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Simulacres et xénophobie

De grands médias ont créé une fiction de toute pièce en faisant croire à leur public que les musulmans existent comme des êtres identiques.
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Depuis plus d'une décennie, de grands médias ont créé une fiction de toute pièce en faisant croire à leur public que les musulmans et les musulmanes existent comme des êtres identiques.

Or, il faut admettre que cette image est une construction nocive. Le musulman et la musulmane n'existent pas. Il n'y a que des musulmans et des musulmanes. Des individus aussi multiples que différents.

Les mêmes images montrant un musulman barbu se promenant avec sa femme ensevelie sous un voile reviennent tout le temps. D'une minorité infime, un simulacre générique est créé et vient carrément cautionner tous les préjugés xénophobes et paranoïaques de ceux qui voient l'invasion musulmane jusque dans leur petit Hérouxville natal.

Pourtant, combien savent l'existence de collectifs comme l'Association des Musulmans et des Arabes pour la Laïcité au Québec (AMAL-Québec)? Cette association qui agit concrètement dans une optique féministe, antiraciste et laïque a notamment produit un brillant mémoire très documenté dans la foulée de la charte des valeurs québécoises.

Dans un contexte où certaines stations de radio font la promotion de la xénophobie au nom de la défense des valeurs d'égalité et de liberté, il est ironique de voir ces mêmes animateurs tenir des propos homophobes, sexistes et franchement racistes.

Il est surtout fâcheux de constater que la parole n'est jamais donnée à des collectifs comme AMAL-Québec. Pourtant, les communiqués de cette organisation sont féminisés, soucieux de la problématique de la rémunération inférieure des femmes, et traitent souvent des problèmes d'exclusion vécus par les Arabes, mais aussi par les Autochtones et par la communauté juive.

Certains musulmans et certaines musulmanes seraient donc ouverts, respectueux et égalitaires? Bien sûr. Cependant, ce n'est pas très vendeur pour un média de faire une enquête sur la similitude entre des individus de cultures différentes. C'est pourquoi il sera plutôt question de montrer une fois de plus les clichés habituels qui opposent le Québécois blanc, laïque, moderne et progressiste, face à la musulmane arabe voilée en noir et mystérieuse à laquelle on ne donne pas la parole.

L'entreprise d'essentialisation du musulman et de la musulmane a été fortement critiquée par AMAL-Québec, qui se place plutôt dans une position que les philosophes appelleraient «nominaliste», car elle nie l'existence des universaux. Dans cette perspective, le concept idéaliste du musulman ou de l'Arabe défini par sa communauté et uniquement par elle ne réfère à aucune vérité tangible. En réalité, il n'existe que des singularités. Il s'agit d'un élément important, puisque dans tous les discours racistes et xénophobes se trouve une forme d'essentialisation de l'autre, qui devient l'objet dont l'identité est définie de l'extérieur. La même chose se retrouve dans les discours sexistes et homophobes.

Force est d'admettre que le discours avancé par AMAL-Québec est à des milles de ce qui est généralement projeté comme image des musulmans et des Arabes. Plus encore, il est davantage progressiste, rationnel et instruit que celui de bien des animateurs de radio du groupe ethnosociologique majoritaire. En fait, la laïcité devrait plutôt s'adresser à ces derniers, car la mentalité qu'ils affichent et répandent publiquement est beaucoup plus proche de la mythologie archaïque que de la réalité immanente.

Loin de moi l'idée que tous les musulmans et toutes les musulmanes seraient laïques, féministes et progressistes. Ce serait là reproduire l'erreur d'essentialiser des singularités. Cependant, plusieurs le sont et c'est ce qui compte, car avec ces gens il est possible de construire un avenir juste. De même, les membres de la communauté ethnosociologique majoritaire ne sont pas tous des individus fréquentables avec qui ce travail est envisageable.

La question qui est souvent avancée dans le débat concernant l'immigration, l'intégration ou le multiculturalisme est celle du clivage entre communautaristes et républicains. Pour les uns, chaque culture a son identité propre et est libre de la vivre de son côté. Pour les autres, l'identité de la majorité devrait infuser, voire remplacer celle des minorités ethniques ou religieuses. Pourtant, ni les uns, ni les autres n'avancent l'idée d'un projet permettant de transcender les identités au profit d'une nouvelle dynamique sociale. C'est pourtant ce qui ressort des textes et des interventions d'AMAL-Québec, qui avance dans cette voie ouverte qui défie toutes les crispations identitaires, qu'elles proviennent de minorités ou de la majorité. Cet exemple, à mon sens, porte des solutions inédites qui méritent d'être considérées et d'être mises en pratique.

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