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Les postulats d'une imposture économique

Le progrès est un mythe, les intérêts de classe sont généralement contradictoires ou incompatibles, l'être humain n'est pas naturellement porté vers l'échange et finalement, la richesse ne ruisselle pas vers le bas par elle-même.
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Le libéralisme est sous-tendu par un grand nombre de postulats qui sont présentés comme des vérités éternelles et inéluctables. Le texte présent abordera quatre grands mythes libéraux apparaissant dans La richesse des nations d'Adam Smith.

Ainsi, les idées de progrès naturel, de main invisible du marché, de penchant naturel pour l'échange et de ruissellement de la richesse seront passées au crible, afin de démontrer la fragilité de l'idéologie dominante libérale. Les quatre postulats qui seront présentés sont aisément réfutables et Smith lui-même laisse entrevoir les contradictions de son système dans certains passages.

Tout d'abord, la thèse du progrès naturel s'infirme avec la lecture de n'importe quel livre d'histoire crédible. Il est évident que l'épopée humaine comporte de grands retours en arrière comme ce fut incontestablement le cas au début du moyen-âge. En effet, comment serait-il possible d'affirmer que cette époque de vacuité culturelle, de régression technologique et d'effondrement politique et économique constitue un progrès dans l'Histoire humaine? De même, la barbarie nazie, soviétique et américaine du XXe siècle ne cadre pas tout à fait avec l'idée d'un quelconque progrès autre que celui de la cruauté. Les turbulences du réel sont de tout temps et il n'existe aucun remède définitif à l'entropie des civilisations qui finissent toujours par des phases de décadence.

En ce qui concerne l'idée de la main invisible qui ferait correspondre magiquement l'intérêt personnel et l'intérêt collectif, Smith lui-même la réfute dans un passage. En effet, le philosophe écossais explique que «l'intérêt particulier de ceux qui exercent une branche particulière de commerce ou de manufacture est toujours, à quelques égards, différent et même contraire à celui du public.» Vient ensuite une intéressante mise en garde provenant du père fondateur du libéralisme économique qui explique que la «classe» qui s'occupe du commerce a «intérêt à tromper le public» et que pour cette raison, il faut se méfier de son influence en politique. Il est possible de constater ici l'honnêteté de Smith qui se montre beaucoup moins crédule que ses héritiers d'aujourd'hui.

Quant au troisième postulat qui affirme que l'humain est naturellement porté «à faire des trocs et des échanges d'une chose pour une autre» et que cette faculté l'aurait poussé à inventer l'économie de marché, il s'agit d'une fausseté. En réalité, l'anthropologie actuelle démontre qu'il a existé de multiples systèmes économiques, mais aucune fonctionnant sur le troc entre les membres d'une même communauté. La plupart du temps, c'est même une sorte de communisme ou de communalisme qui prévaut, ce qui infirme totalement le postulat de Smith. Cependant, il n'y a rien de surprenant avec cette idée étant donné qu'il s'agit d'un postulat et non d'un constat anthropologique appuyé par des observations empiriques.

Pour finir, le mythe du ruissellement de la richesse fait encore beaucoup d'adeptes aujourd'hui, malgré le fait que ce soit l'inverse qui s'observe. En effet, si aucun mécanisme de régulation et de répartition des richesses n'est mis en place, l'argent se cantonne dans les comptes de banque d'une poignée de gens. La circulation des richesses ne s'indexe généralement pas sur la logique idyllique du philanthrope, mais bien plutôt la passion prédatrice et mégalomaniaque d'une poignée d'individus. Plus encore, l'accumulation des richesses produit même une dynamique qui vient renforcer l'accumulation. C'est pourquoi dans les pays avec de grands écarts de richesses, la population se voit taxée et imposée de plus en plus alors que la classe supérieure utilise des paradis fiscaux.

En somme, le progrès est un mythe, les intérêts de classe sont généralement contradictoires ou incompatibles, l'être humain n'est pas naturellement porté vers l'échange et finalement, la richesse ne ruisselle pas vers le bas par elle-même. Le libéralisme n'est donc pas naturel, mais culturel, comme tout système politique ou économique. Bien évidemment, d'autres postulats tels que la rationalité des agents économiques ou encore le libre arbitre subsistent et méritent d'être examinés. Toutefois, ces derniers sont moins spécifiques au libéralisme et c'est pourquoi ils n'ont pas été abordés ici. Quoi qu'il en soit, il semble que la supériorité soi-disant naturelle du libéralisme soit inexistante puisqu'elle ne repose sur rien de concret. La forteresse de l'idéologie dominante ne serait donc rien de plus qu'un château de cartes?

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Mai 2017

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