Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Fête nationale: se rappeler de notre histoire avec Google?

Pourquoi ne pas avoir souligné qu'il y a 50 ans, une page sombre et marquante de notre histoire s'était tournée?
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
Célébrations de la Fête nationale à Montréal, 23 juin 2018
Paméla Lajeunesse
Célébrations de la Fête nationale à Montréal, 23 juin 2018

J'ai 65 ans. Ce 23 juin 2018, j'étais attablé à la place des Festivals à Montréal, assistant un peu à reculons à cette fête nationale, étant bien conscient que l'effervescence du mouvement nationaliste dans lequel j'ai grandi n'est aujourd'hui qu'une brume de l'histoire pour les spectateurs présents.

Les chansons se sont succédées dans un désordre de qualité d'interprétation, passant du talent vocal indéniable de Marie-Josée Lord aux textes parfois insipides de certaines chansons retenues, le tout se terminant par un hommage à Claude Dubois. Pourquoi cet hommage, non pas qu'il n'en mérite pas, mais pourquoi là et non aux Francofolies.

Une soirée comme d'autres et pourtant, dans ma tête, cette Saint-Jean n'aurait pas dû être ordinaire. Car il y a 50 ans à quelques heures près, cette Saint-Jean se transformait pour moi et pour bien d'autres en émeute, en chaos. Je me revois caché sous ce petit balcon sur la rue Sherbrooke, apeuré et figé, regardant des policiers à cheval frapper sans discernement des gens qui couraient en panique dans la rue. J'avais à peine 15 ans. Je ne comprenais pas tout ce qui se passait devant moi. J'étais descendu de Trois-Rivières avec ma famille et deux de mes oncles pour assister au défilé comme on le faisait presque chaque année. J'avais entendu mon père parler dans l'auto du Rassemblement pour l'indépendance nationale (RIN) et des Chevaliers de l'indépendance... Qu'il y aurait sûrement des pancartes ou des manifestations dans le défilé.

L'histoire allait par la suite parler. Ce que l'on allait appeler finalement «Le jour de la Matraque» et dont j'allais être un timide témoin se termina par près de 300 arrestations, plus d'une centaine de blessés, une description grotesque des animateurs de Radio-Canada du défilé. La couverture se concluant toutefois heureusement par le courageux reportage du journaliste Claude Jean Devirieux, qui rapporta avec détails la brutalité policière dont il était témoin. À cette page de l'actualité allait bientôt succéder plusieurs chapitres de l'histoire du nationalisme québécois, dont je ne referai pas ici la chronologie.

Mais voilà. Ici, en ce soir du 23 juin 2018, pas de rappel de ce dérapage, de cette répression brutale et de ce qui allait suivre. Pourquoi ne pas avoir pris trois minutes pour souligner qu'il y a 50 ans, une page sombre, mais aussi marquante de notre histoire s'était tournée?

La Fête nationale célébrée en grand à Montréal

Pourquoi?

Parce que ne n'est pas le temps, ce n'est pas la place?

Pour ne pas déplaire aux partisans de l'amour infini qui préfèrent oublier pour ne pas froisser?

On aurait pu le faire intelligemment sans le poing fermé, mais avec des yeux allumés.

Eh non, silence radio. Que de la musique et de la bière. Du pain et des jeux, en quelque sorte. Pourquoi embarrasser le bon peuple. De toute façon, pour le rappel de mémoire, ne vous tracassez pas, Google est là !

Après ce spectacle, je suis revenu à la maison un peu vide... Comme si on m'avait dérobé mon passé. Certains diront peut-être que ce passé n'intéresse plus personne aujourd'hui, qu'il faut vivre de son temps, que nous sommes rendus ailleurs...

Ah oui, en fait, nous sommes rendus où justement?

P.S. Et si finalement vous aviez la curiosité de revivre cette Saint-Jean de 1968, le beau documentaire de Luc Cyr Les feux de la Saint-Jean (2005) sur Tou.tv et Les 50 ans du jour de la matraque de Jules Falardeau sur le site Tabloid.

Quelques images de la St-Jean-Baptiste de 1968

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.