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«Zoopolis»: des animaux comme concitoyens

Selon les chiffres de l'ONU, près de 63 milliards d'animaux terrestres et d'oiseaux ont été abattus en 2010 à des fins alimentaires, en plus des 1 à 2,7 trillions d'animaux marins qui sont tués chaque année.
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Selon les chiffres de la Food and Agriculture Organization of the United Nations, près de 63 milliards d'animaux terrestres et d'oiseaux ont été abattus en 2010 à des fins alimentaires, en plus des 1 à 2,7 trillions d'animaux marins qui sont tués chaque année, selon l'organisme Fishcount.

De ce fait, au courant des dernières décennies, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer l'exploitation des animaux d'élevage, dont les plus connues sont sans doute celles de Peter Singer (La libération animale) et Tom Regan (Les droits des animaux). Or, une nouvelle perspective en éthique animale a été récemment proposée par Will Kymlicka et Sue Donaldson, qui signent Zoopolis, ouvrage paru en 2011, et dont la traduction française est disponible au Québec depuis le 21 novembre 2016.

Zoopolis, un tournant politique en éthique animale

Zoopolis propose une théorie originale dont le vocabulaire est propre à la philosophie politique. En effet, Kymlicka et Donaldson tentent de réfléchir aux idées de souveraineté, de résidence, de territoire et de citoyenneté dans le cadre d'une analyse politique de nos liens avec les animaux, que ces derniers soient des animaux domestiques (tels les chats, les chiens, les animaux d'élevage, etc.), liminaires (qui sont les animaux non domestiqués vivant dans les villes, tels les écureuils, les ratons laveurs, certaines espèces d'oiseaux, etc.) ou sauvages.

Or, jusqu'à présent, selon les auteurs, la question animale a été élaborée au sein de trois grands cadres théoriques : (1) le cadre welfariste, qui pose l'importance bien-être animal, mais uniquement en tant que soumis aux intérêts humains, et qui préconise une amélioration des conditions de vie des animaux d'élevage ; (2) l'approche des droits des animaux, qui soutient que les animaux ne peuvent être exploités, car possédant des droits inviolables, tels le droit à la vie ; (3) le cadre écologique, qui procède d'une vision globale des écosystèmes, dont les animaux font partie, et qui critique les actions humaines pouvant avoir un impact néfaste sur la biodiversité.

De surcroît, les auteurs de Zoopolis se donnent pour tâches de réformer la théorie des droits des animaux, qu'ils considèrent comme indéfendable politiquement, et de réfléchir à une nouvelle perspective en éthique animale, une « approche citoyenne », qui tient compte de la complexité empirique des relations que nous entretenons avec les animaux depuis des siècles.

En effet, si Kymlicka et Donaldson acceptent l'idée défendue par la théorie des droits des animaux selon laquelle les animaux possèdent des droits inviolables négatifs comme le droit à ne pas être tué, ces auteurs proposent également des obligations positives, comme le devoir de prêter assistance, et des devoirs relationnels, qui sont propres à certaines relations, que les êtres humains auraient à l'égard des animaux. Parce que certains animaux - domestiques - sont désormais dépendants de nous, font partie de notre société, il incombe aux humains de veiller à la satisfaction de leurs besoins dans des interactions justes et équitables.

Les animaux envisagés comme citoyens, résidents ou nations souveraines

Zoopolis répond ainsi à certains écueils de la théorie des droits des animaux en proposant une approche citoyenne fondée sur l'idée de communauté interspécifique. De ce fait, dans une telle analyse politique des droits des animaux, les animaux domestiques, liminaires et sauvages se voient attribuer respectivement les catégories de citoyens, résidents permanents et nations souveraines.

Malgré l'incapacité des animaux domestiques à prendre part directement à la délibération politique, notamment via l'exercice du vote, Kymlicka et Donaldson soutiennent que ces derniers doivent être considérés comme citoyens en tant qu'êtres faisant partie intégrante de nos sociétés. Pour ces auteurs, parce que c'est avec ces animaux que nous pouvons établir des relations basées sur la confiance et l'amour réciproques, nous devons considérer leurs intérêts, notamment lorsque vient le temps d'établir la loi, et ils sont capables d'exprimer ces intérêts dans un langage qui leur est propre et auquel il nous faut être attentifs.

De leur côté, les animaux liminaires se voient attribuer le statut de « résident permanent ». En effet, parce que ces animaux se sont établis et vivent au sein de nos habitations, ils ont un droit de résidence qui n’implique toutefois pas des obligations positives aussi nombreuses de la part des êtres humains à leur égard, car ces animaux dits «liminaires» ne possèdent pas la citoyenneté au même titre que les animaux de compagnie. Les êtres humains doivent tout de même leur garantir un droit de résidence, ce qui implique, par exemple, d’éviter toute pratique d’extermination ou toute pratique qui porterait atteinte à leur sécurité.

Les animaux sauvages, quant à eux, ne sont pas dépendants des êtres humains et forment ainsi des « nations souveraines ». S'opposant à certains théoriciens des droits des animaux, Kymlicka et Donaldson soutiennent toutefois qu'il n'est pas suffisant de simplement laisser vivre les animaux sauvages, car ces derniers sont perpétuellement touchés par les pratiques des êtres humains, directement (par exemple, par la chasse) ou indirectement (par exemple, par la pollution). Il faut donc également leur attribuer des droits territoriaux et préserver ou restaurer les zones sauvages de l'activité humaine dans le but de favoriser leur autonomie.

Vers la réalisation d'une zoopolis

En conclusion, Kymlicka et Donaldson proposent une perspective qui s'oppose résolument à l'exploitation animale mais qui tient compte également de la complexité des relations interspécifiques et des obligations positives que les êtres humains entretiennent à l'égard des animaux. Approche véritablement nouvelle, Zoopolis mobilise un vocabulaire relevant de la philosophie politique et tente, de ce fait, de réfléchir aux relations homme-animal afin de proposer un projet de communauté politique qui se veut à la fois réalisable et davantage accessible au grand public.

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