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Mensonge d'État, droit à l'éducation et brillante jeunesse

Aujourd'hui, le droit à l'éducation dans la bouche de Jean Charest, c'est un mensonge d'État promu par la violence d'État. Pensez à Jean Charest comme à un lobbyiste et surtout pas un homme d'État, et tout devient plus clair.
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Presque toutes les revendications étudiantes, depuis des décennies, s'articulent autour du droit à l'éducation. Reconnu sur les plus importantes tribunes internationales, le droit à l'éducation, c'est d'abord l'accessibilité. Accessibilité géographique dans de nombreux pays émergents, accessibilité ethno-politique dans plusieurs pays qui pratiquent la discrimination raciale, culturelle ou tribale, et accessibilité économique à peu près partout ailleurs.

Avec l'émergence de la nation québécoise, l'accessibilité est, ici, d'abord économique afin de permettre à un peuple moins scolarisé de rejoindre le peloton de tête de l'OCDE. Le droit à l'éducation passe donc par la capacité de se la payer. Avant la Révolution tranquille, combien de parents ont trimé dur et épargné dans le but d'offrir davantage d' « instruction » souvent à un seul des leurs, comme un talisman magique vers la liberté et une vie meilleure?

Depuis quelques semaines, le droit à l'éducation est devenu celui de forcer la tenue de cours malgré une grève légitimement votée par la majorité des participants à l'assemblée générale d'une association étudiante. Institution légalement constituée, comme un syndicat, un conseil d'administration, ou un parlement. Cette réécriture du droit à l'éducation est le prétexte du gouvernement Charest pour casser les reins mouvement étudiant. Le droit à l'éducation, c'est le recours encouragé par le gouvernement Charest à des injonctions en chapelets pour éradiquer les revendications d'accessibilité économique d'une génération pourtant prête à prendre des bleus au bénéfice des suivantes.

Aujourd'hui, le droit à l'éducation dans la bouche de Jean Charest, c'est un mensonge d'État promu par la violence d'État.

Pensez à Jean Charest comme à un lobbyiste et surtout pas un homme d'État, et tout devient plus clair. Imaginons un ami lui suggérant de laisser en héritage, et pour des considérations futures qu'il ne regrettera pas, une hausse importante des droits de scolarité universitaires, dégelés depuis longtemps par plusieurs subterfuges. Les universités manquent d'argent, les industriels manquent de contrôle sur les diplômes qu'ils veulent « utiles », et « on ne veut surtout pas payer pour ça. Tu m'entends bien, Jean?! ».

Mandat accepté. Raymond Bachand procède. Line Beauchamp applique. Jean-Marc Fournier cautionne. Les étudiants s'engagent alors dans une mobilisation sans précédent au Québec dont l'ampleur, quoi qu'on en dise, n'est pas moins une source de fierté au plan international que Céline Dion ou le Cirque du Soleil. Le Québec sait encore se lever et scander ses idéaux.

Jean Charest est surpris, mais pas à court de ressources. Ses amis chez National sont arrosés de contrats gouvernementaux à l'année, alors quand vient le temps de conseiller le Premier ministre, c'est bénévole. C'est par amitié. Bien récupéré, le conflit étudiant pourrait même ouvrir une fenêtre électorale. Il faut pour ça provoquer puis récupérer une suite à la violence. Victoriaville - épisode à relire à la lumière des derniers jours - aurait fait pâlir d'envie bien des tyrans. Il faut aussi, et à tout prix, que le débat ne porte pas sur les enjeux économiques. La hausse des droits de scolarité est une calembredaine économique. Le thème de la loi et l'ordre devient alors névralgique. Il permet en plus à Jean Charest de piger à deux mains dans la clientèle de la CAQ redevenue de recul en recul cette bonne vieille ADQ bien à droite, bien étroite.

Ça aurait pu marcher, mais on ne prévoit pas l'imprévisible... Les étudiants sont débordés mais organisés, épuisés mais articulés, inexpérimentés face aux médias mais charismatiques, idéalistes mais raisonnables. De son côté, le Parti québécois tangue bien un peu, déterminé à ne pas reculer sur ses convictions, mais préserve ses appuis grâce à une chef pour qui « garder le cap » est devenu un gage de succès. Amir Khadir n'attache plus ses chaussures, au cas où, et l'ADQ regarde son fond de commerce glisser vers le PLQ...

Se succèdent alors les épisodes d'improvisation, de provocation, et de violence déployés sous l'autorité de Jean Charest, caché derrière le bouclier de policiers dont plusieurs pourtant sont aussi des parents, les administrations collégiales dont certaines cèdent sous la pression, et une ministre qui, dégoûtée, finit par claquer la porte. Pas seulement comme ministre, mais aussi comme députée. Ce dont elle disait elle-même il y a quelques semaines qu'il s'agit d'un désaveu du chef...

C'est dans cet intervalle que quelqu'un quelque part aura eu la bonne idée de récupérer la notion du droit à l'éducation pour en faire ce qu'il n'est pas. Progressivement, le discours s'installe, s'affine, distillant la vindicte populaire et alimentant quelques chroniques débiles. Lorsque le fruit sera aussi mûr que possible, lorsque la fenêtre électorale sera bel et bien fermée, alors par pur dépit l'aboutissement sera de transformer ce mensonge d'État en une loi. Ne manquait qu'une autre ministre accueillie avec espoir, mais dont on comprendra très vite qu'elle a déjà accepté de piloter une loi écrite depuis un bon moment, dans un scénario envisagé depuis le tout début. Peut-être la loi plus ignoble que l'Assemblée nationale du Québec ait été appelée à voter.

Attention toutefois : quand je dis « chronique débile », je ne parle pas de toutes celles qui sont en faveur de la hausse des droits de scolarité. Plusieurs citoyens le sont, plusieurs électeurs de ma circonscription le sont, plusieurs journalistes, éditorialistes et chroniqueurs le sont. Mais quelques rédacteurs de textes mercenaires qui ne se rangent dans aucune des catégories mentionnées disent aussi l'être, dégorgeant le propos haineux contre toute une génération sur laquelle ils cracheront encore lorsqu'elle paiera leur pension et leurs soins de santé, et le déficit accumulé pour leur payer, à eux, un diplôme universitaire pas cher. Vendeurs de publicité qui n'hésitent pas à transmettre le mensonge d'État à l'effet qu'un étudiant qui n'est pas en grève est un étudiant favorable à la hausse.

Il y a des gens favorables à la hausse, et d'autres non. Il y a là des gens qui croient encore, après neuf ans de déconstruction libérale, que ce que l'État ne paie plus devient gratuit, mais il y a ceux qui réalisent que la facture de 1 700$, elle va sortir de leur portefeuille de parent. Enfin, bien peu de gens savent que les diplômés universitaires comptent pour 35% des revenus de l'État, qu'ils ne sont que 15% des contribuables, et ne représentent que 8% des dépenses de l'État. Pour chaque jeune qui n'obtient pas son diplôme universitaire, c'est un État plus pauvre, un aîné moins bien soigné, une pension moins garnie. L' « instruction », disait le vieux mononcle, est notre plus grande richesse. L'ignorance est donc notre plus abjecte pauvreté.

Parlant d'ignorance, presque personne ne sait que chaque année, les universités québécoises lancent sur le marché plus ou moins 50 000 diplômés de premier cycle qui, en moyenne, paieront plus de 300 000$ de plus en taxes et en impôts au cours de leur carrière qu'un diplômé du secondaire. Faites le calcul : à côté de ça, le Plan Nord est un nain économique en termes de revenus pour l'État. Le résultat de la hausse, c'est un Québec durablement appauvri. Ça doit bien servir les intérêts de quelqu'un.

Ce débat-là doit être évité à tout prix, décrète-t-on loin là-bas, loin là-haut.. Au prix des libertés fondamentales d'association, de réunion, d'opinion, d'expression...? Au prix du droit à l'éducation? Facile... Loi 78. Si le débat sur les enjeux économiques de la hausse des frais de scolarité avait eu lieu, jamais le gouvernement n'aurait pu déposer cette loi beaucoup trop spéciale.

Au cœur de ce cloaque, les inévitables dérapages se multiplient, les tempéraments s'échauffent, les impatiences se fâchent, et des gestes déplorables sont commis par peur, par abrutissement, par nervosité, par désinformation, et par opportunisme... On doit y réagir par un appel à la raison, quoiqu'en disent les plus militants d'entre nous. Ne devenons pas comme eux en reprenant leurs méthodes. Dénonçons aussi ceux qui ont la casse pour loisir organisé comme d'autre le hockey ou la pétanque. Mais surtout, ne cautionnons pas cet amalgame entre étudiants, grévistes et casseurs que le gouvernement a choisi comme pierre angulaire de sa stratégie.

La jeunesse québécoise est aujourd'hui, alors que se déploie une petite révolution qui leur appartient, plus riche d'un enseignement formidable : elle est plus forte unie que divisée, elle n'est pas une génération gâtée mais une génération qui doit, peut et sait se battre, plus forte avec une pancarte qu'une manette de Nintendo, avec habileté sur les médias sociaux, et capable d'ébranler les plus massives colonnes des plus odieux temples.

Sans renoncer à cette nécessaire vigilance, elle a déjà gagné : la loi 78 sera abolie, la hausse de 82% des droits de scolarité annulée, et la réforme nécessaire de l'enseignement supérieur ne sera fera qu'avec eux autour de la table, partenaires à part entière d'une entente valable et durable.

Dans l'intervalle, si vous avez une minutes, dites merci à cette jeunesse qui redonne une âme au Québec.

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