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Du racisme... Où ça? Au Québec?

Il existe deux types de racisme : le racisme individuel et le racisme structurel. Le premier se révèle souvent par le biais de propos, de discours et de représentations discriminatoires. Un regard rapide sur l'actualité québécoise démontre l'étendue du racisme individuel.
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Février marque le début du mois de l'histoire des Noirs au Canada, un mois consacré à l'histoire, aux différentes figures emblématiques, aux luttes de décolonisation et de déségrégation qu'ont menées les peuples noirs. Des héros, des symboles, des personnalités historiques? Il y en a à la pelleté, et ce, peu importe ce qu'en pense un certain chroniqueur radiophonique. Or, qui parle de l'histoire des noirs parle nécessairement de racisme. Du racisme au Québec? Voyons donc! Où ça du racisme? Partout...

Il existe deux types de racisme : le racisme individuel et le racisme structurel. Le premier se révèle souvent par le biais de propos, de discours et de représentations discriminatoires. Un regard rapide sur l'actualité québécoise démontre l'étendue du racisme individuel. Dans les derniers jours, certains évènements ont permis de mettre en exergue ce postulat. Tout d'abord, il y a eu le témoignage très médiatisé de la famille Pineault-Caron ; une présence aux audiences sur la Charte très remarquée par la balourdise des propos tenus, notamment la dorénavant célèbre phrase: «Prier à quatre pattes à terre sur des p'tits tapis, c'est quoi c't'affaire-là?».

Par la suite, il y a eu les affirmations tenues par Éric Duhaime lors de son émission de radio quotidienne, un discours ouvertement ignorant, subjectif et, disons-le, raciste. Remettant en question l'héroïsme à travers l'histoire des noirs, l'animateur a osé pousser l'audace plus loin en dressant un parallèle boiteux entre la couleur de la peau et l'agitation (ou les problèmes sociaux) sociale.

La semaine s'est terminée sur une note guère plus chaleureuse, lorsqu'une dame trouva la mort au métro Fabre. Les premières bribes d'informations connues ont permis à la machine à rumeurs d'alimenter les médias sociaux. Facebook et Twitter, en chefs de file, nous inondaient de leurs théories de «l'escalier roulant». Un seul mot revenait incessamment : H-I-J-A-B ! Les représentations du foulard en question ressemblaient étrangement à la façon dont on présente médiatiquement l'arme du crime. S'en est suivi un délire de commentaires peu nobles, pour ne pas dire irrespectueux, et complètement déplacés.

Ainsi, l'actualité québécoise est ponctuée de situations propices à l'exploitation de propos racistes. Sans vouloir dénoncer la Charte, il faut dire qu'elle participe nettement à l'accentuation des discours xénophobes. Avant même que se produisent ces trois événements, la Charte de la laïcité avait entraîné son lot de propos inappropriés et disgracieux, pour la plupart dirigés contre les étrangers ; bref, un radotage vomitif à l'égard des autres, de ceux qui ne sont pas comme nous.

Il faut toutefois souligner que certains médias participent, par leur manière de traiter la nouvelle, à la diffusion du racisme. À titre d'exemple, il suffit simplement de souligner l'épisode de l'escalier roulant et du hijab tel que présenté par le site web du Journal de Montréal ou encore de TVA nouvelles. L'art de profiter de la polarisation sociétale pour se faire du capital médiatique... (sic)

Ce dernier élément nous amène à aborder la seconde forme de racisme : le racisme structurel. Celui-ci s'orchestre, entre autres, par l'inaccessibilité dans l'emploi et le logement. Primo, les difficultés rencontrées par les nouveaux arrivants, pour se trouver un emploi décent et conforme à leurs aptitudes et compétences, ne sont pas anecdotiques. Au contraire, une majorité d'études démontrent que les immigrants subissent une discrimination professionnelle. Pourtant, en moyenne plus scolarisés que les Québécois de «souche» (IRIS), les immigrants ne réussissent pas à obtenir des emplois conformes à leur expertise. En fait, leur scolarité ne constitue guère un facteur de bonification pour l'employabilité, signifiant donc qu'ils subissent, lors de l'embauche, une forme de discrimination silencieuse, voire symbolique.

Deuxio, le racisme structurel touche également les immigrants dans l'accessibilité au logement. Certains quartiers sont tout simplement inaccessibles pour les nouveaux arrivants. En effet, à Montréal, il s'opère de diverses façons une ségrégation socio-spatiale, selon laquelle certains quartiers concentrent une forte majorité d'habitants issus de l'immigration. Notons, à cet égard, les quartiers Côte-des-Neiges, Parc-Extension, Saint-Michel et Montréal-Nord qui n'offrent pas toujours les meilleures conditions de vie pour les immigrants ; les logements étant souvent précaires, trop petits et insalubres.

Par ailleurs, le racisme structurel peut également être le résultat d'un racisme individuel. À ce sujet, beaucoup de propriétaires choisissent leurs locataires en fonction d'une série de facteurs qui découlent souvent d'une conception raciste. Je vous donne ici un exemple tiré de ma propre expérience, mais qui représente une norme dans beaucoup de quartiers.

Alors que j'habitais le quartier Outremont, mon ancien propriétaire refusait catégoriquement de louer ses logements à des noirs. Lors d'une conversation avec le proprio, je lui avais demandé pourquoi il ne louait pas à des personnes noires... Il m'avait alors indiqué, du tact au tact, qu'il ne louait pas à des «nègres», simplement parce qu'ils étaient des mauvais payeurs et surtout parce qu'ils amenaient la «marde» dans son immeuble. Poursuivant sa réponse raciste et hautement stéréotypée, il m'avait mentionné qu'il préférait voir son logement vide, même si cela lui coupait directement un revenu, que de le louer à des racailles. Je lui avais alors mentionné que sa réponse représentait une vision généralisée et peu fiable de la réalité empirique, ajoutant «C'est comme si l'on disait que les blancs sont tous des colonisateurs ou des bandits à cravate». L'année suivante mon loyer avait augmenté de 30 piastres!

Cela dit, ces situations font-elles de nous des racistes? Un sondage Léger marketing, datant de 2007, indiquait que 16 % des répondants (tous Québécois de souche) affirment être fortement ou moyennement racistes, tandis que 43 % affirment être au moins faiblement raciste. Faiblement raciste? C'est quoi être faiblement raciste? Voilà un oxymore inquiétant...

La notion de racisme « inconscient » permet, en partie, de jeter un éclairage sur la question. Alors que certains individus sont ouvertement racistes, d'autres sont ignorants de leur attitude raciste. Le meilleur exemple pour illustrer cet état de fait est lorsqu'une personne dit : «Je ne suis pas raciste, mais...». Le «mais» amène inévitablement une contradiction dans le propos.

Un autre exemple cinglant est sans contredit le témoignage ahurissant de la famille Pineault-Caron, pour qui leur vision du monde arabe n'est clairement pas raciste. Ouin... Enfin, le drame survenu au métro Fabre nous éclaire à la fois sur le racisme conscient et le racisme inconscient. Après la mort de cette dame, je lisais sur les réseaux sociaux divers commentaires dont certains relevaient d'un racisme inconscient. Je me souviens qu'une jeune femme mentionnait: «Tellement triste ce qui est arrivé, mais par contre si elle n'avait pas porté son hijab, elle serait vivante». Et une autre: «Mes sympathies à la famille. Peut-être que maintenant ils vont comprendre l'importance de la charte!».

Ces manifestations de racisme inconscient se mêlaient à des formules racistes volontaires et conscientes. Sur ce point, une série de commentaires disgracieux ont ponctué les échanges sur Internet. Par exemple, un jeune homme exprimait sa haine raciale, sans honte ni retenue: «Ça, ça veut dire que quand tu t'habilles tout croche et bin tu peux mourir». Et un autre de rajouter: «Elles finiront par comprendre qu'elles ne vivent plus dans le désert du Moyen-Orient [...] même les escaliers roulants se fendent en quatre pour leur faire comprendre le bon sens».

Ces commentaires et notre façon d'appréhender l'Autre me poussent à me demander: sommes-nous à ce point convaincus de notre supériorité? Car, après tout, le racisme, qu'on le veuille ou non, est fondé sur l'idée de supériorité d'une race sur une autre.

Nous sommes définitivement prompts à généraliser ; nos stéréotypes sont ancrés dans l'imaginaire collectif (comme le prouve le sondage Léger marketing). Nous avons l'habitude des phrases creuses et préparées à l'avance: «Les Arabes sont comme-ci, les Français sont comme ça, etc.». Nous voyons une certaine facilité dans la généralisation de nos propos, voire une façon de s'auto-légitimer comme individu, comme peuple. Les découvertes, la compréhension de l'Autre, nous gardons ça pour l'aventure, pour les voyages, quoique même là certains demeurent intolérants... Hein, madame Caron!

On en vient souvent à considérer l'Autre comme un étrange, un déviant ; comme si leur origine, leur religion et leur appartenance culturelle relevaient d'une forme de handicap qu'il faut dénoncer et si possible purifier, voire québéciser! Pourtant, l'on se dit ouvert, accueillant et tolérant. La différence: Oui, mais à notre manière! Nous tolérons et accueillons à bras ouverts ceux qui se fondent dans la masse, ceux qui respectent les coutumes québécoises et surtout ceux qui, rapidement, adoptent et apprivoisent les valeurs, les fondements et les manières de la société d'accueil. Vous en doutez? Alors vous n'avez surement jamais entendu dire: «Regarde les Roumains, ils se sont intégrés... Prends l'exemple de Lucian Bute!». Ne le nions pas, notre tolérance et notre ouverture sont sélectives.

En somme, le dénigrement volontaire et inconséquent de l'étranger constitue une marque indéniable de notre insécurité. Nous préférons, avec ce genre de propos, nous conforter dans notre ignorance du monde, des autres cultures. Après tout, nous ne sommes pas racistes, mais ... En fait, nous ne sommes pas racistes, nous sommes simplement supérieurs. Du racisme? Où ça?

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