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Quand l’exploitation de l’image de l’infirmière mène à un réel trou noir

Les infirmières sont les mieux placées pour se mettre des bâtons dans les roues.
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Cette image sainte de l’infirmière empêche littéralement la cohésion au sein de la profession.
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Cette image sainte de l’infirmière empêche littéralement la cohésion au sein de la profession.

J'ai souvent l'impression que le terme « image professionnelle de l'infirmière » est vide de sens et que tous peuvent s'en servir comme bon leur semble. Cette image de l'infirmière dévouée, meurtrie et docile pour le bien de ses patients n'est rien de moins que le trou noir où s'enfonce toute possibilité d'amélioration des soins infirmiers.

Cette image est nourrie premièrement par l'aspect vertueux de la profession. L'infirmière, en souhaitant ce qu'il y a de mieux pour son patient, substitue ses intérêts personnels à ceux des patients. Je fais référence à la qualité de vie, la conciliation travail-famille-études, manger, boire, dormir et l'ensemble de ses responsabilités à l'extérieur de sa vie professionnelle. Il n'y a aucune limite à la vertu et je crois fermement que l'éducation offerte aux infirmières contribue essentiellement à cette vision fantasmagorique de la « bonne infirmière ». Au fil du temps, cette image a été intégrée et socialement normalisée que tout comportement s'en éloignant devient non-conforme à l'image socialement construite de ce qu'est une infirmière. Ainsi, refuser de pratiquer dans des conditions déplorables, pour certains, nuit à l'image de la profession. Pour d'autres, la simple action de dénoncer constitue une rupture avec l'image de la profession. Ainsi, au nom d'une image construite de toute pièce, certaines infirmières arrivent à se tirer une balle dans la jambe gauche. Voilà pourquoi j'estime que le concept d'image professionnelle n'est qu'un trou noir d'un vide incommensurable.

Le code de déontologie des infirmières et des infirmiers du Québec mentionne qu'elles ne peuvent poser des actions qui nuisent à l'image de la profession.

L'image de la profession n'est pas immuable. Nous sommes déjà loin de ce qu'était une infirmière au Québec il y a 50 ans. Le code de déontologie des infirmières et des infirmiers du Québec mentionne qu'elles ne peuvent poser des actions qui nuisent à l'image de la profession. Cependant, le concept d'image de la profession n'a pas été pragmatiquement défini. Est-ce avantageux ? Je crois justement que ce flou dans l'éthique est plus utile que nuisible. Cette absence de définition, à mon humble avis, nous donne une chance de transformer cette image au fil du temps et de lui donner l'apparence qui serait socialement désirable plutôt que traditionnellement construite. Ainsi, personne ne devrait avoir peur de salir l'image de la profession en incarnant la rupture avec l'image traditionnelle.

Les « sit-in », les refus d'effectuer du temps supplémentaire obligatoire, participer à des manifestations, occuper l'espace public, l'utilisation massive des médias sociaux et toutes les autres formes d'émancipation infirmière contribuent à la transformation de l'image traditionnelle de l'infirmière qui mérite littéralement d'être démolie et reconstruite pour mieux répondre aux enjeux contemporains en santé. Ainsi, la place des valeurs traditionnelles associées à raison ou à tort à la profession infirmière doit être remise en question. Du moins, leur enseignement doit être revisité et repensé sans être nécessairement évacué des programmes de formation collégiale et universitaire.

Cette image sainte de l'infirmière empêche littéralement la cohésion au sein de la profession. Politiquement, c'est plus gagnant de discuter des enjeux peu importants qui nourrissent la division des infirmières entre elles que de bâtir un projet qui contribue réellement à l'accessibilité à des soins de santé qui inclue la profession infirmière. À titre d'exemples : la politique s'est montrée beaucoup plus intéressée et ouverte au débat sur la formation minimale requise pour l'exercice profession infirmier (techniques en soins infirmiers VS baccalauréat en sciences infirmières) que sur l'établissement de cliniques infirmières autonomes telles que la coopérative SABSA. Étrangement, le premier débat suscite beaucoup plus de réactions que le deuxième. C'est triste de plonger dans ce piège politique. C'est également bien dommage que l'on passe collectivement plus de temps à se lancer des roches entre nous qu'à développer et soutenir des projets sociaux innovants contribuant à la santé des populations.

Finalement, s'il devait y avoir une morale à ce texte d'opinion, c'est que les infirmières sont les actrices les mieux positionnées pour transformer les pratiques dans le système de la santé. Cette transformation a lieu à chaque petite action qui remet en doute le bien-fondé des pratiques indésirables tant au plan clinique qu'au plan administratif. Elles sont également les mieux placées pour se mettre des bâtons dans les roues.

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