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Des vins qui font peur à la SAQ

Il ne s'agit malheureusement pas ici de suggestions de vins pour l'Halloween, mais bien de certains des nouveaux produits réguliers sélectionnés par la SAQ. Cœurs et palais sensibles s'abstenir.
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Il ne s'agit malheureusement pas ici de suggestions de vins pour l'Halloween, mais bien de certains des nouveaux produits réguliers sélectionnés par la SAQ. Cœurs et palais sensibles s'abstenir.

Depuis avril dernier, le monopole a remplacé 70 de ses quelques 1100 vins courants par de nouveaux vendus entre 9,95 $ et 19,95 $. À première vue, les prix ont du bon sens. Mais sont-ils pour autant tous recommandables? Malheureusement non, la plupart se démarquant principalement par leur manque flagrant d'équilibre.

Rappelons que bien qu'il y ait au total près de 8,000 vins référencés par la SAQ pour ses succursales, les 1100 de ceux-ci qui sont des produits réguliers représentent près de 80 % des ventes de vin du monopole. Cela signifie que ces produits représentent de gros volumes de ventes et que beaucoup de gens les achètent.

J'ai d'ailleurs expliqué ici en janvier 2014, la grande différence de philosophie, entre la section des vins courants et celle des vins de spécialité (voir : Il y a deux SAQ dans la SAQ).

Je crois être l'un des rares chroniqueurs vin au Québec à goûter systématiquement à chaque année à presque tous les vins d'entrée de gamme, afin de pouvoir vous recommander ceux que je pense être les meilleurs. Mais récemment, 7 spécialistes québécois du vin étaient réunis afin d'évaluer 29 nouveaux produits qui ont été référencés par la Société des alcools du Québec.

Une dégustation difficile... à avaler!

Plutôt habitués à déguster des vins de spécialité de l'espace Cellier, avoir à se mesurer à ces nouveaux produits courants de la SAQ provoqua chez la plupart de ces dégustateurs chevronnés un grand choc!

Et comment aurait-il pu en être autrement, puisque la grande majorité de ces vins renfermaient une teneur en sucre résiduelle passablement élevée, ou étaient minces et fluides, ou étaient déséquilibrés, ou ne représentaient aucunement leur cépage ou leur appellation, ou affichaient des prix trop élevés pour la qualité qu'ils proposaient. Certains de ces vins réussissaient le tour de force de combiner la plupart ou même l'ensemble de ces possibilités!

Ce n'est pas avec de tels produits que l'on attirera de nouveaux consommateurs ou que l'on développera chez eux une passion pour le vin. Danger à long terme donc pour la croissance du chiffre d'affaires et les revenus gouvernementaux.

Et n'allez pas croire que je suis seul à le penser, car toutes les personnes de ce groupe, lequel comprenait certains des meilleurs palais du Québec (et je ne parle pas ici de moi), semblaient opiner dans ce sens.

Voici ce qu'a écrit le jour même sur Facebook l'un des chroniqueurs présents :

Et pour l'ensemble des dégustateurs selon lui :

On doit souligner ici l'indépendance d'opinion et le courage de Guénaël, que vous connaissez peut être sous l'alias de Monsieur Bulles, car peu de personnes qui commentent le vin au Québec osent révéler les côtés moins reluisants (plus nombreux qu'on ne le croit) de l'industrie et du commerce du vin. Le travail d'un chroniqueur vin, c'est aussi de transmettre ses impressions désagréables, tant que cela demeure d'intérêt public, bien entendu.

Tout ça pour vous dire que la qualité générale des gros vendeurs de la SAQ n'a pas fini de se dégrader. En toute honnêteté, certains de ces nouveaux vins courants ont trouvé clémence à mes yeux, mais j'ai toutefois trop de doigts sur une seule main pour les compter. Je vous ferai bien sûr part de ceux-ci ultérieurement par l'entremise de mes recommandations.

Le sucre fait vendre

Comme pour beaucoup de pays dans le monde, la législation québécoise considère comme «sec» un vin tranquille qui renferme moins de 4 grammes de sucre résiduel par litre. Au-delà, on commence à percevoir le sucre, rendant ces produits moins digestes avec de la nourriture, à l'exception de certains vins (blancs surtout), dont l'acidité élevée vient équilibrer le sucre résiduel.

Alors que l'on songe de plus en plus à taxer davantage les boissons gazeuses et autres breuvages sucrés du même acabit afin d'en faire diminuer la consommation, la SAQ pour ses produits réguliers, ajoute de plus en plus de vins qui ne sont pas secs, car ces coca-colas pour adultes sont faciles à vendre, surtout auprès des néophytes.

Après vérification, parmi les nouveaux arrivages de produits courants que moi et les autres dégustateurs avons pu évaluer, 50 % de ceux-ci dépassaient les 4 grammes de sucre. Certains avaient 6, 8, 10 et même 13 grammes par litre, soit plus de trois fois la teneur d'un vin sec!

Plus que jamais, il est préférable de ne pas acheter les vins qui se trouvent au milieu des succursales, à moins qu'ils n'aient fait l'objet d'une recommandation de la part d'une personne en qui vous avez une grande confiance.

Nommer les produits visés ici serait selon moi futile. On les retirerait demain des tablettes, que d'autres quasi identiques viendraient aussitôt les remplacer. C'est pourquoi je préfère plutôt dénoncer le système actuel qui permet de sélectionner des produits à la qualité fort discutable aux dépens de ceux présentant un meilleur équilibre. Je vous expliquerai un peu plus bas comment on arrive à ce tour de force.

Du côté de la défense

Bien sûr, le monopole dira pour sa défense que tous ces nouveaux vins ont passé le test du laboratoire et qu'ils rencontrent toutes les normes établies. Peut-être. Malheureusement, la vérité est dans le verre et ce n'est pas uniquement le respect de normes qui fait le bon vin.

«Quand un tel monopole est détenu par un gouvernement, vient avec celui-ci l'obligation de développer la modération, et surtout le bon goût.»

On avancera de même que l'on choisit ce que les gens veulent avoir. Cela peut être parfois dangereux. Si l'on fait un parallèle avec le tabac ou les armes, beaucoup de gens en veulent aussi. Bien que la vente de ces produits soit légale, est-ce pour autant moral de le faire?

Quand un tel monopole est détenu par un gouvernement, vient avec celui-ci l'obligation de développer la modération, et surtout le bon goût. Pas uniquement de faire facilement le plus d'argent possible, peu importe les moyens.

À ce rythme, la jeune génération québécoise de consommateurs de vin sera autant ignare du bon vin que ne l'étaient il y a trente ans les Américains. Rappelons qu'à l'époque, ceux-ci étaient friands de vins lourds, boisés et sucrés, et que cela nous faisait bien rigoler.

Le mieux que l'on puisse faire?

Sur la page Facebook citée plus haut, une personne a émis ce pertinent commentaire :

Alors qu'il existe plusieurs millions de vins différents dans le monde, que dans plusieurs régions du monde il y a surproduction de vin que l'on peine à vendre et que l'on pourrait obtenir à bas prix, comment se fait-il que les connaisseurs-experts du monopole semblent incapables d'en dénicher 30 à prix raisonnables, qui seraient non seulement plus que buvables, mais aussi très bons?

La cause principale de cette débandade

La manière utilisée par la SAQ pour sélectionner ses produits courants ne peut que conduire aux résultats que l'on connaît.

La grille de sélection ci-dessous qu'elle a elle-même concoctée vise essentiellement à retenir les produits les plus payants au détriment de ceux qui sont les meilleurs.

Lors de la présélection, on examine les critères financiers, dont les budgets promotionnels proposés par les producteurs. Seuls les vins qui rencontrent les exigences monétaires de la SAQ sont dégustés, analysés et notés, lors de la sélection finale.

Fatiguée de se faire reprocher par plusieurs de n'attribuer aux vins qu'elle évalue que 10 points sur 100 au critère de la qualité, vous remarquerez que notre monopole a discrètement remplacé dans son nouveau tableau, remanié en septembre dernier, le mot Qualité par le mot Dégustation. Exit le critère absolu de la qualité devenu trop encombrant. En cette absence d'évaluation du critère Qualité, la catégorie Rapport Qualité/Prix perd tout son sens.

Peu importe, car même si vous faites le meilleur vin au monde et le proposez à un excellent rapport qualité-prix, la SAQ n'y goûtera pas et ne l'évaluera pas (et, bien sûr, ne le retiendra pas!), si vous ne lui proposez pas au moins 200 000 $ en promotion. Il est bien connu que le marketing de masse fait vendre, même le mauvais vin il faut croire.

J'aurais tellement aimé m'être fourvoyé lorsque je vous avais prédit en avril 2014 que la qualité des vins courants de la SAQ continuerait de diminuer.

Et pas besoin d'être devin pour ça. Quand on y réfléchit, on s'aperçoit que les vins pour lesquels les producteurs sont en mesure de verser à la SAQ de telles sommes, sont ceux qui coûtent le moins cher à produire et qui peuvent vous être vendus plus cher qu'ils ne valent vraiment, dégageant ainsi une marge de manœuvre pour des dépenses de promotion.

Ce sont donc, règle générale, les vins de qualité inférieure qui répondent à ces critères et comme l'a démontré la récente dégustation des nouveaux arrivages, ceux-ci envahissent de plus en plus les tablettes des succursales du monopole.

Pour vous cette semaine, 6 vins de France, du Portugal et d'Australie, à des prix oscillant entre 11,35 $ et 24,05 $.

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