Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Une éducation sexuelle pour des élèves ayant une déficience intellectuelle... Pourquoi?

Une femme sur quatre présentant une déficience cognitive a été victime d’abus avant l’âge de 15 ans.
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
Les jeunes ayant une déficience intellectuelle sont beaucoup plus susceptibles d’avoir des rapports sexuels non protégés que les autres jeunes.
manonallard via Getty Images
Les jeunes ayant une déficience intellectuelle sont beaucoup plus susceptibles d’avoir des rapports sexuels non protégés que les autres jeunes.

Partout au pays, nombreuses ont été les discussions sur l'éducation sexuelle de nos jeunes. Nous avons entendu divers groupes parler de ce qui est enseigné et de ce qui ne l'est pas dans nos écoles. Or, il existe un groupe dont la voix ne se fait pas entendre.

Les élèves ayant une déficience intellectuelle ont aussi besoin d'éducation sexuelle, et personne n'aborde cette question.

Lorsque ma sœur, qui a une déficience intellectuelle, et moi avons grandi dans les années 70 et 80, nous n'avons reçu aucune éducation formelle sur la santé sexuelle. J'ai finalement appris ce dont j'avais besoin par l'intermédiaire d'amis, de médias et de livres, mais ma soeur n'avait accès à rien de tout cela.

Par conséquent, elle et ses pairs ne possédaient pas les connaissances élémentaires en cette matière. Ils ne connaissaient ni la contraception ni le consentement ou ce que signifie le fait d'avoir des relations sexuelles et romantiques agréables. Et elle et ses amis étaient sans défense contre d'éventuels abus de nature sexuelle.

Revenons à aujourd'hui: les choses n'ont pas beaucoup évolué. Dans tout le pays, il n'est pas facile de trouver des politiques formelles en matière d'éducation sexuelle pour les personnes ayant une déficience intellectuelle dans les écoles publiques.

Il semble qu'on laisse trop souvent à chaque enseignant le soin de décider du contenu et de la manière de parler de sexualité à cette population.

Selon des conversations tenues avec des enseignants de plusieurs provinces qui enseignent à cette population (aussi bien dans des classes séparées qu'intégrées) ainsi qu'avec des parents, il semble qu'on laisse trop souvent à chaque enseignant le soin de décider du contenu et de la manière de parler de sexualité à cette population. Des ressources utiles ont été mises au point dans plusieurs provinces (par des organismes communautaires s'occupant d'amélioration des conditions de vie et d'autres), mais la question de savoir si et comment elles sont utilisées en classe reste sans réponse.

Malheureusement, encore à ce jour, les risques d'abus, de victimisation et de mauvaise santé sexuelle sont trop élevés.

Dans le cadre de mon travail comme psychologue, je me souviens d'avoir fait l'évaluation des connaissances et des attitudes sexuelles d'un jeune homme ayant une déficience cognitive. Il savait ce qu'était l'homosexualité et affirmait haut et fort que c'était mal. Il s'est avéré qu'il était sexuellement actif dans la communauté LGBTQ et se sentait confus et honteux de se savoir homosexuel, parce qu'on ne lui avait rien enseigné à ce propos.

Je me souviens aussi d'avoir travaillé avec une jeune femme ayant une déficience intellectuelle qui avait reçu un diagnostic d'infection transmissible sexuellement (ITS). Elle l'avait contractée de son petit ami qui lui avait dit que les préservatifs n'étaient pas nécessaires, car elle prenait la pilule contraceptive.

Sans information sur la santé sexuelle inclusive et les compétences nécessaires pour aborder les relations intimes, nous maintenons les personnes handicapées dans une position d'extrême vulnérabilité. Ils sont susceptibles d'apprendre de mauvais comportements et de fausses informations qui peuvent les mettre à risque, les induire en erreur et les amener à se sentir coupables ou honteux des choix qu'ils font.

Des preuves criantes

Une enquête nationale de NPR menée en 2018 a examiné les données fédérales aux États-Unis et a révélé que les taux d'agressions sexuelles étaient sept fois plus élevés chez les personnes ayant une déficience intellectuelle que chez les autres.

Une récente étude menée à grande échelle au Royaume-Uni a révélé que les jeunes ayant une déficience intellectuelle étaient beaucoup plus susceptibles d'avoir des rapports sexuels non protégés que les autres jeunes, et que les filles handicapées étaient plus susceptibles de devenir mères à 20 ans.

Quelle est la situation au Canada?

Les quelques données disponibles suggèrent que les agressions sexuelles sont également plus fréquentes chez cette population. Selon un rapport de Statistique Canada publié en 2018, une femme sur quatre présentant une déficience cognitive a été victime d'abus avant l'âge de 15 ans.

En ce qui concerne les grossesses, les jeunes femmes ayant une déficience intellectuelle donnent naissance aussi souvent que les jeunes femmes non handicapées. Elles sont cependant plus susceptibles de vivre dans la pauvreté, avec des problèmes de santé mentale et des complications de santé pour elles et leurs bébés.

En outre, une nouvelle étude faite par mes collègues et moi indique que cette population a deux fois plus de chances d'avoir un deuxième enfant dans l'année suivant l'accouchement, ce qui expose le nourrisson à des complications sanitaires et même à la mortalité.

Qu'en est-il des rapports sexuels protégés?

Dans une étude réalisée en 2017, mes collègues et moi avons constaté que le VIH est aussi fréquent chez les adultes ayant une déficience intellectuelle que chez les adultes non handicapés; toutefois, cette population est plus malade et nécessite beaucoup plus de soins physiques et mentaux que les autres.

Que l'on en parle en classe ou non, les jeunes ont des relations sexuelles. Et les élèves ayant une déficience intellectuelle ne sont pas différents des autres à cet égard.

Une éducation de qualité en matière de santé sexuelle dans les écoles pour les personnes ayant une déficience intellectuelle est une nécessité.

Nous devons réfléchir à la manière de transmettre l'information de façon sensible, en répondant aux besoins d'apprentissage de chaque élève. La bonne nouvelle est que nous vivons à une époque où de grands défenseurs protègent les droits des personnes handicapées et ils sont prêts à prendre part à la discussion pour trouver la meilleure façon d'y parvenir.

Parlons-en maintenant!

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.