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Au-delà du procès de Martine Ouellet, c’est le procès de l’approche proactive de l’indépendance qui est fait.
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Mettre un parti à feu et à sang parce qu’on est insatisfait des décisions qui ont été prises démocratiquement n’est pas une solution.
The Canadian Press Images
Mettre un parti à feu et à sang parce qu’on est insatisfait des décisions qui ont été prises démocratiquement n’est pas une solution.

La crise qui sévit actuellement au Bloc Québécois ne se résume pas simplement au leadership de Martine Ouellet. Au-delà du procès de Martine Ouellet, c'est le procès de l'approche proactive de l'indépendance qui est fait. On détruit un individu pour détruire une approche.

Cette différence d'approche divise le mouvement indépendantiste depuis des générations. De Pierre Bourgeault à Claude Morin jusqu'à aujourd'hui, la grande question a toujours été de savoir si, pour arriver à l'indépendance, la stratégie devait être d'en parler toujours moins ou d'en parler toujours plus. Pour ma part, il me semble évident que nous n'arriverons pas à en parler plus en en parlant moins. Afin de créer des opportunités, le Bloc Québécois doit exercer un leadership assumé, c'est-à-dire de faire la promotion de l'indépendance du Québec et aussi de la préparer.

Le rôle du Bloc Québécois ne doit pas être simplement de se mettre au neutre en attendant qu'il se passe quelque chose à Québec.

La stratégie de l'attente perpétuelle a été celle du mouvement indépendantiste pendant des années. Elle a déjà été testée, retestée et encore testée jusqu'à plus soif. Si l'on désire susciter l'enthousiasme, l'indépendance doit être davantage qu'un beau rêve inaccessible. Le rôle du Bloc Québécois ne doit pas être simplement de se mettre au neutre en attendant qu'il se passe quelque chose à Québec. Comme n'importe quel autre militant, un député indépendantiste se doit d'être proactif et de faire la promotion de son option.

C'est d'ailleurs ce virage qu'ont décidé de prendre les membres du Bloc Québécois en mai 2014 à Rimouski lorsqu'ils ont redéfini l'article 1 du programme en y affirmant que « le Bloc québécois doit être dans ses actions quotidiennes, le promoteur de l'option indépendantiste en utilisant chaque tribune et chaque occasion pour démontrer la nécessité de l'indépendance du Québec ». Ils l'ont par la suite reconfirmé lorsqu'ils ont porté Mario Beaulieu à la direction du parti un mois plus tard.

En 2014, alors que j'étais président du Forum Jeunesse du Bloc Québécois, j'ai vu un bureau national attacher les mains à son chef nouvellement élu en l'empêchant d'embaucher du personnel et de prendre des décisions pendant des mois alors que des députés dissidents s'en prenaient à lui publiquement. Ils accusaient Mario Beaulieu des mêmes torts que l'on reproche aujourd'hui à Martine Ouellet : intransigeance, manque de rigueur et dogmatisme. Malgré les mains tendues et toutes les tentatives de ralliement, 50% de son caucus a tout de même décidé de lui faire faux bond.

À la suite de l'élection d'octobre 2015, comme le permet la démocratie du parti, il y eut des élections au bureau national au conseil général de 2016 et ce sont les candidats issus de la nouvelle garde qui l'ont emporté. Au cours de ce même conseil général, les membres ont aussi décidé de fixer la course à la direction à 2017.

Au conseil général suivant, en 2017, à la veille du déclenchement de la course, la plupart des dissidents tentaient toujours de faire reporter la course, mais les membres en ont décidé autrement. Les candidats ont eu un an pour se préparer. Si personne n'a osé affronter Martine Ouellet à ce moment-là, c'est parce qu'ils savaient pertinemment qu'ils ne l'auraient pas emporté.

Si personne n'a osé affronter Martine Ouellet à ce moment-là, c'est parce qu'ils savaient pertinemment qu'ils ne l'auraient pas emporté.

Au conseil général de 2018, on assista encore au même scénario : le budget et le plan d'action présentés par la chef furent contestés par les dissidents, mais supportés par les membres. Après un an de concessions sur le fonctionnement interne, tant sur le plan des questions en Chambre, que des scrums et du contrôle sur le personnel, l'obstruction et le coulage au caucus n'ont jamais cessé. Les dissidents n'en avaient jamais assez et ils ont fini par faire défection en demandant la tête du chef. J'ai comme l'impression de jouer dans un film que j'ai déjà vu.

Mettre un parti à feu et à sang parce qu'on est insatisfait des décisions qui ont été prises démocratiquement n'est pas une solution. Le seul résultat de la tactique de la terre brûlée, c'est d'affamer tout le monde. Si Pierre Bourgeault avait claqué la porte du Parti Québécois lorsque René-Lévesque avait réussi à imposer son trait d'union entre souveraineté et association et si après le couronnement de Jacques Parizeau, tous ceux qui n'étaient pas partisans de son approche avaient quitté le navire, le mouvement souverainiste n'aurait probablement pas survécu jusqu'à aujourd'hui.

Sous le leadership de Gilles Duceppe, en tant que militant, j'ai accepté d'évoluer avec une stratégie qui ne me convenait pas parfaitement, mais j'ai accepté de fonctionner dans ce cadre parce qu'il s'agissait de ce qui avait été décidé par les membres. Je savais que je n'étais pas au-dessus du parti.

Avec tout le brouhaha des dernières semaines, la perception de légitimité quant aux décisions prises antérieurement sur le rôle du Bloc Québécois et sur le leadership de la chef a été ébranlée. Voilà pourquoi la consultation référendaire auprès des membres est devenue nécessaire. J'invite donc mes amis démissionnaires à réintégrer leur parti, à participer au processus démocratique et à se rallier à la décision que prendront l'ensemble des membres. Parce que les membres sont la source de la légitimité, c'est et ce sera toujours à eux de décider.

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