Les selfies ont, depuis quelques années, envahi (infesté) le monde réel et, encore plus, virtuel, au point où la pratique de l'égoportrait est devenue une nuisance visuelle certaine.
Il n'y a pas une seule journée qui passe sans que je sois confronté - dans la rue, dans l'autobus, au cinéma, pour les fêtes pascales, etc. - à un « selfieux » qui désire capter sa face dans l'instant présent. Sur le plan virtuel, c'est encore pire... (sic). Pour tout dire, et je ne dois certainement pas être le seul, il m'est impossible de me connecter sur les réseaux sociaux sans que ma page d'accueil soit littéralement inondée de selfies de toutes sortes ; des pics-de-chix-dans-le-miroir au duckfaces, en passant par les jambes allongées comme un hot-dog, jusqu'aux démonstrations musculaires de douchebag, et autres genres de photos de m****. Im-po-ssi-ble, dis-je !
Si vous vous rappelez, il y a eu une mode, voilà quelque temps déjà, où les gens prenaient un malin plaisir à photographier leur assiette à tous les repas - déjeuner, collation, dîner, souper - et conséquemment à téléverser ces photos sur les réseaux sociaux. Oui, oui... un vrai fléau au tournant des années 2010. Heureusement, cette mode est en perte de vitesse. Malheureusement, elle a été remplacée par les selfies... Maudit bout de viarge! Quand est-ce que les gens vont comprendre que la majorité du monde n'en a strictement rien à cirer de vos photos narcissiques ? Narcissique ? Oui, NAR-CI-SSI-QUE !
Non Yanick, ce n'est pas une forme de narcissisme ; c'est de l'art... de l'art photographique ! De l'art ? Ahh, j'ai compris... tu es un artiste du Kodak ; pis un artiste productif à part de ça ! Parce que lorsque tu « post » en moyenne 23 selfies par jour sur ton mur Facebook, on peut clairement dire que tu es productif... et irritant! Donc lâche moé le vibe artistique pis arrête d'inonder mon mur Facebook. Capiche!
Qu'est-ce que je racontais déjà ? Ah oui, narcissique... Il y a véritablement une forme de narcissisme dans ce comportement, un narcissisme qui n'est pas décomplexé. Je m'explique... D'abord, au niveau de la composition du mot et, en l'occurrence, de son étymologie, le terme selfie renvoi à l'anglais «self» qui veut dire soi. Le «selfieux» cherche donc à saisir un instant (attitude, comportement, situation, etc.) dans le temps (un exercice tout à fait louable et pertinent pour plusieurs raisons) et à le diffuser pour obtenir des réactions. Or, c'est justement cet exercice de diffusion qui peut certainement être moins pertinent, surtout lorsque le but recherché est explicitement personnel, c'est-à-dire d'intérêt individuel et égoïste.
La pratique de l'égoportrait est déterminée par un inconscient (et parfois même par un conscient) narcissique, voire une démonstration flagrante et publique du culte du moi et de l'individualité telle que définie par la société capitaliste. La recherche de la réaction publique (d'où la nécessité de la diffuser massivement sur les réseaux sociaux) tend à démontrer cette affirmation. La confirmation vient du fait que le selfie est devenu un véritable outil de reconnaissance sociale dans un monde dicté par la mode, la popularité et les standards des groupes dominants. Autrement dit, le comportement d'un «selfieux» est influencé, d'une part, par les émotions (contraire à la réflexion et au raisonnement cartésien) et, d'autre part, par l'impact potentiel «pour et sur» les autres (donc la recherche d'une réaction tierce, qui paradoxalement relève d'une forme de raisonnement). Le «selfieux» est ainsi atteint d'un grave déficit d'attention, qui vient à la fois jouer sur la corde de l'émotivité et de la réflexion afin de combler le vide attentionnel.
Peu importe les raisons, on dirait bien que je devrai - comme à l'époque des «posteux» de bouffe - faire une séance de blocage sur Facebook. L'idée de te bloquer de mon mur me procure une joie incommensurable, parce qu'honnêtement je ne suis tout simplement pu capable de voir ta face!
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