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La commotion médiatique suscitée par le projet de Charte des valeurs québécoises n'a rien de surprenant; tout comme la levée de boucliers dans les milieux intellectuels n'a rien de renversant. Autre chose guère effarante, les timides applaudissements qu'ont consentis les militants souverainistes au document. Bref, la Charte des valeurs québécoises n'a pas la cote, sauf auprès des Québécois.
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La commotion médiatique suscitée par le projet de Charte des valeurs québécoises n'a rien de surprenant; tout comme la levée de boucliers dans les milieux intellectuels n'a rien de renversant. Autre chose qui n'est guère effarant, les timides applaudissements qu'ont consentis les militants souverainistes au document. Bref, la Charte des valeurs québécoises, avant même sa présentation officielle, n'a pas la cote, sauf au sein de la population québécoise qui y voit une bonne façon de régler le problème des accommodements raisonnables et du flou identitaire.

D'ailleurs, beaucoup de chroniqueurs, en faisant référence à la question de l'identité en crise, sont tombés dans le piège tendu (volontairement ou involontairement ?) par le Parti québécois. À mon humble avis, le PQ, comme trop de « faiseux » d'opinions, mène, encore une fois, le mauvais combat. Pourquoi ? Parce que la vraie crise identitaire ne résulte pas de notre immigration (son système, sa structure ou ses communautés), mais d'une série de facteurs directement liés à notre dépendance à l'égard du Canada. Le parti de Pauline Marois aurait dû, il me semble, employer ses forces à régler le véritable problème de notre identité, plutôt que de détourner le débat à des fins politiques et électorales.

Pour résumer brièvement, voici quelques facteurs qui sont venus (et qui continuent) affaiblir l'identité québécoise. Il y a d'abord eu les échecs douloureux et stigmatisant ; pensons simplement aux deux défaites référendaires (1980 et 1995), aux revers des Accords du lac Meech (1987) et de Charlottetown (1992), au rapatriement unilatéral de la Constitution canadienne (1982) et autres. Il y a, par la suite, notre difficile (impossible?) reconnaissance collective dans les valeurs canadiennes promulguées par les gouvernements fédéraux, mais encore plus depuis la montée du néo-conservatisme et la prise du pouvoir par Stephen Harper. En s'attardant rapidement sur le positionnement des conservateurs et celui des Québécois au sujet des grands enjeux de société (santé, éducation, environnement, intégrité, etc.), il apparaît évident qu'il existe un écart phénoménal entre les deux visions.

Par ailleurs, historiquement, l'asservissement du peuple canadien-français à une idéologie anglo-saxonne basée sur le principe de «dominant versus dominé» et où l'importance d'être Canadien avant d'être Québécois - ce qui implique de renoncer consciemment ou inconsciemment à une partie de notre héritage, de notre différence et donc de notre identité - est encore aujourd'hui un vecteur de propagande et de désinformation dans le but d'obscurcir les croyances, les représentations et par extension les aspirations du peuple du Québec.

Bref, il ne fait plus de doute qu'il s'agit d'un stratagème, une action déguisée et sciemment planifiée (et perpétrée depuis des siècles) pour nous amener à diluer notre caractère distinctif au sein d'une vision (mission) d'un Canada standardisé. Il n'est donc pas étonnant qu'une partie importante de la population québécoise possède toutes les difficultés du monde à s'identifier, à s'inscrire à l'intérieur d'un statut identitaire précis et, conséquemment, à le présenter de manière claire et concise. Rappelez-vous, pour ceux qui l'ont vu, la scène de l'avion dans le premier Elvis Gratton (Pierre Falardeau, 1984); pour les autres, voici la scène.

Elvis Gratton: Moé, je suis un Canadien québécois, un Français canadien-français... Un Américain du Nord français, un francophone québécois canadien... Un Québécois d'expression canadienne-française française... On est des Canadiens américains francophones d'Amérique du Nord... Des Franco-québécois...

Certes, il s'agit d'une caricature à forte valeur ajoutée, mais il n'en demeure pas moins qu'elle dépeint clairement l'incohérence de notre double «identité». Cette scène mythique écrite par Falardeau dénote l'effet fallacieux de la double appartenance, qui, au fil du temps, s'est instituée dans les mentalités, au point où, à l'heure actuelle, le Québécois moyen est aveuglément (ou non) affligé par un lourd déficit identitaire. Le monologue présenté précédemment montre habilement qu'à vouloir se définir de multiples façons, voire à s'accoler trop d'étiquettes identitaires, le pauvre Elvis Gratton se révèle finalement n'être rien du tout.

En somme, le problème identitaire au Québec n'est donc pas, comme le prétend le Parti québécois, la conséquence des autres cultures, mais davantage celle de notre incapacité à nous défaire du joug canadien et à nous définir collectivement. La Charte des valeurs québécoises - qui, notons, a la prétention de répondre à ce problème d'identification individuelle et collective - n'est pas la solution, car à vouloir tout restreindre, tout interdire, elle finira par affaiblir encore plus cette identité en crise, ce qui conséquemment desservira les intérêts du Québec et des Québécois.

Le vrai combat ne doit pas se faire au détriment de nos immigrants (de leur culture et leur religion), mais doit plutôt être engagé contre le système canadien qui depuis trop longtemps tente de nous dénaturer. Sur ce point, nous estimons que, plus qu'une Charte des valeurs québécoises, il serait pertinemment plus logique et adéquat de mettre en place un projet constitutif qui impliquerait tous les citoyens. Ainsi, à défaut de ne jamais avoir signé la Constitution du Canada et de ne pas avoir de document qui nous unit et nous définit réellement, notre identité s'en retrouve éparpillée, scindée, si bien que l'on vit une espèce de division permanente, voire un flou identitaire autant légalement que symboliquement.

À cet effet, l'élaboration d'une constitution québécoise permettrait, entre autres, de jeter les bases de cette identité, de garantir le respect des droits de chacun, de définir les organes étatiques et les institutions essentielles au vu du principe de la séparation des pouvoirs, ainsi que de régler les rapports entre ces divers pouvoirs. Le but est donc de donner au peuple du Québec, que ce soit les communautés fondatrices ou les nouveaux arrivants, un outil d'identification national et international, ainsi qu'un document fondateur et explicatif du fonctionnement et de gestion d'un éventuel État québécois. Bien plus, contrairement aux approches élitistes habituelles, nous sommes d'avis qu'il importe de donner la chance à la population de s'exprimer sur les enjeux, de participer aux discussions et aux décisions. Justement, dans un nouvel essai «L'Idéal républicain: réflexion sur le passé et l'avenir du Québec» à paraître à l'automne, nous proposons un projet collectif de formation identitaire.

Voilà, somme toute, le combat qu'il est nécessaire de mener afin de régler, une fois pour toutes, la crise identitaire québécoise...

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