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Vers une juste répartition du travail domestique

Il semble bien qu'une brèche existe dans le patriarcat domestique et il est de notre responsabilité de l'utiliser afin de mettre à terre une oppression sordide.
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S'il est une chose pour laquelle le génie du féminisme peut être remercié, c'est bien pour son souci du réel et de la quotidienneté. Comme contribution à la lutte pour l'égalité des sexes, j'aimerais présenter ici une petite théorie de la répartition du travail ménager.

Tout d'abord, il faut considérer deux types de répartition des tâches possibles pour les couples et des familles. La première consiste à faire des listes de tâches subjectivement équivalentes et à effectuer une rotation sur une base régulière. La première semaine, l'individu A s'occupe des tâches X et la seconde, des tâches Y alors que l'individu B s'occupe des tâches X, et le tout recommence la semaine d'après. Le second mode de répartition du travail fonctionne sur le principe que l'anthropologue David Graeber appelle «communisme quotidien» et qui se base sur l'adage «de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins». Toutefois, ces deux façons de procéder sont truffées de lacunes.

Le mode répartition par roulement des tâches ne tient pas compte de certaines inégalités ou de certains handicaps permanents ou circonstanciels et se retrouve donc inapplicable dans plusieurs contextes. Par exemple, une femme enceinte de plusieurs mois n'a incontestablement pas les mêmes capacités ni les mêmes besoins qu'à l'habitude, ce qui la désavantage par rapport à son conjoint. De même, si un membre du couple ou de la famille se brise une jambe, il sera difficile de fonctionner par roulement des tâches. Dans de telles conditions, la répartition communiste paraît de prime abord plus adéquate. Toutefois, il est difficile de mesurer concrètement les capacités ainsi que les moyens individuels en temps normal. Cela peut notamment mener à des situations d'abus dans lesquelles une personne fait beaucoup moins de tâches que l'autre sans que cela soit très juste.

Face aux écueils de chacune des méthodes, il serait bien de proposer un mode de répartition mitoyen. En temps normal, la répartition des tâches s'effectuerait sur des listes à peu près égales qui suivraient le principe de roulement périodique. Cependant, en cas de changement d'état physique ou psychologique d'au moins l'une des deux personnes, le communisme quotidien devrait être mis en application jusqu'au retour à la situation initiale.

Si ce modèle de répartition du travail domestique hybride semble justifié et applicable à la réalité des couples, qu'en est-il lorsque des enfants s'ajoutent pour former une famille? Le problème se pose ainsi : si l'on considère les capacités et les besoins des enfants, il est évident que les premières sont assez limitées. Dans ce cas, faut-il considérer qu'il s'agit d'un état normal dans lequel la répartition doit fonctionner par roulement des tâches? Ou bien s'agit-il d'un état d'exception s'échelonnant sur plusieurs années dans lequel il faudrait privilégier le communisme quotidien? Doit-on même faire effectuer des tâches ménagères aux enfants, considérant qu'ils et elles n'ont jamais demandé à naître et que, contrairement à un couple, leur adhésion au contrat familial n'a pas été librement choisie?

Ici, il faut considérer l'effet que produit chaque option. Ce faisant, il paraît justifié de déléguer une partie du travail ménager aux enfants parce que cela constitue le meilleur moyen de les habituer à partager les tâches lorsqu'ils et elles deviendront adultes. En effet, une telle pédagogie pratique devrait permettre de modifier le rapport domestique entre les femmes et les hommes afin de préparer un avenir plus égalitaire épuré de toute subordination sexuelle.

Les enfants devraient donc accomplir des tâches ménagères parce que cela constitue le meilleur moyen de produire un progrès authentique pour l'égalité de condition entre les hommes et les femmes. Mais quelle répartition choisir? À la lumière de ce qui précède, il faut considérer la particularité du statut qui caractérise l'enfance, c'est-à-dire l'incapacité à l'autonomie. Or, si l'hétéronomie est le propre de l'enfance, c'est que les capacités sont largement inférieures aux besoins. Ce déficit fait en sorte que toutes les tâches ne peuvent être accomplies par les enfants. Certains travaux plus techniques devront rester de l'apanage des parents. Une telle situation rend donc assez difficile la répartition par roulement des tâches parce que cela obligerait à créer une catégorie de tâches pour adultes qui ne serait pas répartie également. Pour simplifier le processus quotidien, il serait donc plus raisonnable de passer à une répartition communiste dans laquelle les parents assureraient, en tant que classe, la satisfaction des besoins des enfants en échange de quelques tâches seulement. Évidemment, cela n'est applicable qu'à partir d'un certain âge. Avant, il faut considérer le jeune enfant comme un être n'ayant pas assez de capacités pour le travail ménager.

En ce qui concerne la répartition à l'intérieur même de la classe des enfants, il serait juste de fonctionner par roulement des tâches à moins que l'équilibre normal ne soit perturbé. S'il s'agit d'une famille avec un enfant unique, il faudra procéder autrement en créant deux catégories de listes : une pour les parents seulement et une pour les trois membres de la famille. La première comporterait deux listes qui alterneraient entre les deux adultes et la seconde catégorie serait composée de trois listes de tâches à peu près équivalentes qui rouleraient entre tous les membres de la famille.

Aux termes de ce qui précède, il semble bien qu'une brèche existe dans le patriarcat domestique et il est de notre responsabilité de l'utiliser afin de mettre à terre une oppression sordide. Quoi qu'il en soit, le combat est loin d'être terminé et le travail ménager n'est certainement pas la seule aliénation subite par les femmes qui, depuis trop longtemps, vivent une inégalité scandaleuse.

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Mai 2017

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