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Les garderies sont-elles rentables pour le gouvernement?

Plusieurs seront tentés de conclure que les garderies subventionnées sont un programme merveilleux, la preuve que l'État aide les femmes sans même que cela ne coûte quelque chose au contribuable. Erreur! Voici ce que dit réellement l'étude économique et ce qu'on peut en conclure.
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Une nouvelle étude semble affirmer que les garderies à 7$ par jour sont rentables pour le gouvernement du Québec. Les auteurs (Pierre Fortin, Luc Godbout et Suzie St-Cerny) soulignent qu'environ 70 000 Québécoises vont travailler parce qu'elles peuvent faire garder leurs bambins pour moins cher qu'avant en raison des places en garderies subventionnées.

Ces milliers de femmes sur le marché du travail génèrent une activité économique supplémentaire et des recettes fiscales dans les coffres de l'État. Selon les calculs des auteurs, Revenu Québec récupèrerait grâce à cela 4% de plus que ce qu'il en coûte au ministère de la Famille pour financer les garderies subventionnées.

Plusieurs seront tentés de conclure que les garderies subventionnées sont un programme merveilleux, la preuve que l'État aide les femmes sans même que cela ne coûte quelque chose au contribuable.

Erreur! Voici ce que dit réellement l'étude économique et ce qu'on peut en conclure.

La « rentabilité » des garderies subventionnées demeure incertaine

Est-on sûr que c'est « rentable » pour le gouvernement? Non, on ne peut l'affirmer hors de tout doute. Comme souvent en science, il faut composer avec un certain degré d'incertitude. Tout repose sur une donnée cruciale, soit la moyenne estimée de 70 000 femmes supplémentaires en emploi. Ça pourrait être plus, ça pourrait être moins. Or, même en utilisant la moyenne, le programme de garderies subventionnées serait TOUT JUSTE rentable puisque le gouvernement du Québec verrait ses recettes fiscales augmenter de 104$ pour chaque tranche de 100$ de coût. S'il y a en réalité un peu moins de femmes en emploi que la moyenne estimée, la rentabilité disparaît et le gouvernement du Québec y perd.

Autrement dit, ce que Fortin, Godbout et St-Cerny nous disent, c'est qu'il y a presque 50% de probabilités que le programme soit déficitaire pour les finances publiques!

Évidemment, il ne s'agit pas vraiment de rentabilité ici, mais d'effet net sur les finances publiques. Les recettes supplémentaires sont élevées aussi parce que les impôts des Québécois sont élevés. Or, c'est en partie parce que les impôts sont élevés qu'il est moins intéressant de retourner travailler rapidement. En langage économique, le coût d'opportunité d'un congé parental plus long est moins élevé lorsque les revenus nets d'impôt sont moins élevés. Si le gouvernement imposait moins les revenus du travail, l'incitation à travailler serait d'autant attirante, et ce, sans recourir à des subventions gouvernementales.

L'étude ne dit pas non plus qu'en augmentant le nombre de places, les bénéfices pour les recettes du gouvernement seraient plus grands. Au contraire, la « rentabilité » des 215 000 places de garde subventionnées a entraîné le retour précoce en emploi de 70 000 Québécoises de plus. Cela signifie en pratique que le programme actuel n'est pas toujours bien ciblé. Dans de nombreuses familles, une place en service de garde n'influence pas la décision de travailler ou non. De plus, on sait que les places en garderie subventionnées profitent surtout aux familles les plus nanties.

Les coûts, eux, sont certains

Les coûts exorbitants du programme, eux, ne sont pas probabilistes. Ils sont inscrits dans le rapport de gestion du ministère de la Famille : 2 006 085 800$ (ne vous perdez pas, ça veut dire 2 milliards de dollars). C'était 379 millions de dollars en 1997, lors de l'instauration des garderies à 5$ (puis à 7$). Le nombre de places à certes augmenter de 161% en 15 ans, mais les coûts du programme se sont accrus beaucoup plus rapidement, de 429%!

Comme c'est souvent le cas avec les structures bureaucratiques, on perd le contrôle des coûts. Les normes et les règlements, la syndicalisation systématique, les négociations centralisées, l'attrition du pouvoir des parents, la prise de décisions par des fonctionnaires qui décide de quel enfant sera accepté, où et à quel prix, tout cela fait en sorte que chaque place coûte deux fois plus cher qu'à la mise sur pied du programme.

Si l'on souhaite que les garderies subventionnées soient « rentables » pour le gouvernement, il ne faut pas perdre de vue ces coûts en croissance rapide. Il serait même possible de repenser la façon de faire actuelle. Le bénéfice pour les finances publiques ne dépend pas d'un lourd programme universel et bureaucratique, mais bien de l'incitation économique offerte par le biais d'une subvention réduisant le coût des services de garde.

En versant la même subvention directement aux parents qui envoient leurs enfants en garderies, le gouvernement aurait pu accomplir le même résultat en termes de taux d'emploi pour beaucoup moins d'argent. Il est généralement plus efficace, pour ne pas dire plus humain, d'investir dans les gens plutôt que dans les grosses structures bureaucratiques.

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