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L’indépendance contre le néolibéralisme

La souveraineté du Québec ne doit pas viser qu'à créer un nouvel État avec un drapeau et un hymne national, elle doit viser à transformer la société en profondeur et par conséquent, il faut assumer sa charge de radicalité.
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Le PQ a gouverné à droite comme à gauche, selon les vents dominants de l'époque, autrement dit, selon le rapport de force entre diverses organisations.
Roberto Machado Noa via Getty Images
Le PQ a gouverné à droite comme à gauche, selon les vents dominants de l'époque, autrement dit, selon le rapport de force entre diverses organisations.

L'effondrement du Parti québécois aux dernières élections a parfois été associé à la fin de la popularité de l'option indépendantiste, particulièrement chez les jeunes. D'après certains, il serait temps d'abandonner le projet pour se concentrer sur d'autres enjeux. Ce n'est toutefois pas mon avis.

Au contraire, il me semble qu'il est temps, plus que jamais, d'ancrer à nouveau l'indépendance dans un projet de société global et, surtout, d'en faire une arme pour lutter contre le néolibéralisme qui menace notre planète.

Cependant, il faut commencer par réfléchir à l'effondrement du Parti québécois. Il doit être compris comme étant un long processus s'étant déroulé sur plusieurs décennies. Depuis le dernier échec référendaire, le PQ a en effet mis en veilleuse l'indépendance et s'est retrouvé dans un étrange dilemme. C'est que, s'étant toujours perçu comme une coalition large de gauche, de centre et de droite visant la souveraineté du Québec, le parti de René Lévesque s'est placé dans une situation paradoxale.

Le PQ a gouverné à droite comme à gauche, selon les vents dominants de l'époque, autrement dit, selon le rapport de force entre diverses organisations.

Transformé en parti de gouvernement sans projet d'indépendance à court terme à la suite des échecs, le PQ a dû bricoler des politiques à partir d'une coalition plutôt étrange. C'est ce qui fait en sorte que le parti a gouverné à droite comme à gauche, selon les vents dominants de l'époque, autrement dit, selon le rapport de force entre diverses organisations.

Une politique qui suit le vent?

Lorsque la mode était aux politiques progressistes, le PQ a emboité le pas. De la même manière, il s'est retrouvé à appliquer des politiques extrêmement néolibérales lorsque le vent venait de droite et que le rapport de force passait aux capitalistes. Ce slalom politique est en partie responsable de plusieurs avancées sociales au Québec, malgré l'absence d'un parti fondé sur des piliers spécifiquement de gauche comme c'est le cas dans plusieurs pays du monde. Bien sûr, il ne faut pas négliger l'apport important de groupes populaires qui avaient réussi à instaurer un vrai rapport de force face à l'État, par le passé.

Ceci étant dit, le PQ a gouverné plus à droite qu'à gauche dans son histoire et cela se comprend aisément, puisque les vents dominants ont été beaucoup plus forts à droite qu'à gauche au cours des dernières décennies. Incontestablement, le règne de Bouchard a été l'un des plus à droite depuis la grande noirceur. Pourtant, c'est encore dans une perspective d'accession à l'indépendance que se sont réalisées les réformes néolibérales de ces années.

En effet, pour une certaine frange du mouvement souverainiste, c'est en devenant un bon premier de classe pour les élites économiques que le Québec se verrait attribuer son statut de pays. En devenant un pays comme les autres, voire un pays plus performant sur le marché, l'accession à l'indépendance n'aurait été qu'une sorte de détail administratif afin de permettre de meilleurs résultats encore.

Auparavant portée par des groupes actifs n'ayant que leur mobilisation pour arme, l'indépendance s'est fait accaparer par une classe politique marchant main dans la main avec des géants économiques.

Le hic, c'est qu'historiquement l'indépendance est une idée de rupture qui a été portée par les classes populaires, par les artistes et par un milieu intellectuel revendicateur. Ce tournant vers une souveraineté raisonnable pour les classes dirigeantes, une souveraineté normale en vue de fonder un État comme les autres, a fini par déboucher sur la fatigue du mouvement.

Auparavant portée par des groupes actifs n'ayant que leur mobilisation pour arme, l'indépendance s'est fait accaparer par une classe politique marchant main dans la main avec des géants économiques. L'accession à la souveraineté se faisant par le haut en stimulant l'économie québécoise, tout le tranchant de l'idée souverainiste s'est émoussé. Or, le tournant bien à droite du Canada sous Harper a fait changer d'idée bien des fortunés et des puissants. Ceux-ci ont plutôt choisi une autre option bleue portée par le PCC et plus tard, par la CAQ.

Est-ce à dire que le mouvement souverainiste tire à sa fin?

Je ne crois pas. La contradiction entre l'État fédéral et le peuple québécois reste encore aujourd'hui bien palpable et s'actualise sous toutes sortes de formes. L'une d'elles est l'opposition entre un État pétrolier voulant exploiter les sables bitumineux et une population qui veut sauvegarder son air, son eau et son environnement.

La souveraineté ne doit pas viser qu'à créer un nouvel État avec un drapeau et un hymne national, elle doit viser à transformer la société en profondeur et par conséquent, il faut assumer sa charge de radicalité.

Autrement dit, la possibilité d'une renaissance du mouvement indépendantiste pourrait passer par ce genre d'enjeu comme par bien d'autres, car ce ne sont pas les occasions ni les raisons de s'opposer au fédéral qui manquent.

Cependant, il faudra tirer des leçons de l'histoire du PQ.

La première de ces leçons est qu'à vouloir trop normaliser l'indépendance, on finit par la vider de sa raison d'être comme mouvement. La souveraineté du Québec ne doit pas viser qu'à créer un nouvel État avec un drapeau et un hymne national, elle doit viser à transformer la société en profondeur et par conséquent, il faut assumer sa charge de radicalité. Il s'agit d'un projet de rupture qui ne doit pas se perdre dans le conformisme néolibéral.

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