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Les femmes dans la guerre : une leçon de courage et de résilience face à l'adversité

Qu'elles demeurent dans leur pays ou qu'elles fuient à l'étranger, les femmes touchées par la guerre doivent être pleinement associées à l'élaboration des solutions destinées à répondre à leurs besoins spécifiques et à réduire leur vulnérabilité.
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Une histoire se résume rarement, pour ne pas dire jamais, à de simples statistiques. Les réfugiés, demandeurs d'asile et autres migrants qui affluent en une vague sans précédent sur les côtes et aux frontières européennes depuis plusieurs mois en apportent une nouvelle fois la preuve. Ils sont des centaines de milliers - et l'on s'attend à en voir arriver beaucoup d'autres -, dont chacun est porteur d'une histoire, le plus souvent tragique.

Originaires pour la plupart de Syrie et d'Afghanistan, ils sont nombreux à avoir fui leur pays en guerre faute de pouvoir s'y construire un avenir, après avoir assisté à la destruction de leur maison et de leurs moyens de subsistance, ou vu leurs proches être tués ou blessés. Ils ne sont toutefois que la partie la plus visible d'un phénomène bien plus vaste : en Afrique, en Asie et dans les Amériques, d'innombrables migrants vivent dans des pays touchés par un conflit armé ou une situation de violence, ou les traversent. Eux aussi ont chacun leur histoire, leur propre expérience de la souffrance et de l'adversité.

Il est néanmoins une statistique qui retient l'attention : la faible proportion de femmes parmi les migrants arrivés en Europe par la mer Méditerranée depuis le début de l'année 2015 (d'après l'agence des Nations Unies pour les réfugiés*, elles ne représentent que 13 % du nombre total - et les enfants, 18 % - alors que leur part au sein des populations de réfugiés et de migrants atteint généralement un pourcentage moyen bien plus élevé). Comment expliquer un tel phénomène ? Pourquoi les femmes sont-elles si peu à faire le voyage ? Pourquoi la majorité d'entre elles seraient-elles abandonnées à leur sort ?

Il y a quelques années, un célèbre commandant des forces de maintien de la paix des Nations Unies qui avait servi en République démocratique du Congo avait prononcé cette phrase, restée dans les mémoires : "dans les conflits modernes, il est désormais plus dangereux d'être une femme qu'un soldat". Il n'avait sans doute pas tort. La guerre a toujours eu des répercussions différentes sur les hommes et sur les femmes, celles-ci étant généralement peu nombreuses à prendre part aux hostilités. Pourtant, dans les conflits armés contemporains - en Syrie comme en Afghanistan, au Yémen comme en République démocratique du Congo -, de plus en plus de femmes et de filles se voient infliger des souffrances disproportionnées, ce qui est très préoccupant. Dans un grand nombre de situations, elles sont délibérément prises pour cibles dans le cadre d'une stratégie de guerre, subissent des violences sexuelles abominables entre autres exactions, et peuvent être victimes de la traite et d'autres formes d'exploitation. Par suite de la guerre ou d'autres situations de violence, elles sont souvent contraintes au déplacement, se retrouvent séparées de leur famille et ont le plus grand mal à s'approvisionner en nourriture, en eau potable ou à accéder à des soins de santé. Elles peuvent aussi se retrouver seul soutien de famille.

Alors que le nombre de civils fuyant des pays comme la Syrie et l'Afghanistan ne cesse d'augmenter, beaucoup de femmes et d'enfants font partie de ceux qui restent, trop fragiles et vulnérables pour entreprendre le périlleux voyage qui a déjà coûté la vie à plusieurs milliers de personnes. Les populations qui fuient ont impérativement besoin de protection non seulement pendant leur périple mais aussi après. C'est d'autant plus vrai pour les femmes et les enfants réfugiés et migrants, plus exposés aux violences et à l'exploitation. En outre, le voyage coûte cher (un facteur exploité par les trafiquants) : les hommes partent alors parfois les premiers, dans l'espoir de pouvoir faire venir leur famille plus tard.

Il se peut aussi que de nombreuses femmes restent pour assumer leur rôle de chef de famille et prendre soin de ceux qui sont dans l'incapacité de fuir. Dans bien des cas, ce sont elles qui, par leur force et leur résilience, font vivre leurs familles et assurent la cohésion de la communauté élargie.

À l'échelle mondiale, il ressort de ces constats que les besoins humanitaires atteignent aujourd'hui une ampleur sans précédent dans les pays touchés par un conflit armé : jamais par le passé nous n'avons dû faire face à autant de crises complexes en même temps, et jamais la réponse humanitaire globale n'a paru aussi insuffisante. La "crise des migrants" à laquelle est confrontée l'Europe témoigne non seulement de l'incapacité du système international à s'attaquer aux causes et aux conséquences des conflits armés de longue durée, mais aussi des contraintes croissantes auxquelles se heurtent surtout les acteurs humanitaires internationaux dans leur mission d'assistance et de protection en faveur des populations touchées par ces conflits.

Le manque de fonds explique en partie cet état de fait, mais il n'est pas le seul en cause. Nombre d'organisations humanitaires ne sont pas présentes dans les zones de conflit en raison du climat d'insécurité et de violence extrêmes qui y règne ou parce que leur accès à ces zones est bloqué par les États et, souvent, par un nombre de plus en plus élevé de groupes armés non étatiques. Même les règles fondamentales du droit international humanitaire sont fréquemment violées, généralement en toute impunité. Dans ces conditions, de nombreux acteurs humanitaires internationaux choisissent de déléguer les opérations de terrain à des partenaires locaux, qui en assument les risques à leur tour.

Pour une organisation humanitaire telle que le CICR, il est indispensable d'agir dans le respect des principes fondamentaux d'impartialité, de neutralité et d'indépendance pour se faire accepter le plus largement possible de toutes les parties prenantes et obtenir un accès sûr aux personnes qui ont besoin d'assistance et de protection. Pour y parvenir, nous devons relever un défi de taille : il nous faut constamment apporter la preuve de la pertinence et de l'efficacité de notre action et, dans un environnement où la confiance fait souvent défaut, convaincre de notre légitimité celles et ceux qui ont le plus besoin de nous, à savoir les bénéficiaires.

S'agissant des femmes en particulier, nous devons non seulement gagner leur confiance et nous faire accepter d'elles en travaillant en étroite collaboration avec elles et en étant véritablement à leur écoute, et évaluer correctement leurs besoins spécifiques pour y répondre au mieux, mais aussi nous appuyer sur leurs capacités propres. Cette tâche ne peut être menée à bien que par des professionnels de haut niveau conscients - comme tous leurs collègues -des enjeux liés à l'égalité des sexes et à la diversité, et possédant l'expérience, les connaissances et les qualités personnelles adéquates.

Il est essentiel d'élaborer des projets intelligents et innovants qui tirent le meilleur parti possible des nouvelles technologies et associent pleinement les femmes à l'évaluation des besoins et à la mise en œuvre des programmes. Citons, à titre d'exemple, les transferts d'argent par téléphone portable mis en place en Somalie pour tenir compte des besoins des femmes en matière de protection, les programmes de création de revenus destinés aux femmes chefs de famille en Irak, ou encore les programmes intégrés - incluant la fourniture de soins médicaux et d'une assistance psychosociale, et la formation des communautés aux principes de protection et de réduction des risques - visant à traiter les causes et les effets de la violence sexuelle dans des pays comme la République démocratique du Congo, le Soudan du Sud, la Syrie, la Jordanie et la Colombie.

Bien entendu, mieux vaut prévenir que guérir. Le principal défi consiste donc avant toute chose à empêcher que la violence sexuelle soit utilisée comme arme de guerre - en veillant en priorité à ce que les États et les groupes armés non étatiques respectent les règles du droit international humanitaire (DIH). Si le CICR a un rôle de formation et de diffusion du DIH à jouer dans ce domaine, le nœud du problème demeure le non-respect du droit par les parties aux conflits, dans un climat d'impunité persistant.

Il est donc primordial de faire en sorte que le DIH soit mieux respecté, car cela contribuera aussi à prévenir ou du moins à réduire les déplacements d'hommes, de femmes et d'enfants dans certaines situations de conflit armé. De même, il est essentiel de fournir aux populations des pays touchés par un conflit armé une aide humanitaire durable et fondée sur des principes, au risque, peut-être, de brouiller la frontière entre activités humanitaires et activités de développement, mais toujours dans le respect absolu des principes de neutralité, d'indépendance et d'impartialité.

Qu'elles demeurent dans leur pays ou qu'elles fuient à l'étranger, les femmes touchées par la guerre doivent être pleinement associées à l'élaboration des solutions destinées à répondre à leurs besoins spécifiques et à réduire leur vulnérabilité. Telle est la condition si nous voulons avoir une chance de réussir. Les organisations humanitaires et les donateurs, y compris les États, doivent s'efforcer d'intégrer cette exigence dans leurs programmes, et ce à toutes les étapes du conflit armé - de la prévention à la reconstruction post-conflit, en passant par la protection.

Comme nous le constatons chaque jour dans le cadre de nos activités dans les pays touchés par un conflit, les femmes sont loin d'être des victimes passives. Il est indispensable de leur donner la parole et de les faire participer à toutes les initiatives visant à fournir une assistance et une protection appropriées et efficaces non seulement à elles-mêmes, mais aussi à leurs enfants et leurs familles. Si nous ne faisons pas l'effort de mieux les écouter et de nous appuyer davantage sur leur expérience, nous risquons d'être mis sur la touche.

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