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Dernière heure! Les enseignants font parfois des fautes et on laisse même entendre que certains font mal leur travail.
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Si nous avions vraiment à cœur le futur de notre société, pourquoi acceptons-nous aussi facilement le manque criant de financement dans nos écoles?
Eric Gaillard / Reuters
Si nous avions vraiment à cœur le futur de notre société, pourquoi acceptons-nous aussi facilement le manque criant de financement dans nos écoles?

Dernière heure! Les enseignants font parfois des fautes et on laisse même entendre que certains font mal leur travail. Dans un autre ordre d'idées, le ciel est bleu et les écoles sont sous-financées.

Fréquemment, pendant la période de la rentrée, une campagne de dévalorisation des enseignants s'installe, parallèlement aux feuilles qui rougissent. On peut lire partout que les enseignants en arrachent avec le test de certification en français écrit pour l'enseignement (TECFÉE), évaluation qui, je suppose, a été bâtie dans le but de chasser les sorcières de la profession. Il est parfois facile de trouver des boucs émissaires pour tous les maux de la société. De surcroit, cette campagne malsaine nous permet de recevoir une pluie verglaçante d'opinions fondées sur ce qui est le plus important de nos jours, c'est-à-dire sur une argumentation vide de faits et de recherches. Ça donne l'occasion à tout un chacun de partager les expériences désagréables de leur séjour à l'école et de coller le micro aux lèvres du premier gérant d'estrade venu qui croit avoir croisé un enseignant incompétent devant la station du métro Jarry.

Je considère mon français très adéquat et je suis conscient de l'importance capitale d'utiliser un niveau de langage soigné en classe, mais il m'arrive de glisser malheureusement quelques coquilles dans une présentation que j'ai dû préparer à la dépêche la veille après le coup des dix heures.

Trêve de plaisanteries, comme jeune enseignant précaire qui tente de faire sa place dans un système qui offre son lot de rejets, ce retour peu surprenant d'une critique voilée de la profession continue tout de même de m'inquiéter. Je décide donc de m'affirmer devant vous, mes concitoyens – parce que l'éducation publique appartient avant tout au peuple -, en avouant que je fais parfois des fautes. Je considère mon français très adéquat et je suis conscient de l'importance capitale d'utiliser un niveau de langage soigné en classe, mais il m'arrive de glisser malheureusement quelques coquilles dans une présentation que j'ai dû préparer à la dépêche la veille après le coup des dix heures. Même si j'ai (très bien) réussi mon TECFÉE du premier coup, j'ai constaté le côté pointilleux de l'épreuve et je peux comprendre qu'une partie des étudiants se fait prendre à la première tentative. Il est important de rappeler que c'est une toute petite part de l'échantillon qui l'échoue plus d'une fois.

Outre la critique en rapport avec la maitrise de la langue de Molière, ce qui m'inquiète le plus est la facilité avec laquelle nous voyons les médias et l'opinion publique utiliser des raccourcis intellectuels pour tenter d'expliquer les échecs de l'école publique. Voilà! On a réussi à semer le doute sur la compétence de nos enseignants! Je suis mal placé pour évaluer le travail de mes collègues (et quelle en serait la pertinence?), mais il me semble que ce facteur est grossièrement exagéré. Certes, la formation devrait être bonifiée. Il ne faut cependant pas tomber dans le ridicule. Les enseignants d'aujourd'hui doivent passer au travers de quatre ans d'université et le même nombre de stages. Plusieurs personnes, qui ne sont pas à leur place en éducation, sont ainsi évacuées de la formation avant même d'obtenir le brevet! Étant moi-même nouvellement contractuel, je serai prochainement évalué sur ma compétence professionnelle. J'ai aussi passé une entrevue de sélection.

Si nous avions vraiment à cœur le futur de notre société, pourquoi acceptons-nous aussi facilement le manque criant de financement dans nos écoles?

Ce n'est pas seulement en tant qu'enseignant que je suis touché par cette envolée médiatique, mais aussi, et surtout en tant que citoyen. Si j'avais la conviction que c'était dans l'ultime but d'améliorer la qualité de l'éducation publique, j'en serais le premier réjoui. Toutefois, je porte en moi un doute fondamental : pourquoi sommes-nous si rapides à juger le travail des acteurs du domaine de l'éducation? Si nous avions vraiment à cœur le futur de notre société, pourquoi acceptons-nous aussi facilement le manque criant de financement dans nos écoles? Pourquoi ne sortons-nous pas dans la rue en lisant que près du quart des nouveaux enseignants quittent la profession durant les cinq premières années? Pourquoi nous offusquons-nous si peu du manque de ressources pour les élèves avec des troubles d'apprentissage? Enfin, pourquoi n'avons-nous pas une réaction plus forte face aux inégalités qui se creusent entre les élèves?

Comme la grande majorité de mes collègues, j'ai choisi ce métier en raison des valeurs qui m'animent en tant qu'être humain. Or, je ne peux m'empêcher de penser aux futurs enseignants qui sont aujourd'hui sur les bancs d'école. En renforçant les préjugés négatifs envers la profession, on risque de décourager des personnes de cœur qui participeraient au bien commun. Il est pernicieux de sous-entendre que ceux et celles qui se lancent dans la vocation ne seraient peut-être pas de bons pédagogues à cause d'une évaluation arbitraire qui ne dresse pas un portrait complet de la capacité langagière des futurs maîtres. Il est aussi dangereux de tenter d'expliquer les problèmes de l'école publique en pointant du doigt ainsi ceux qui se démènent en première ligne. Après tout, ce sont ces personnes qui doivent jongler tous les jours avec les manques du système et les besoins immédiats des êtres humains qui se tiennent devant eux.

Avril 2018

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