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Quelques mots sur le socialisme libertaire

Les grands moments dans l'histoire de ce mouvement: la commune de Paris, la révolution makhnoviste en Ukraine, la guerre civile espagnole, Mai 68 et la révolte au Chiapas.
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La fin de l'hégémonie marxiste-léniniste sur la gauche anticapitaliste ouvre la voie à un nouveau paradigme contestataire dans lequel le socialisme libertaire semble poindre du nez. Depuis la bataille de Seattle en 1999, la faucille et le marteau ont visiblement laissé place aux drapeaux rouge et noir dans les manifestations. La méconnaissance de ce qui se rattache à ces symboles ostensibles a donné lieu à plusieurs interprétations fautives de la mouvance libertaire qui est systématiquement associée à l'anarchisme, ce qui manque cruellement de nuances. De plus, les thèses qui sont relayées au sujet des socialistes libertaires sont, la plupart du temps, des idées caricaturalement nihilistes. Parfois, les commentateurs et commentatrices n'hésitent même pas à compliquer le tout en utilisant le mot «libertaire» pour décrire les libertariens. Or, ces idées n'ont de semblable que le nom.

En réponse à la malhonnêteté largement véhiculée sur ce thème, je propose de rétablir ici quelques faits. La théorie libertaire telle que définie par l'anarchiste Rudolf Rocker nait au point de convergence de deux mouvements. D'une part, le socialisme définit comme l'abolition des monopoles économiques issus de la propriété privée des moyens de production ainsi que des classes sociales qui reposent sur cet état de fait. D'autre part, le libéralisme politique classique (à distinguer du libéralisme économique) fondé sur la protection de l'individu et de ses droits ainsi que sur la limitation des pouvoirs à la stricte nécessité et l'abrogation de toute autorité illégitime.

Ce que le socialisme libertaire propose: autogestion généralisée, entreprises communautaires, coopératives et parfois même, un secteur étatique dans lequel les syndicats autonomes et indépendants jouent un rôle au niveau de la direction. Les grands moments dans l'histoire de ce mouvement: la commune de Paris, la révolution makhnoviste en Ukraine, la guerre civile espagnole, Mai 68 et la révolte au Chiapas.

Le socialisme libertaire n'est pas une idéologie visant à expliquer le monde social. C'est une famille de théories normatives. À son extrémité gauche se retrouvent l'anarchisme et toutes ses variantes. À l'autre extrémité se trouvent les organisations de gauche fonctionnant sur un fédéralisme démocratique participatif parmi lesquelles il faut compter quelques rares syndicats et partis politiques ainsi que des organisations citoyennes plus modérées. Bien évidemment, la distance est grande entre ces deux pôles et il faudrait, pour avoir une comparaison adéquate, présenter ce qui sépare le Parti conservateur du Canada des prétendus anarchocapitalistes. Tous deux étant membres de la famille libertarienne qu'il ne faut pas confondre avec celle des libertaires.

En tant que famille de théories normatives, le socialisme libertaire est historique. Sa naissance peut être située dans la configuration post-Révolution française et son développement a connu les secousses des siècles suivants. Il faut s'en souvenir, car il serait absurde, de proposer pour aujourd'hui le socialisme libertaire aux valeurs archaïques de Proudhon. De même, les questions stratégiques sont sujettes à évolution et la fossilisation est un phénomène à proscrire. C'est précisément sur ce point que je ferais une critique du socialisme libertaire si je ne devais qu'en faire une seule.

En effet, la révolution insurrectionnelle a longtemps été la principale méthode préconisée par la gauche libertaire. Toutefois, il n'est pas interdit de penser que l'actuel niveau de militarisation de la police ainsi que l'invulnérabilité de l'armée face à la population rendent cette option obsolète. En 1970, il n'a pas été nécessaire de se rendre jusqu'à la proclamation d'une commune révolutionnaire pour que l'armée soit déployée à grandeur du Québec et éteigne le tison felquiste. Plusieurs décennies après, il serait déraisonnable de croire qu'une nouvelle sédition quelconque pourrait surmonter un niveau encore plus grand de répression.

Par ailleurs, ce serait sous-estimer naïvement le pouvoir de renseignement auquel sont parvenus les gouvernements. En somme, il faut considérer qu'à moins d'être fondamentalement obtus sur les questions stratégiques, d'autres avenues doivent être considérées afin de rester dans la lutte. Malgré tout, le socialisme libertaire reste selon moi une force importante et pertinente qui, je l'espère, jouera un rôle dans la politique du XXIe siècle. Le rendez-vous manqué avec l'Espagne de 1936 qui a débouché sur la Seconde Guerre mondiale est probablement l'un des évènements les plus funestes de l'histoire. Saurons-nous apprendre des erreurs du passé?

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Mai 2017

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