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La corrosion du système d'éducation: l'exemple américain

La fonction d'ascenseur méritocratique qui échoit à l'éducation est obstruée par les fortes inégalités économiques qui réduisent l'accès à l'éducation supérieure pour de plus en plus de gens.
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L'éducation est le cœur de toute société. C'est elle qui détermine l'étendue du champ des possibles offert aux individus et conséquemment, à l'ensemble du corps social. Avec la santé, l'éducation constitue par ailleurs l'un des grands portefeuilles de l'administration publique des États postindustriels, ce qui manifeste l'importance de cet enjeu.

Considérant cette importance, les effets de l'inégalité sur ce domaine devraient donc être considérés de façon à vérifier si celles-ci n'ont pas un impact négatif. La question de l'éducation et des inégalités est abordée dans un livre des épidémiologistes Kate Pickett et Richard Wilkinson À l'aide du coefficient Gini et des statistiques PISA, dans lequel ils expliquent que les relations entre niveau d'instruction faible et inégalités économiques «sont assez fortes pour que nous ayons la certitude qu'elles ne doivent rien au hasard.»

En étudiant le sujet plus en profondeur, les auteurs remarquent que le taux de décrochage scolaire aux États-Unis varie de 12 % à 25 %. De surcroit, les États ayant les taux les plus élevés (le Mississippi, la Louisiane et le Kentucky), figurent également parmi les États ayant les inégalités économiques internes les plus intenses. De l'autre côté, le phénomène inverse s'observe puisque les États les moins inégaux (Wyoming, Utah, Minnesota et New Hampshire) sont les États avec les taux de décrochages les plus faibles.

«Il existe une corrélation entre les inégalités et l'anxiété ce qui produit un contexte impropre à une bonne intégration scolaire pour plusieurs enfants.»

L'explication principale des deux épidémiologistes est que l'inégalité économique affecte de nombreux paramètres produisant des effets dès l'enfance. Par exemple, il existe une corrélation entre les inégalités et l'anxiété ce qui produit un contexte impropre à une bonne intégration scolaire pour plusieurs enfants.

D'autres analyses sur la question des inégalités et de l'éducation portent plutôt sur l'influence de l'inégalité sur l'effet de mobilité sociale associé aux études supérieures. Selon les économistes José De Gregorio et Jong-Wha Lee, il existerait un consensus autour du fait que l'éducation permet de réduire les écarts de richesse et augmente la mobilité sociale. Conséquemment, diminuer l'accès à l'éducation contribue à accentuer les écarts de richesse. À ce sujet, De Gregorio et Lee présentent leurs données qui font état d'une corrélation entre le coefficient Gini et le niveau d'instruction aux États-Unis.

Ce constat du lien entre inégalités économiques, éducation et mobilité sociale est confirmé par l'économiste Catharine Bond Hill. Pour celle-ci, la fonction d'ascenseur méritocratique qui échoit à l'éducation est obstruée par les fortes inégalités économiques qui réduisent l'accès à l'éducation supérieure pour de plus en plus de gens. En conséquence, le fossé entre les plus riches et les plus pauvres se creuse puisque les plus riches ont un accès de plus en plus privilégié à l'éducation et à ce que cela entraine sur la progression du revenu.

Par ailleurs, les inégalités économiques font en sorte que les plus riches n'ont pas nécessairement à travailler pour financer leurs études et peuvent donc y consacrer plus de temps alors que les plus pauvres doivent gagner l'argent pour pouvoir continuer. Dans un autre texte, Bond Hill fait remarquer qu'un meilleur accès à l'éducation supérieure permettrait de diminuer les inégalités, mais que paradoxalement, ce meilleur accès au réseau éducatif est lui-même conditionnel à une diminution des inégalités. Les enjeux sont liés.

Aux termes de ce qui précède, il serait absurde d'affirmer que la qualité ainsi que l'accessibilité à l'éducation ne sont pas compromises par les inégalités économiques issues du néolibéralisme. En fait, les conséquences pourraient même être beaucoup plus graves, car l'éducation elle-même est un engrenage qui permet à toute une série d'autres de bien fonctionner. En mettant le sabot dans cet engrenage, les chantres du néolibéralisme risquent, à long terme, d'accroitre une grande quantité de problèmes sociaux tels que la pauvreté et la criminalité. Mais, à qui profite la dégradation de l'éducation en réalité? La classe patronale qui bénéficie des politiques néolibérales peut-elle vraiment espérer profiter d'une éducation en décrépitude?

Certainement pas. À long terme, les effets se feront ressentir sur tous les domaines et personne ne peut vraiment affirmer profiter d'un tel état de fait. L'éducation est une richesse, probablement l'une des plus importantes pour le bien commun.

Médiagraphie:

-PICKETT, Kate et WILKINSON, Richard. L'égalité, c'est mieux : pourquoi les écarts de richesses ruinent nos sociétés, traduction de A. Verkaeren, Montréal, Les Éditions Écosociété, 2013.

-DE GREGORIO, José et LEE, Jong-Wha. « Education and Income Inequality: New Evidence from Cross-country Data », Review of Income and Wealth, vol.48, no 3, septembre 2002.

-BOND HILL, Catharine. « Income Inequality and Higher Education », American Council on Education, [En Ligne], 10 juin 2015

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