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Les non-dits d'une campagne électorale : mouvements étudiants et crise politique

Cette dichotomie entre les aspirations au changement de la population et l'offre politique étroitement partisane qui nous est servie à l'occasion de ces élections éclate chaque jour davantage. La crise déclenchée par les jeunes cégépiens-nes et étudiants-es sur la question de l'augmentation des frais de scolarité semble être l'angle mort de la campagne, forçant les protagonistes à camper sur leurs anciennes positions. Ces élections n'ont-elles pas été déclenchées pour trouver une solution démocratique à la crise?
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AFP

Le divorce entre les attentes de changement de la population, exprimées avec radicalisme et brio par les jeunes générations en ce printemps érable qui se prolonge en cet automne chaud, et les discours des politiciens en campagne électorale n'a jamais été aussi patent.

De toutes parts fusent les frustrations à leur endroit. L'économisme à tout crin des uns( PLQ et CAQ), qui ne cessent de répéter comme un mantra que « le Québec tire bien son épingle du jeu » de la crise économique et financière mondiale et l'idéologisme à peine voilé des autres (PQ et QS), qui peinent à nous convaincre qu'ils formeront d'abord et avant tout (référendum) un bon gouvernement, nous apparaissent comme des formules éculées! Plus que jamais, on a le sentiment que les politiciens tirent de l'arrière au lieu de nous diriger vers l'avenir. Certes, ils cherchent tous à reprendre la main par rapport au mouvement de contestation majeure (la rue) qui a ébranlé le Québec le printemps dernier.

Les crises qui secouent le monde de l'éducation et de la santé ne peuvent certes pas se dénouer en quelques semaines de campagne électorale. Aucune solution durable à ces problèmes ne peut être trouvée si l'on se cache continuellement derrière des formules qui n'ont rien eu de magique et qui nous ont conduit là où nous sommes. Mais l'ouverture d'un dialogue et d'une concertation sociale sur ces enjeux ne semble pas préoccuper les politiciens qui briguent nos suffrages.

Or cette dichotomie entre les aspirations au changement de la population et l'offre politique étroitement partisane qui nous est servie à l'occasion de ces élections éclate chaque jour davantage. L'intégration de certaines « personnalités de l'année » aux équipes usées par la joute politique ne suffit pas à changer la donne et ne fait qu'ajouter à la confusion qui a marqué cette campagne jusqu'à maintenant. Pourtant, la crise est profonde et les remèdes loin d'être connus. La crise déclenchée par les jeunes cégépiens-nes et étudiants-es sur la question de l'augmentation des frais de scolarité semble être l'angle mort de la campagne, forçant les protagonistes à camper sur leurs anciennes positions. Ces élections n'ont-elles pas été déclenchées pour trouver une solution démocratique à la crise?

Énonçons quelques vérités qui pourraient aider à faire un diagnostic objectif de la situation présente au Québec : l'éducation post-secondaire (Cegeps et universités) y est relativement accessible à tous, même si de grandes disparités existent selon les origines culturelles, sociales, ethno-religieuses des étudiants-es. L'idéal de gratuité scolaire à ces niveaux ne figurait pas dans le Rapport Parent et si aujourd'hui il est avancé par quelques politicien-es (QS), il apparaît bien utopique. Le compromis qui a été trouvé depuis une trentaine d'années du gel des droits de scolarité ne fait plus consensus et la hausse progressive a été plus ou moins acceptée.

Est-ce l'augmentation trop élevée de ces droits (80% en 5 ans) et la manière trop précipitée et sans concertation du gouvernement qui nous ont précipité dans une telle crise?Peut-être, mais force est de constater qu'aucun des compromis présentés par le gouvernement, et il y en a eu, n'a réussi à résorber la crise, qui sera à nouveau sur la table de négociation quel que soit le gouvernement issu des élections du 4 septembre prochain. Je ne crois pas qu'un gouvernement du Parti Québécois puisse indéfiniment geler les droits de scolarité sans un risque important pour nos finances publiques! Mais il y a plus : en ignorant ces questions, on cherche aussi à minimiser l'autre facteur à l'origine de cette crise, à savoir un climat social largement détérioré.

Car la contestation des droits de scolarité en recouvre une autre, plus vaste et plus intemporelle. Mise de l'avant par le mouvement étudiant plus radical (par la Classe, en particulier), la critique du tournant néo-libéral incarné par le gouvernement Charest ( accusé de la privatisation partielle des services de santé et d'éducation, allégations de corruption des services municipaux etc..) rejoint un mouvement transnational de contestation de la mondialisation ( Occupy Wall Street, Montréal etc..).

Une bonne partie de la population québécoise, inquiète de son avenir et de celui de ses enfants, est sensible à ces critiques. Beaucoup pensent que les nouvelles générations auront moins d'opportunités qu'ils n'en ont eues et que l'ère de la prospérité est derrière eux. Les méfaits du néo-libéralisme sont nombreux et incontestables : la marchandisation de l'éducation n'en est qu'un des effets délétères. La corruption et le vol organisé par les grandes institutions financières qui outrepassent et violent sans vergogne les lois offrent le spectacle désolant d'une recherche du profit sans limite! Si ces scandales éclatent à New-York et Londres, peut-on en dire autant pour Montréal et Québec? En ce sens, force est de constater que nous avons largement échappé aux banqueroutes majeures dûes aux subprimes, que les règlements et les lois sont plutôt mieux respectées ici qu'ailleurs. Alors pourquoi un tel tintamarre? Et que peut-on en retenir pour cette campagne électorale d'un nouveau genre?

La crise étudiante a révélé un malaise profond dans la société québécoise, qui couvait depuis plusieurs années mais qui était contenu dans le fameux clivage entre le oui / non, oui à nous-autres ( souverainistes, indépendantistes, nationalistes conservateurs, canadiens-français etc..), non aux autres ( fédéralistes, canadians etc..)! Ce clivage, même s'il est encore présent, n'est plus aussi déterminant. Peuvent s'exprimer avec force les clivages profonds qui existent entre les gauches et les droites, avec toutes leurs nuances et qui se retrouvent dans l'offre politique qui pour la première fois depuis très longtemps est aussi variée. Toutes les voix peuvent désormais se faire entendre, même et pourquoi pas celle d'un futurNPD Québec, c'est-à-dire d'une gauche qui serait pan-canadienne et qui rassemblerait autant des franco que des anglooudes allophones! Ce qui a été le cas aux dernières élections fédérales où le Québec a envoyé le plus grand nombre de (jeunes) députés néo-démocrates.

De là ce désamour envers le Parti Libéral du Québec, qui pourrait se traduire par une désaffection des électeurs traditionnels du PLQ aux prochaines élections. Le traitement de la crise étudiantea poussé le PLQ vers la droite, alors qu'autrefois ce parti apparaissait comme étant au centre, car il rassemblait toutes les fractions fédéralistes, y compris progressistes, en son sein. Finie alors la malsaine opposition entre fédéralistes et souverainistes? La tendance au retour aux grands clivages politiques entre la droite et la gauche est en tout cas bien présente dans la campagne actuelle, poussant le Parti Québécois à endosser bien malgré lui un discours plus progressiste que souverainiste, et le Parti libéral dans ses derniers retranchements fédéralistes.Dans ce cas, le pari de Jean Charest est ardu, lui, qui comme de Gaulle après mai 68, voulait montrer de quel coté était la majorité silencieuse! Si De Gaulle a fait gagner son parti aux législatives de Juin 68, il a toutefois perdu son référendum en avril 1969. Le Grand homme avait sous-estimé l'ampleur de la crise politique déclenchée par les mouvements étudiants!

Manifestation étudiante du 22 août 2012

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