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Pourquoi la classe ouvrière vote-t-elle à droite?

Si la classe ouvrière vote de plus en plus à droite, c'est en grande partie à cause de la montée en force des nationalismes, du discrédit d'une certaine gauche et de l'avènement du syndicalisme corporatiste.
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La dernière décennie a été marquée par un phénomène assez particulier. Alors qu'en France les deux partis luttant au deuxième tour des élections présidentielles sont à droite de l'échiquier politique et qu'aux États-Unis un candidat comme Bush est porté au pouvoir, le Canada se prépare à dix années de gouvernement conservateur et le Québec voit l'ADQ devenir l'opposition officielle du PLQ. Incontestablement, la droite domine. De l'autre côté, la gauche se marginalise et se retrouve de plus en plus éloignée de la classe ouvrière, son bastion initial. Sans prétendre faire le tour de la question, j'aimerais dans ce texte examiner quelques explications possibles de cette situation.

L'adhésion symbolique à la communauté nationale

La première piste à examiner est celle de l'adhésion symbolique à la communauté nationale. En effet, il serait de mauvaise foi que de ne pas admettre que cette classe sociale ne gagne rien à voter à droite. Dans les faits, ses membres gagnent symboliquement une sorte d'adhésion à la société. Un ouvrier ou une ouvrière qui vote à droite aura l'impression de faire partie d'une communauté nationale unie dans laquelle les conflits de classes sont inexistants. Le patriotisme américain durant la guerre en Irak, la grogne envers les personnes issues de l'immigration en France et la montée d'un nationalisme canadien dans un Québec essoufflé par deux défaites référendaires représentent bien cette adhésion symbolique. Cette façon de gommer les conflits de classe permet aussi à la classe patronale dominante d'avancer un agenda «apolitique» qui réduit l'économie à des questions managériales de «bon sens».

Cette gauche discréditée, c'est la gauche de gouvernement qui prétend vouloir changer la vie, mais qui dans les faits, travaille à l'édification du régime qu'elle prétend combattre.

Le discrédit d'une certaine gauche

Un autre élément important afin de comprendre pourquoi de plus en plus d'ouvriers et d'ouvrières votent à droite est le discrédit d'une certaine gauche. Cette gauche discréditée, c'est la gauche de gouvernement qui prétend vouloir changer la vie, mais qui dans les faits, travaille à l'édification du régime qu'elle prétend combattre. C'est aussi cette gauche qui, une fois dans l'opposition, singe le parti au pouvoir en adoptant ses stratégies, son lexique et qui va même jusqu'à attaquer par la droite quand une rare mesure de gauche est proposée. Le discrédit de cette gauche a eu pour effet de mettre le soupçon sur l'ensemble de ce qui se trouve à bâbord du pouvoir officiel. Le non-respect des promesses de gauche s'est mué en cynisme à l'égard de toute velléité de changement réellement progressiste. Or, là où le cynisme triomphe, la droite populiste retrouve son terrain de chasse naturel.

L'avènement du syndicalisme corporatiste

Pour finir, il est impossible de comprendre la droitisation du vote ouvrier sans aborder la question du syndicalisme de lobby corporatiste, car il est passé le temps où des délégués et des déléguées pouvaient se rendre jusqu'en prison pour une cause. Aujourd'hui, le syndicalisme est dans une relation de respect mutuel avec le pouvoir, il est l'un de ses interlocuteurs. Le syndicalisme de combat tel qu'il était pratiqué par Chartrand n'est plus. Désormais, il faut savoir discuter, négocier, concéder, remercier, bref, il faut savoir s'intégrer. Cette façon de faire se double de la mise en place d'une élite syndicale qui ne partage plus grand-chose avec la base. Or, l'avènement d'un tel syndicalisme a eu pour effet de couper le lien qui existait entre les revendications concrètes de la classe ouvrière et la structure politique qui permettait de faire front commun et de passer à l'assaut.

En conclusion, si la classe ouvrière vote de plus en plus à droite, c'est en grande partie à cause de la montée en force des nationalismes, du discrédit d'une certaine gauche et de l'avènement du syndicalisme corporatiste. Non seulement ces trois phénomènes s'entrelacent et se renforcent mutuellement, mais ils sont aussi devenus des piliers de la société nord-américaine et européenne contemporaine. Saper cette structure ne sera donc pas une tâche facile et pourtant, la nécessité de procéder à une telle opération est plus tangible que jamais avec l'arrivée sur la scène politique d'une extrême droite populiste bien organisée.

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