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Lucidité et engagement régional

La baisse de plus de 300 000 votes exprimés en faveur du Parti québécois est un signal qui ne trompe pas et qui ne sera pas si simple à interpréter. Le Parti québécois devrait en faire une analyse sans complaisance avant de se lancer dans une course à la direction. Il devra aussi se réinventer sur la question nationale, la social-démocratie et le développement durable. S'il ne fait que le dire, il restera dans l'impasse.
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Le 7 avril, la population du Québec a élu un gouvernement majoritaire du Parti libéral a partagé l'opposition à l'Assemblée nationale entre le Parti québécois, la Coalition avenir Québec et dans une moindre mesure Québec solidaire. Ce ressac du vote en défaveur du Parti québécois a aussi emporté la circonscription de Johnson et mis un terme à ma carrière à l'Assemblée nationale. La Mauricie sera donc représentée par cinq députés libéraux et le Centre-du-Québec par quatre élus de la CAQ. Je leur adresse mes félicitations sincères et je leur offre une collaboration sans arrière-pensée. Pour ce faire, j'informe la région que je me libère aujourd'hui de la ligne de parti.

Je n'interprète pas le résultat dans Johnson comme un jugement sur mon travail à titre de député et de ministre régional. Je suis fier et reconnaissant envers mon équipe pour la réalisation de plus de projets majeurs que jamais auparavant, et ce en à peine un an. À Drummondville, le Centre Famille-Enfants s'animera en 2017. Le centre de formation professionnelle est doté de nouveaux équipements cruciaux. La bibliothèque municipale sera en chantier sous peu. Deux gymnases s'ajouteront aux équipements sportifs en vue des Jeux du Québec. Le Centre de foires est un succès avant même son ouverture. Quant à la Mauricie, je mentionne bien sûr le dossier de l'eau à Shawinigan, celui de l'agrandissement du CHRTR, la mise en œuvre réussie du Fonds de diversification de 200 millions de dollars et le soutien aux incubateurs industriels de Trois-Rivières, Shawinigan et Drummondville. À ces centaines d'emplois s'ajouteront ceux chez IFFCO, RER Hydroliennes, Quest et, l'espère-t-on, Ferro Atlantica. Je suis content de ma contribution en Mauricie et au Centre-du-Québec à l'essor d'une économie qui s'appuie sur un entrepreneuriat régional, diversifié, innovant, exportateur et de plus en plus vert.

Le campus universitaire de l'UQTR à Drummondville est sans aucun doute le plus bel héritage que je lègue à la région. En 2008, j'en étais venu à la certitude que Drummondville et le Centre-du-Québec devaient être dotés d'un campus universitaire dispensant une diversité de programmes adaptés à leur singularité. J'en ai alors fait un engagement. Le campus universitaire de l'UQTR à Drummondville accueillera ses premières cohortes dès l'an prochain. Je crois qu'il marquera l'histoire de la région.

J'ai répété sur toutes les tribunes que l'emploi est le principal moteur d'un avenir économique prospère et équitable. Chaque emploi créé améliore la qualité de vie et le pouvoir d'achat de biens et services préférablement québécois d'une famille. Chaque emploi créé améliore la compétitivité et la productivité d'une entreprise ou d'une institution. Chaque emploi créé représente des dépenses de moins pour l'État, et des revenus de plus. Le Québec a encore le réflexe d'aborder l'emploi en termes de quantité alors qu'il devrait davantage l'être en termes de qualité. Les employeurs souffrent d'un manque de main-d'œuvre qualifiée. Des milliers de jeunes ne trouvent pas preneur pour des compétences qui ne correspondent pas aux besoins du marché. Cet arrimage entre les postes offerts et la qualification de la main-d'œuvre disponible est le pire obstacle à l'implantation d'un modèle économique équilibré pour les finances publiques, performant pour les entreprises, mais surtout porteur de qualité de vie pour une génération qui a peut-être renoncé à son poids dans la prise des décisions collectives. On comprendra alors que mon engagement auprès des acteurs en éducation de ma région s'inscrivait dans une perspective plus vaste.

Dès le 7 avril, je n'ai pas hésité à dire aux médias que je mettrais mon talent, mon énergie et mon expérience au service de la Mauricie et du Centre-du-Québec. Je suis un développeur, un homme de projets. La future forme de cet engagement donne lieu à une passionnante réflexion. Il est déjà clair que je collaborerai avec des acteurs municipaux, économiques, sociaux ou culturels que je connais déjà comme très peu de gens en ont la chance.

La baisse de plus de 300 000 votes exprimés en faveur du Parti québécois est un signal qui ne trompe pas et qui ne sera pas si simple à interpréter. Le Parti québécois devrait en faire une analyse sans complaisance avant de se lancer dans une course à la direction. Il devra aussi se réinventer sur la question nationale, la social-démocratie et le développement durable. S'il ne fait que le dire, il restera dans l'impasse. Les Québécois viennent de lui en donner le temps.

Je suis convaincu de la pertinence de la souveraineté du Québec. Elle n'est pas une fin, mais un moyen. Le coffre à outils complet de toute nation affirmée. Les Québécois peuvent et doivent s'approprier tous ces outils. Aujourd'hui, ils n'en veulent pas. Tant que la confiance en nos moyens et nos élus ne sera pas restaurée, nos finances publiques équilibrées et la jeunesse investie dans le processus politique, ça ne changera pas. C'est un défi pour un parti dont la base militante est soudée par cet appel impatient du pays. Pourtant, ils ont le devoir d'éviter que le développement du Québec et la démocratie ne soient pris en otage de ce seul enjeu et au détriment même du parti de René Lévesque. Le Parti québécois ne doit jamais cesser pour autant de faire valoir la normalité salutaire de se donner un pays bien à nous. Qu'il écoute et parle davantage, sans le boulet du quand ou du comment, afin de permettre aux Québécois d'y réfléchir puis d'y rêver sans la méfiance que suscite une fébrilité toute péquiste.

Il est révélateur que les Québécois n'aient pas attendu les éclaircissements sur l'éthique ni le renouvellement du Parti libéral avant de lui confier si tôt un si fort mandat. En ne reportant pas clairement après un autre scrutin un possible référendum sur la souveraineté, le Parti québécois est donc responsable de son propre recul. Bien sûr le piège était béant, mais nous n'avions pas à y tomber. Bien sûr, il y a des médias ouvertement fédéralistes et aucun qui soit souverainiste, et les sondages sont un détournement toxique en période électorale. Nous devons quand même et sans amertume accorder la chance au premier ministre Couillard de piloter en parallèle le renouvellement du Parti libéral et le gouvernement. Pour l'y aider, remplaçons les dénonciations par des propositions. S'il est singulier que le Parti libéral soit de retour au gouvernement sans avoir même déposé un programme ou une plateforme, voyons-y l'occasion de définir des politiques consensuelles en diversification économique, en soins de fin de vie, en itinérance, en éducation, en santé ou en environnement.

Bien que je ne verse pas dans les attaques personnelles et ne mente pas, j'ai parfois exprimé mes avis sur un ton rude. Pourtant, je dénonce aujourd'hui avec sévérité la méchanceté brute qui colore souvent les échanges en politique et la dérive parfois vulgaire d'une certaine presse qui se dit d'opinion. Une génération complète semble refuser de les cautionner. Une génération que ses aînés ne rejoignent plus. Dans cette foulée, la configuration de l'Assemblée nationale offre une occasion historique : l'ampleur de la victoire libérale prête à la magnanimité et la déroute péquiste à la modestie. Je souhaite que la Coalition avenir Québec s'inspire de cet environnement favorable à une redéfinition des rapports entre parlementaires.

Le bilan écologique, environnemental et en développement durable du gouvernement du Parti québécois aura, je crois, été plus valable que celui du précédent. Tout demeure possible pour le suivant. Notre bilan reste cependant insuffisant. Malgré la présence de quatre environnementalistes reconnus au sein du caucus et de deux au sein du Conseil des ministres, notre gouvernement n'a pas su intégrer à la pensée de l'État des notions structurantes en termes de protection et de restauration de l'environnement, de conservation et de mise en valeur de la diversité biologique, ni en termes de cette harmonisation pourtant profitable de l'économie et de l'écologie. Les valeurs environnementales n'y ont pas été suffisamment promues comme modèle de développement durable dont le Québec peut et doit être un exemple. Les milieux économiques ont trop peu été interpelés par mes invitations à intégrer la pensée écologique à leurs modèles de développement d'entreprises. Je constate et me désole que les autorités du gouvernement auquel j'ai participé n'aient pas mieux saisi et transmis l'élan que peut offrir une vision écologique du développement économique. Des grappes d'entreprises de mieux en mieux structurées et des centres de recherche performants y auraient pourtant adhéré avec enthousiasme.

Je prends sans hésiter une part de ce blâme. Je croyais que nous aurions plus de temps pour y arriver, et que la latitude pour le faire serait davantage disponible au sein d'un gouvernement majoritaire. À défaut de mieux avoir conçu, transmis et déployé une telle vision écologique et prospère de l'avenir, une large part du Québec progressiste est restée chez elle le 7 avril dernier. J'y reviendrai bientôt de façon beaucoup plus détaillée et sans complaisance tant face au bilan qu'aux exigences et aux opportunités du futur.

Néanmoins, la mise en œuvre d'un marché nord-américain du carbone salué mondialement et dont la Californie et le Québec sont les premiers états participants, la fin de la filière nucléaire, le refus de soutenir l'exploitation de l'amiante, l'électrification des transports et le recours plus fréquent aux consultations publiques du BAPE (Îles-de-la-Madeleine, uranium, gaz de schiste, Anticosti...) sont des gestes salutaires. L'indépendance énergétique peut être davantage que le remplacement du pétrole étranger par du pétrole québécois d'Anticosti. Il doit s'agir de l'usage de nos ressources en carburants fossiles pour, justement, nous en libérer et réduire nos émissions de GES. Il faut ne le faire que si le coût écologique peut être minimisé et notre empreinte environnementale comparative réduite. Il me semble donc inconcevable d'aller de l'avant avec l'extraction de gaz de schiste dans les basses terres du St-Laurent.

L'économie attribue au service des gens les ressources naturelles, matérielles, humaines et intellectuelles à notre disposition. Est-ce que le modèle d'une économie diversifiée, portée par une communauté d'entrepreneurs régionaux, axée vers l'exportation, l'innovation et une sensibilité environnementale doit être celui du Québec? Est-ce que les institutions d'enseignement doivent rééquilibrer l'essentielle recherche fondamentale qui enrichit et transmet la connaissance d'une part, et la formation technique puis la recherche appliquée afin de mieux s'arrimer aux besoins des entreprises d'autre part? Partage-t-on adéquatement la richesse, donne-t-on une chance équitable à chacun? Peut-on encore reporter les choix de développement qui assureront une longévité accrue à la vie et la diversité sur la Terre? Le Québec peut-il être à la fois un pays et un modèle?

Je prends un grand pas de recul et exprime le désir d'agir et de porter d'abord la voix de la Mauricie et du Centre-du-Québec, une région qui m'a accueilli et que j'aime durablement.

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