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L'utilisateur-payeur ou comment détruire l'État-providence

L'État-providence a nécessairement sa raison d'être, ne serait-ce que pour assurer le développement individuel et sociétal.
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Qui s'étonnera de lire que le Conseil du patronat du Québec estime que la meilleure façon de redresser les finances publiques passe par une tarification favorisant le principe de l'utilisateur-payeur ? Certainement pas moi! Pourquoi ? Tout simplement parce que l'élite prêche bien sûr pour sa paroisse! Autrement dit, à terme, cette proposition de déresponsabilisation de l'État à l'égard de ses devoirs permettra au privé de triompher ; en fin de compte, c'est donc le patronat qui en bénéficiera!

Or, le principe selon lequel l'utilisateur d'un service doit en assumer les coûts intrinsèques et extrinsèques part d'un sophisme : « Il importe d'augmenter les tarifs et parallèlement de refiler la facture à l'utilisateur afin d'éviter le gaspillage ». Ce raisonnement fallacieux est souvent suivi d'une remarque moralisatrice issue d'une pseudo déduction : « L'utilisateur ne peut pas comprendre la valeur réelle d'un service s'il ne paye pas pour ce dernier ». Comme citoyen, on se retrouve donc, d'une part, devant une idéologie infantilisante et inégalitaire (injuste) et, d'autre part, face à un système de croyances qui cherche à préserver un ordre social qui avantage nécessairement les plus nantis. De quoi surprendre! (sic)

J'entends cependant des petites voix me dire : « Mais non, ça n'arrivera pas ; notre bon gouvernement Couillard s'est clairement engagé pendant la campagne électorale à ne pas toucher à l'universalité des programmes sociaux ». Pourtant, ce qui transparaît de la Révision « permanente » des programmes indique bel et bien le contraire. Le PLQ est définitivement sur le point d'ouvrir intentionnellement une boîte de pandore. Mais, qui s'étonnera de cette énième promesse non tenue ? Rien pour atténuer le cynisme populaire, mais beaucoup pour accentuer la résignation...

Dans cet ordre d'idées, il m'apparaît clair que le duo Leitao-Coiteux, dans une suite logique et accélérée de l'ère Charest, cherche par tous les moyens à démanteler l'héritage de la Révolution tranquille et, de ce fait, détruire les acquis sociétaux. Je pense notamment à ce désir obsessionnel de détruire les fondements de ce qu'on nomme l'État-providence, soit notre modèle étatique qui assure une protection, une aide et une justice sociale à l'ensemble des citoyens, et ce sans distinction. Redistribuer la richesse ? Oui, mais dorénavant vers l'élite et surtout vers les compagnies privées! Et, la notion de droits et devoirs dans tout ça ? Une calomnie à l'endroit du libre-marché et du développement économique, de clamer les partisans du principe de l'utilisateur-payeur. Il me semble entendre le duo libéral, un peu comme Chair et Bone dans Aliss, ricaner à haute voix! AH AH AH AH... Je dois être fou!

Mais, quand est-il de notre conception de l'autre, de notre frère, de notre voisin, de notre concitoyen ? Souhaitons-nous un système, malgré ses défauts évidents, responsable, dans lequel l'intérêt collectif est mis de l'avant au profit de tous, ou davantage un système qui prône la déresponsabilisation, dans lequel l'individualisme ne fera que s'accroître, tout comme les inégalités d'ailleurs, et ce toujours au profit des privilégiés et au détriment des plus vulnérables ?

Voilà la question qui tue ? Une fois que l'open house aura débuté « Où s'arrêtera le gouvernement ? ». Oui, en ce moment, se sont les frais de garderies (CPE), mais après ? Serait-ce si surprenant que le gouvernement s'attaque à l'éducation, à la santé et aux autres services essentiels auxquels nous contribuons déjà par l'intermédiaire de nos taxes et impôts ? Ne soyons pas dupes! En ouvrant toute grande la porte à ce genre de principes injustes et discriminatoires, il ne fait aucun doute que le gouvernement cherche lentement à se relever de ses responsabilités. Pourtant, n'avons-nous pas dépassé le stade archaïque du modèle étatique libéral du «Law and Order Only»?

Le triomphe du libéralisme économique et tout ce que cela engendre actuellement comme iniquités ne devrait-il pas nous allumer une petite lumière ? Ne devrait-il pas nous encourager à promouvoir un État fort et actif, un État qui assume ses responsabilités et ses devoirs à l'égard des citoyens ? N'est-ce pas justement un excellent contrepoids contrairement au libéralisme politique, ce système inique qui encourage l'accentuation des inégalités socioéconomiques et, par le fait même, permet de maintenir et perpétuer une hiérarchie sociale qui avantage la minorité la plus riche?

Nous avons vu le gouvernement libéral entrouvrir la porte au privé à plus d'une occasion, que ce soit dans ses discours ou ses pratiques ; cette fois la situation est préoccupante, dans l'optique où ce sont nos acquis, ceux qui ont été obtenus grâce à de grandes luttes et de grands efforts collectifs, qui sont directement menacés d'extinction à plus ou mois court terme. Lorsque le privé se sera emparé de nos services, pensez-vous honnêtement que nous paierons moins cher ? Croyez-vous réellement que vous obtiendrez un meilleur service ? La candeur ou la bêtise - je ne sais plus lequel, peut être un peu des deux - sont définitivement en vogue!

En somme, je suis convaincu que le citoyen est plus qu'un simple consommateur de biens et de services, que c'est un être qui participe - par le biais de ses activités, de ses loisirs, de ses réflexions, de ses interactions, de son emploi, bref de sa vie en général - à l'épanouissement collectif. L'État-providence a nécessairement sa raison d'être, ne serait-ce que pour assurer le développement individuel et sociétal, ne serait-ce que pour garantir une certaine justice dans ce développement. Dans un monde où règnera le principe de l'utilisateur-payeur et où le libéralisme sera maître absolu, le proverbe « Mieux vaut être riche et en santé que pauvre et malade » prendra réellement tout son sens...

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Avril 2018

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