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De multiples questions demeurent toujours sans réponse... En somme, dites-moi honnêtement, est-ce que 1%, 2% ou même 3% valent à ce point la peine qu'il faille détruire un monde animal et végétal pratiquement à l'état brut ?
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Nous apprenions plus tôt cette semaine que l'entente entre Pétrolia et Hydro-Québec, concernant l'exploitation des sols et sous-sols de l'île d'Anticosti, serait, après d'incessantes demandes de la part de plusieurs acteurs de la société civile, finalement révélée au grand public. Jeudi matin, les signataires ont rendu public leur accord qui prévoit pour Hydro-Québec une redevance prioritaire de l'ordre de 3% (en fait 1% à 2% sur les 10 premiers millions de barils) sur les barils de pétrole. Notons que cette redevance sera calculée sur le prix moyen établi par les raffineurs. L'entente prévoit également un droit de premier refus pour la société d'État. Enfin, signalons que l'hypothèque légale, c'est-à-dire le coût des terres vendues par Hydro-Québec, est de 10 millions de dollars. Voilà grosso modo les grandes lignes de l'accord. Cela dit, lorsqu'on consulte cette entente, plusieurs zones grises persistent.

Dans un premier temps, sachant fort bien que Pétrolia est une entreprise «junior» et n'a pas nécessairement la capacité financière et les aptitudes technico-scientifiques pour exploiter les ressources d'hydrocarbures emprisonnées sous la roche, il ne serait pas étonnant de voir la compagnie vendre ses droits à une autre entreprise plus riche et plus compétente. Il est possible d'imaginer, par exemple, une vente à ExxonMobil ou encore à Total (contrôlée en grande partie par la famille Desmarais). Devant cette hypothèse, une série d'interrogations me vient à l'esprit : «advenant la vente des droits d'exploitation à un tiers, qu'advient-il des ententes signées avec Hydro-Québec? La société hydroélectrique obtiendrait-elle les mêmes redevances, les mêmes retombées globales de l'exploitation du pétrole de schiste? Dit autrement, l'acquéreur sera-t-il contraint de respecter l'entente initiale ? Sur ce point, quelles sont, au sein du document, les clauses légales par rapport à cette possibilité ?».

Pour l'instant, l'entente divulguée en date du 5 septembre ne révèle en aucun cas ce type d'informations, qui pourtant m'apparaissent cruciales afin d'examiner et de comprendre adéquatement le dossier de la vente de l'île d'Anticosti. Par conséquent, peut-on supposer que certains renseignements aient été censurés ou retenus par les deux parties pour diverses raisons ? Autre possibilité, peut-on penser, bien que cette perspective serait très étonnante, que ce genre d'informations n'ait pas été inscrit dans l'acte de vente ?

Certes, plusieurs me feront remarquer que l'entente singée en 2008 prévoit un droit de premier refus pour Hydro-Québec. Rien n'est moins vrai ! Or, ce droit, qui notons permet d'égaler une offre faite par un tiers, n'est pas significatif. Effectivement, il serait surprenant (pour ne pas dire stupéfiant) qu'Hydro-Québec, qui rappelons a cédé les terrains d'Anticosti pour 10 millions de dollars, décide de recourir à son droit de premier refus, dans l'optique où la société, hypothétiquement parlant, perdrait toute forme de crédibilité en rachetant les terres au prix de 10, 20 ou 100 fois le montant qu'elle a obtenu pour la vente. C'est tout simplement impensable ! Mais, il y a plus, car l'expérience des dernières années, et ce dans plusieurs secteurs d'activités, démontre que plusieurs clauses de droit de premier refus fournissent, de facto comme de jure, une protection illusoire, pouvant aisément être contournée par diverses manœuvres stratégiques et légales. D'ailleurs, un simple regard sur l'article 1397 du Code civil du Québec nous informe qu'«une vente faite en violation d'un droit de premier refus est quand même valable [...]». C'est peu dire !

Dans un second temps, sur le plan environnemental, de nombreuses questions demeurent sans réponse. Actuellement, Pétrolia, par l'entremise de l'entente conclue avec la société d'État québécoise, contrôle (possède) près de 6000 km2 de territoire, tandis que Junex, l'autre entreprise présente sur l'île du Golfe du Saint-Laurent, détient près de 1000 km2 sur une superficie totale de 7900 km2. C'est donc près de 90% du territoire d'Anticosti qui est maintenant entre les mains des pétrolières privées. Il n'est donc pas fortuit de dire que cet espace, compte tenu de la division territoriale, pourrait être soumis à une exploitation sauvage vu son potentiel économique.

Ceci étant dit, l'exploration et de surcroît l'exploitation pétrolière dans cette région ne sont pas des entreprises évidentes et simples à réaliser. De fait, comme le pétrole se retrouve coincé sous une importante couche de roches, Pétrolia et Junex prévoient utiliser du gaz avec pour objectif de fracturer le sol d'Anticosti et conséquemment obtenir un meilleur accès aux ressources du sous-sol. En d'autres termes, Pétrolia prévoit faire l'utilisation d'hydrocarbures pour soustraire d'autres hydrocarbures. Ah ! Voilà qui est très logique (sic)... Mentionnons aussi que pour arriver à une exploitation pétrolière, si minime soit-elle, il faudra réfléchir à la logistique et, par ce fait, construire des infrastructures sur ce territoire pratiquement vierge.

D'abord, du point vu unique de l'exploitation, il sera nécessaire de forer des milliers de puits afin de retirer le maximum de la ressource ; à cet égard, certains experts (géologues, géographes, etc.) estiment entre 12 000 et 15 000 le nombre de puits essentiels à l'extraction du pétrole de schiste, ce qui représente environ 5% de la superficie globale de l'île. C'est énorme ! Par ailleurs, cette façon de procéder engendrerait sans contredit des répercussions négatives au niveau esthétique (beauté des paysages), mais également sur le plan écologique ; il n'y a qu'à souligner les dangers reliés aux pertes fugitives de méthane, un gaz à effet de serre très nocif. Ensuite, il faudrait - afin d'acheminer les matériaux (pour la construction des puits et autres) et par la suite le pétrole de schiste (à des fins de transformation et de raffinage) - construire des plateformes de forage, des routes, des oléoducs, des gazoducs et au moins un port en eaux profondes. Voilà en très peu d'étapes une excellente manière de détruire la nature, les écosystèmes (Anticosti étant reconnu pour sa faune et sa flore) et les beautés d'un paysage pittoresques à des fins strictement économiques. N'avons nous pas encore appris de nos erreurs ?

Bref, l'entente a finalement été dévoilée au grand contentement de plusieurs personnes, mais celle-ci est encore caractérisée par plusieurs zones grises. En effet, de multiples questions demeurent toujours sans réponse ; des interrogations pourtant légitimes et cruciales pour saisir l'ampleur du dossier. En somme, dites-moi honnêtement, est-ce que 1%, 2% ou même 3% valent à ce point la peine qu'il faille détruire un monde animal et végétal pratiquement à l'état brut ?».

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