire? Pour ma part, j'aurais souhaité un peu plus de longueur et de complexité. Mais le but premier de sa présence semble surtout pour renforcer l'image de qualité des autres produits de la gamme. D'un point de vue marketing, ce n'est pas bête.

En résumé, ces vins sont, règle générale, très bons. Les lots #66, 67 et 68 représentent selon moi les meilleurs rapports qualité/prix. Le lot #70 est lui aussi bon et vendu à juste prix. Le lot #71, bien que correct, a sans doute pour but premier de frapper l'imaginaire des gens, objectif qui a très bien atteint sa cible lors de l'introduction de ces produits au début du présent mois car il a fait beaucoup parler de lui. Il mérite tout de même d'être essayé si vous êtes curieux.

Si vous demeurez en région et que la succursale de la SAQ la plus près est à 8-10 kilomètres de votre domicile ou bien encore que vous désirez acheter du vin le mardi soir à 20h30, cette nouvelle gamme de produits pourra alors vous être fort utile. Moi-même dans une telle situation, je serais heureux d'avoir une telle alternative, au lieu de n'avoir pour seule option que les produits habituels des vins d'épiceries et de dépanneurs, habituellement plutôt quelconque.

Les vins de Julia Wine sont vendus bien sûr plus chers que les vins habituellement vendus dans les épiceries et dépanneurs mais ils sont aussi de meilleure qualité. Je vous invite à les goûter et à vous faire vous-même votre propre idée. Mais qu'en est-il pour les vins de prix comparables à ceux vendus dans les succursales de la SAQ? Une saprée bonne question!

Comparaison avec les vins vendus à la SAQ

Julia Wine affirme que les vins vendus à la SAQ sont représentés par des agences et que le prix coûtant du producteur chargé au monopole inclut la commission pour ces agences, coût que Julia Wine n'a pas à supporter. Puisque tout part du prix coûtant du producteur, une fois appliqués la marge bénéficiaire de 134% de la SAQ, la taxe d'accise, la taxe spécifique sur le vin, la TPS et la TVQ, cette commission à elle seule fait gonfler le prix de vente d'au moins 15%. En toute honnêteté, on ignore cependant si Julia Wine n'en profite pas pour augmenter sa marge bénéficiaire d'autant.

Il nous faut alors revenir à la comparaison empirique, c'est-à-dire basée sur l'expérience personnelle. Puisqu'il y a plus de 10,000 vins dans le répertoire total de la SAQ, force est d'admettre qu'il en existe certains dans cette mer de vin, qui à prix semblables, offrent des propriétés qui vont au-delà des vins évalués dans ce billet. Mais il en existe aussi un grand nombre qui leur sont inférieurs. Par charité chrétienne, nous tairons leurs noms.

Bien que ces vins ne représentent pas le nirvana du vin, ceux-ci supportent donc quand même très la comparaison avec les vins vendus à prix équivalents par la Société des Alcools du Québec.

Le vraie nouveauté

Chose certaine, par son approche innovatrice, la percée de Julia Wine dans les dépanneurs Couche-Tard semble déranger quelque peu les gros joueurs qui contrôlent le marché des vins d'épiceries et de dépanneurs depuis plusieurs années. Normal, car presque rien n'avait vraiment bougé depuis longtemps. L'arrivée de ces vins fait aussi légèrement pâlir l'image de la SAQ qui jusqu'à tout récemment pouvait se targuer à être la seule à proposer des vins de bonne qualité (d'où sans doute le fameux slogan: Fin de la prohibition).

L'un des aspects inhabituels ici est l'introduction par une entreprise établie et déjà reconnue dans la distribution du vin, d'une gamme complète de 6 produits vendus à des prix plus élevés à ce que l'on était habitué de trouver dans les épiceries et les dépanneurs. Une mini révolution en soit. Quand on sait que l'Association des détaillants en alimentation du Québec réclame en vain depuis plusieurs années des vins de meilleure qualité pour leurs établissements, la nouvelle gamme de Couche-Tard a de quoi les rendre envieux.

La vraie nouveauté selon moi est l'impact psychologique (surtout avec le vin à 70$) que ces vins auront dans l'esprit des consommateurs qui réaliseront qu'il est possible de vendre des vins de bonne qualité (à l'intérieur du système monopolistique) ailleurs que dans les succursales de la SAQ. C'est l'équivalent d'une légère bouffée d'air frais dans l'univers hermétique de la distribution du vin au Québec. C'est là selon moi où se trouve la vraie nouvelle.

Quel avenir pour ces vins?

Y a-t-il un avenir pour ces vins, il est encore trop tôt pour le dire. Mais comme pour tous les produits de consommation, aucun ne peut durer s'il ne répond pas à un véritable besoin. Les fausses mauvaises critiques ou les évaluations de complaisance ont au bout du compte peu d'effet sur le résultat final.

Alors même si je vous dis que ces vins sont affreux ou qu'ils sont incroyables, le dernier mot reste entre vos mains, c'est-à-dire entre celle des consommateurs. S'ils ne sont pas bons, ils ne feront pas long feu. S'ils le sont, ils demeureront. Maintenant que je vous ai livré le fond de ma pensée, la parole est maintenant à vous.

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