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Du grand Le Pen!

Qu'on le veuille ou non, on s'est fait berner, à nos risques et périls, par du grand Le Pen!
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«Si on cache une région du corps,

c'est pour mieux attirer l'attention sur elle»

- Montaigne

Marine Le Pen peut clairement dire mission accomplie. Alors que la classe politique québécoise a tout fait pour réduire au silence cette politicienne aux idées contestées, c'est malheureusement tout le contraire qui s'est produit. Depuis son arrivée au Québec, Mme. Le Pen a abondamment fait parler d'elle; en fait, l'ensemble des grands médias québécois lui a accordé une couverture démesurée, pour ne pas dire abusive. Il faut surtout souligner que la réponse (lire ici: le rejet) des politiciens québécois à l'égard de sa visite n'a en rien aidé à diminuer l'attention médiatique et populaire.

Au-delà du discours xénophobe, des politiques anti-immigrations, de la vision économique de droite, de sa conception archaïque des relations diplomatiques, de son opposition au mariage homosexuel, Marine Le Pen, qu'on l'aime ou pas, demeure néanmoins la chef d'une importante formation politique française, ainsi qu'une eurodéputée. Elle mérite donc, malgré ses opinions politiques controversées et, à certains égards, arriérées, le respect élémentaire (protocolaire?).

En tentant, par tous les moyens de s'en dissocier, nos politiciens ont mis le feu aux poudres, plutôt que de calmer le jeu politico-médiatique. Ainsi, en adoptant une attitude d'éloignement et de marginalisation à l'égard de Marine Le Pen, nos responsables politiques lui ont confié le spotlight, lui offrant sur un plateau d'argent une tribune inespérée. Cela dit, en héritant du rôle de négligée - comme «persona non grata» -, Mme. Le Pen a réussi un tour de relations publiques phénoménal, en obtenant une couverture plus qu'abondante; on parle ici des médias papier, numériques, radiophoniques, télévisuels... Bref, l'agitatrice du Front national s'est bien moquée de tout le monde, en particulier de ses détracteurs politiques. Et oui, nos politiciens et leurs directions des communications ont eu l'air d'une belle gang d'amateurs!

Mais, je me questionne surtout à savoir le pourquoi de cette levée de boucliers à son endroit, de la part de nos politiciens et de notre gouvernement? D'où vient cette réticence obsessive et presque anormale? Bien sûr [je le répète], la majorité de ses positions sur l'échiquier politique sont déplorables et parfois même méprisables, mais en quoi est-ce pertinent dans le contexte d'une visite diplomatique, qu'elle soit officieuse ou officielle? À ce que je sache, les politiciens ne se gênent généralement pas pour rencontrer leurs homologues, même lorsque ceux-ci affichent des bilans et des croyances souvent pires que ceux et celles affichés par Mme Le Pen.

Par exemple, la rencontre avec des princes saoudiens - alors que leur bilan en matière des droits fondamentaux, notamment les droits des femmes, est misérable - ne semble pas pour autant freiner nos politiciens. Nous pourrions procéder au même examen avec la Russie, la Chine, la Libye de feu Kadhafi et bien d'autres... En temps normal, on ne suppose jamais, comme individu et comme société, qu'une rencontre de courtoisie politique signifie l'approbation sine qua non des politiques de l'autre. Pourquoi serait-ce différent dans le contexte actuel?

À mon souvenir, Marine Le Pen a été élue démocratiquement, ce qui n'est pas le cas de plusieurs alliés et anciens alliés de nos gouvernements. Alors, il est où le problème? Disons simplement que la cohérence n'est pas la plus grande qualité de nos dirigeants politiques.

Il faut conséquemment se demander: «que se passerait-il dans l'éventualité où Marine Le Pen deviendrait présidente de la France?». C'est une question légitime et il ne faut surtout pas la compter pour battue, car, bien au contraire, elle est présentement en avance dans plusieurs sondages nationaux. Donc, je repose la question: «Que ferait-on dans cette situation?»

Refuserait-on de la recevoir comme dignitaire officielle et présidente de la République française? J'ai pour mon dire que, devant cette hypothèse, nous aurions l'air d'une belle bande de céleris!

Bref, dans mon esprit, les politiciens québécois et, plus spécifiquement, notre gouvernement ont manqué le bateau, car la visite de la présidente du Front national aura été tout sauf discrète... En somme, on a beau ne pas l'aimer et conspuer ses politiques, mais il faut reconnaître que sa gestion de la situation dénote une intelligence. Qu'on le veuille ou non, on s'est fait berner, à nos risques et périls, par du grand Le Pen!

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"Une femme libre, une mère, une Française"
DR
Ce qu'elle dit: "Je suis une femme libre, une mère, une Française et j'ai choisi de m'engager pour mon pays". Voilà comment Marine Le Pen se présente sur son blog de campagne où se côtoient des images intimes ou mises en scène. Entre une scène de dîner entre copains et une photo de Marine Le Pen en train d'arroser des fleurs, on y devine son compagnon, Louis Aliot (en haut à droite) ainsi qu'une de ses filles (en bas à droite), dessinant le visage apaisé d'une famille moderne et sans histoire.

Ce qu'elle ne dit pas: A aucun moment son appartenance au Front national n'est cité ni même affiché, ne serait-ce que par l'intermédiaire d'un logo. Notez que jamais Jean-Marie Le Pen, avec lequel la présidente du FN est en conflit, n'apparaît dans cet album de famille. Ces photos sont d'ailleurs plus politiques qu'il n'y parait. Comme l'a relevé le journaliste du Monde Abel Mestre, c'est bien l'ombre de Frédéric Chatillon qui se dessine à gauche de la photo du dîner entre copains. Ancien gudard et patron de Riwal, Frédéric Chatillon tout comme sa société sont mis en examen dans l'affaire des kits de campagne du Front national.
Une femme politique médiatique
DR
Ce qu'elle dit: Si elle n'est plus omniprésente dans les médias, Marine Le Pen rappelle qu'il s'agit d'un choix et non d'une contrainte. En témoigne les quelques photos de ses apparitions sur les principaux plateaux de télévision disséminées sur son blog. Elle y apparaît sereine et détendue, preuve qu'elle sait se faire entendre.

Ce qu'elle ne dit pas: Courtisée par de nombreux médias, Marine Le Pen entretient malgré tout des relations compliquées avec la presse, qu'elle accuse régulièrement de "caricaturer" ses propos. Le micro d'Itélé qu'elle tient sur la photo de droite nous renvoie d'ailleurs au fait qu'elle a un temps menacé de boycott la chaîne tout info lorsque celle-ci s'est séparée du polémiste d'ultra-droite Eric Zemmour. Notez qu'aucune photo de ses entretiens musclés avec Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV n'a été mise en ligne.
Une femme qui aime les chats
DR
Ce qu'elle dit: "Qui n'aime pas les bêtes n'aime pas les gens". Voilà peu ou prou le message subliminal qu'adresse Marine Le Pen à ses électeurs en affichant ostensiblement sa passion pour les félins. Peu à l'aise sur les thématiques environnementales, le Front national est en revanche très engagé dans la question des droits des animaux, comme en témoigne sa proximité avec la fondation Bardot.

Ce qu'elle ne dit pas: Cette avalanche de photos "cute" dans un cadre intime ou dans un décor de carte postale vise à l'évidence à lisser l'image souvent jugée trop clivante et cassante de la présidente du Front national. En politique, le totem du chat renvoie généralement à la patience et à l'indépendance, deux items sur lesquels Marine Le Pen entend bien surfer en 2017.
Une femme proche des Français
Ce qu'elle dit: Que ce soit au côté des ouvriers (en bas à droite), dans un bistrot (en bas gauche) ou pendant la grande Marche républicaine (en haut à gauche), Marine Le Pen s'affiche en candidate proche du peuple et des Français anonymes. Prise pendant sa campagne régionale, la photo centrale exprime sa proximité avec les chasseurs, un électorat traditionnellement acquis à la droite mais ardemment courtisé par l'extrême droite, malgré son engagement à défendre les droits des animaux.

Ce qu'elle ne dit pas: Les photos évacuent habilement le contexte compliqué dans lequel elles ont été prises. Le drapeau de la CGT en arrière plan ne dit rien des tensions qui opposent le syndicat au FN. Et celle sur la Marche républicaine esquive la polémique autour de la présence de Marine Le Pen ou les provocations identitaires de son père sur le "je suis Charlie Martel".
Une femme à la carrure internationale
DR
Ce qu'elle dit: Que ce soit en Russie (en haut à gauche) ou en Europe où elle a réussi à créer une groupe au Parlement européen, Marine Le Pen a une carrure internationale qui la prédispose à diriger la nation en 2017. Voilà en substance ce que disent ces photos prises à l'occasion de ses déplacements à l'étranger.

Ce qu'elles ne disent pas: Si les relations du Front national avec ses homologues étrangers se sont renforcées, ces photos ne disent rien de la réputation sulfureuse qui reste celle du FN à l'international. En dépit de ses appels du pied, Marine Le Pen n'a toujours pas réussi à se faire recevoir par de hauts dirigeants étrangers. S'agissant de sa relation avec la Russie de Vladimir Poutine, le Front national passe évidemment sous silence sa dépendance controversée aux emprunts russes qui financent ses campagnes.

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