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Il m'a fallu quatre ans pour enlever mon violeur de mes contacts Facebook

Même si cette nuit-là ne me définit plus en tant que personne, elle m'a transformée. J'espère qu'en parlant de ce qui m'est arrivée, d'autres femmes retrouveront la parole et prendront position contre les agressions sexuelles.
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Quand j'avais 17 ans, une copine de lycée m'a invitée à une petite fête chez son cousin. Il y aurait de l'alcool, des trucs à manger, quatre filles et un garçon.

Dès qu'on est arrivées, quelqu'un m'a tendu un verre. On a regardé la télé, on a consommé beaucoup d'alcool. On s'amusait bien.

Je me rappelle m'être sentie de plus en plus bizarre au fur et à mesure que les heures passaient. La dernière chose que je me souviens avoir dite, c'était : « Je suis fatiguée. J'ai envie de me coucher. » Mon amie m'a emmenée dans une chambre pour que je m'allonge. Après, c'est le trou noir, jusqu'à ce que je me réveille, entièrement nue, à côté de son cousin.

J'étais terrifiée, je ne savais plus où j'étais. À côté de moi, il y avait ce type. Dans mon état de panique, j'ai réussi à bredouiller : « Tu as mis un préservatif ? » Il a rigolé et dit que oui, en montrant la capote qui traînait par terre.

C'était seulement mon deuxième rapport sexuel. J'étais une jeune fille sage. Je ne couchais pas avec n'importe qui. J'avais mis longtemps à me décider à perdre ma virginité et je n'étais pas du genre à avoir une aventure d'un soir avec un type que je venais juste de rencontrer.

Mais en dépit de mes efforts pour comprendre ce qui s'était passé, j'ai chassé ces pensées de mon esprit et j'ai commencé à me dire que j'étais responsable de la situation. Je me disais que je n'aurais pas dû perdre le contrôle. J'en suis venue à me convaincre que tout était de ma faute parce que j'avais trop bu.

Le lendemain, ce type m'a demandé en amie sur Facebook. J'ai pris ça pour un signe que j'étais bien responsable de ce qui s'était passé. Je me suis dit : « S'il m'avait violée, il ne ferait pas ça ! »

Je l'ai accepté et le sentiment de honte ne m'a plus quittée.

Pendant des années, j'ai vu ce qu'il publiait sur son mur Facebook, ses statuts et les choses qu'il faisait dans la vie. Chaque fois que ça apparaissait sur mon écran, j'avais la nausée. D'une certaine manière, un peu tordue, c'était comme si j'étais punie d'avoir fait quelque chose de mal et d'être responsable de ce qui m'était arrivé.

Et puis, quatre ans plus tard, je suis allée à une fête à l'université. J'étais en train de discuter avec un groupe de filles que je venais de rencontrer ce soir-là. Elles avaient pas mal bu, et plusieurs d'entre elles ont commencé à avoir les larmes aux yeux. Je n'avais pas bu une goutte et je me souviens les avoir toutes regardées pendant qu'elles avouaient une à une qu'elles avaient été violées. Certains de leurs récits rappelaient ce qui m'était arrivé, d'autres étaient complètement différents, mais j'ai aussitôt compris la gravité de ce qui s'était passé pour moi.

En me rendant compte de cela, j'ai commencé à y repenser. Ça m'a obligé à revoir les choses en détail. Je me souvenais avoir dit que j'étais fatiguée et que j'avais besoin de m'allonger. Que ce type avait environ 25 ans (et moi seulement 17). Tout ce qui me revenait me confirmait que je n'avais pas accepté de coucher avec lui. Le dernier indice, c'est quand j'ai demandé à ma meilleure amie (qui n'était pas présente ce soir-là) si elle avait parlé à celle qui m'avait invitée à cette fête. Elle m'a dit qu'elle l'avait eue au téléphone et que cette amie lui avait dit que je dormais dans la chambre du type. Elle n'avait pas parlé de sexe ou de quoi que ce soit, mis à part le fait que j'étais en train de dormir.

Comme les filles de cette fête à l'université, je me suis rendu compte que j'avais moi aussi été la victime d'une agression sexuelle.

Je me suis mise à pleurer, en essayant de me débarrasser d'une partie de la honte que je trimballais au plus profond de moi depuis quatre ans.

Ensuite, j'ai fait le premier pas sur le chemin de la guérison : j'ai enlevé mon violeur de mes contacts Facebook.

Dès que j'ai appuyé sur le bouton, je me suis sentie plus forte. Je venais de faire disparaître ce sentiment désagréable et douloureux qui me prenait quand j'allais sur le site et que je tombais sur une de ses actualités. J'ai eu l'impression que j'assumais enfin ce qui s'était passé et que je comprenais que je n'aurais jamais dû être violée. J'avais enfin l'impression d'être en pleine possession de mes pensées, de mes émotions et de mon corps. En appuyant sur effacer, j'ai retrouvé mon amour-propre.

Je ne suis pas allé le dénoncer. Je n'ai jamais voulu me venger, le faire condamner, ni me faire consoler. J'ai accepté ce qui m'était arrivé, et que ça n'aurait jamais dû se produire.

L'enlever de mes contacts n'a bien sûr pas fait disparaître les problèmes auxquels je suis confrontée depuis cette nuit-là, comme les images qui me reviennent parfois, ou le fait que je n'arrive plus à dormir nue, même quand il fait une chaleur à crever. Mais j'ai retrouvé la force que ce type m'avait enlevée des années plus tôt.

Même si cette nuit-là ne me définit plus en tant que personne, elle m'a transformée. J'espère qu'en parlant de ce qui m'est arrivée, d'autres femmes retrouveront la parole et prendront position contre les agressions sexuelles.

Ce blogue, publié à l'origine sur Le Huffington Post États-Unis, a été traduit de l'américain par Bamiyan Shiff pour Fast for Word.

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