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Les raisins de la colère: les vignerons québécois laissés à eux-mêmes

Les vignerons québécois ont de bonnes raisons présentement de perdre patience. Examen des faits, dont certains pourraient bien mettre leur existence même en péril.
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Les vignerons québécois ont de bonnes raisons présentement de perdre patience. Examen des faits, dont certains pourraient bien mettre leur existence même en péril.

J'aurais pourtant bien aimé vous apprendre que la situation des entreprises viticoles du Québec s'est améliorée au cours de la dernière année, mais ce n'est pas le cas.

On peut bien sûr se réjouir de l'augmentation importante des ventes de vins québécois depuis que le monopole a accepté de les mettre un peu plus en évidence.

Si, malgré les promesses gouvernementales, la situation du point de vue législatif soit malheureusement demeurée inchangée, du point de vue administratif elle s'est détériorée. On est donc très loin de voir une faculté d'œnologie voir le jour ici, tel que je le suggérais dans mon billet du 27 novembre dernier (Y a-t-il de l'avenir pour la culture de la vigne au Québec?).

Comment courir, en effet, quand on ne sait même pas marcher.

Un combat inégal

Selon Charles-Henri de Coussergues, l'un des propriétaires du domaine de l'Orpailleur au Québec, ''les gouvernements européens et celui des États-Unis subventionnent à coups de milliards leurs exportations de vin''. Les vins étrangers peuvent ainsi être vendus ici beaucoup moins chers que leur coût réel, créant une concurrence déloyale pour les vignerons québécois qui, eux, ne bénéficient pas de telles largesses de la part de leur gouvernement.

Ainsi, l'année dernière, "la commission européenne a donné 15 milliards d'euros à ses vignerons pour exporter" les vins, clame Charles-Henri. "Quand ils arrivent ici, ils ont 60 % de subvention", a-t-il renchéri (voir ici).

Un projet de loi très attendu

Il s'agit bien entendu du projet de Loi 395 dont le premier dépôt à l'Assemblée Nationale remonte à plus de deux ans. Après avoir promis son adoption pour Noël 2014, le gouvernement du Québec a récemment déclaré par l'entremise du ministre des Finances Carlos Leitão qu'il le serait très bientôt.

Rappelons que cette loi autoriserait entre autres choses les vignerons du Québec à vendre directement leurs produits dans les épiceries et dépanneurs de la province, sans passer par la SAQ.

Des retombées économiques importantes

Déjà en 2007, Jean-Pierre Bélisle, alors président de l'Association des vignerons du Québec, déclarait au magazine Forces "qu'une bouteille de vin importé vendue au Québec y génère seulement 49 cents de retombées économiques, comparativement à 4,89 dollars pour une bouteille de vin québécois." (voir ici)

La raison est simple car "aucune autre culture que celle de la vigne ne crée autant de valeur ajoutée à l'hectare" plaide-t-il, considérant non seulement le prix de vente du vin. mais aussi le potentiel touristique.

L'infographie ci-dessous indique que le chiffre d'affaires annuel d'environ 600 millions $ réalisé en Ontario génère plus de 3.3 milliards $ en retombées économiques pour cette province, soit plus de 5 fois le montant initial.

On retrouve la même proportion de l'effet multiplicateur en France. En effet, bien que la viticulture dans ce pays ne soit que 3 % de la surface cultivée, la valeur de la production vinicole représente 15,4 % du total des produits agricoles français, soit 5 fois plus (voir ici).

Qu'est-ce qui bloque ici?

Selon un avis juridique reçu par le gouvernement, ce projet de loi pourrait être en contradiction avec certains accords commerciaux signés par le Canada (voir ici).

Le 17 octobre dernier, Marc André Gagnon, sur son site Internet Vinquébec, faisait le tour de la question pour en arriver à la conclusion, considérant ce qui se fait déjà dans plusieurs provinces du Canada, soit l'Ontario, la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse, qu'il n'y avait pas de quoi fouetter un chat. (voir ici).

À titre d'exemple, il faut absolument lire l'extrait du plan d'affaires 2014-2015 de la NSLC (Nova Scotia Liquor Corporation), le monopole de la Nouvelle-Écosse, qui décrit noir sur blanc non seulement les avantages économiques qui résultent du développement des entreprises vinicoles de cette province, mais les moyens que celui-ci n'hésite pas à prendre, en accord avec le gouvernement de cette province, pour favoriser leur essor, dont celui d'une politique de majoration préférentielle pour les produits locaux (voir ici).

Et comme M. de Coussergues de l'Orpailleur l'a mentionné ci-dessus, nos compétiteurs internationaux ne se privent pas non plus de contourner l'esprit des accords internationaux en subventionnant fortement à la base la production et l'exportation des vins de leur pays.

Nous sommes, semble-t-il, les seuls au monde à se montrer "plus catholique que le pape", et à ne pas avoir encore décidé de faire ce que toutes les autres régions productrices de vin font, soit de développer leur économie.

Et si un projet de loi en ce sens finit par être adopté, souhaitons qu'il corresponde aux vrais besoins de nos vignerons, bref, qu'il ne soit pas mal ficelé ou alambiqué, comme notre bureaucratie québécoise nous l'a si souvent démontré par le passé.

La cerise sur le gâteau

Mais pourquoi s'arrêter en si bon chemin? Ajoutant l'insulte à l'injure, notre gouvernement, non satisfait de ne pas lever le petit doigt pour aider nos vignerons, les affame économiquement.

Mis en place en décembre 2013 par le gouvernement de madame Marois, le Programme d'appui à la promotion des alcools du Québec (PAPAQ) offre une bonification permanente de 18 % et une aide financière supplémentaire de 2 $ par bouteille de vin certifié vendue par l'entremise de la SAQ.

Or, depuis belle lurette, aucun chèque n'a été émis par le gouvernement. Ainsi, celui-ci devrait plus de 75 000 $ au Coteau Rougemont et au-delà de 100 000 $ (certains disent près de 200 000 $) au domaine St-Jacques, selon un article publié par le journal La Presse le 16 novembre dernier (voir ici).

Certains producteurs se retrouvent ainsi en graves difficultés financières et subissent la pression de leurs banquiers. En un mot, plus les vignerons québécois vendent à la SAQ, plus ils creusent leurs tombes. Pendant ce temps, le ministère des Finances et de l'Agriculture se lance la balle, affirmant que c'est à l'autre ministère de payer les sommes dues.

L'adversaire le plus redoutable de nos courageux entrepreneurs québécois en viticulture ne semble donc pas être les producteurs étrangers, mais bien leur propre gouvernement.

L'extrait vidéo suivant relate la réponse de M. Carlos Leitão à une question que lui a posée il y a quelques jours, le député de l'opposition, André Villeneuve.

Il est pour le moins étrange que l'on ait assez facilement trouvé plus de 3 milliards de votre argent (gouvernement du Québec et Caisse de Dépôt) pour secourir Bombardier, une entreprise qui bat de l'aile (sans jeu de mots) et qui utiliserait des stratégies agressives pour payer moins d'impôts ici.

Certains diront que ces milliards sont pour sauver des emplois au Québec. Ah oui? Cette entreprise vient pourtant tout juste d'annoncer qu'elle délocalisait certains emplois au Mexique, au Maroc et en Inde. Vos impôts et votre fonds collectif de pension créent, certes, de l'emploi... mais ailleurs.

Pendant ce temps, on semble incapable de trouver ne serait-ce qu'un petit million pour développer une industrie naissante et florissante qui pourrait assurément participer davantage au développement de notre économie. Bravo champions!

Des vignerons qui dérangent

Qui dérange qui, et surtout pourquoi?

Le très détaillé article publié le 16 novembre dernier par TVA Nouvelles sous la plume de Carl Renaud pourrait bien fournir une amorce de réponse (Des vignerons qui dérangent). Mais seulement quelques membres du gouvernement connaissent la vérité à ce sujet.

Alors que l'on sait que chaque dollar généré par l'industrie viticole en rapporte cinq en retombées économiques, qu'attendons-nous pour agir?

Il ne faudrait pas que des intérêts personnels ou privés l'emportent encore une fois sur l'intérêt collectif de la nation.

La Fête des Vins du Québec

Je sais que, malgré tout, les vignerons du Québec peuvent au moins compter sur le support d'une bonne partie de la population de la province.

C'est le temps de le démontrer en se rendant les 27, 28 et 29 novembre prochains au Marché Bonsecours dans le Vieux-Montréal, où se tiendra la 10è édition de cet évènement annuel.

Le Coteau Rougemont

Mais terminons sur une note positive en dressant un portrait d'un producteur québécois de boissons alcoolisées (alcools de fruits, cidres et vins), le Coteau Rougemont, qui a démarré ses activités en 2006.

En plus de cépages hybrides tels le Saint Pépin, Vidal, Frontenac noir gris et blanc, Sainte-Croix et Marquette, on a aussi planté des cépages nobles de Pinot gris et de Chardonnay.

Mais quoi de mieux qu'une dégustation de 9 des produits de ce domaine afin de faire découvrir le niveau de qualité maintenant atteint par certains de nos producteurs au Québec.

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Les 10 vins de Noël, une soirée amusante! (le 2 décembre prochain)

Si vous habitez la région de Montréal, je vous invite à découvrir et déguster avant tout le monde ma sélection de vins qui égayeront votre Noël 2015.

Venez me rencontrer (il reste 9 places)!

Le blogue personnel d'Yves Mailloux : Club des Dégustateurs de Grands Vins

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