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La sexualité, ultime lieu de la domination masculine?

C'est par la voie du sexe que la résistance au féminisme est aujourd'hui la plus forte, une voie qui touche au for intérieur et que l'on considère trop souvent, à tort, comme non politique.
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Virginie Martin et Pierre Lénel, Think Tank Différent

En plaçant au centre des débats des ébats amoureux pouvant se terminer devant Monsieur le (ou Madame la) maire, le genre (le sexe biologique ne suffit pas à faire un homme ou une femme) est entré dans les discussions de chacun. Il a aussitôt été caricaturé en "théorie du genre" et pris comme cible par la grande majorité de la droite qui lui oppose un ordre naturel d'où, pour rendre compte des identités des hommes et des femmes, toute construction socio-culturelle serait exclue. De l'ordre naturel à l'ordre moral il n'y a bien souvent qu'un pas, la question du sexe permettant dans bien des cas de passer de l'un à l'autre.

Dans le monde hétéronormé qui est le nôtre, on sait déjà qu'une lesbienne n'est pas considérée comme une vraie femme, comme l'a démontré brillamment Christine Delphy. Or, un "fait" nouveau est apparu : une femme prenant la pilule, en se masculinisant, deviendrait presque un homme. On croit rêver mais il faut bien reconnaître que dans cette perspective, être une femme, c'est encore et toujours répondre aux injonctions de la scène patriarcale, c'est être prise, dans tous les sens du mot, dans un rapport de force. Cela supposerait donc d'avoir une sexualité contrôlée par l'homme, comme par la morale, une sexualité "digne". Nancy Huston écrivait ainsi, en 2012, dans Reflets dans un regard d'homme : "Existe-t-il beaucoup d'hommes capables d'envisager sereinement la vie auprès d'une femme qui a reçu en elle ou sur elle, dans sa prime jeunesse, le sperme de trois mille pénis différents ?". De même, être une femme, cela supposerait aussi de ne pas être une prostituée. Toujours selon N. Huston, "que ce soit devant un appareil photo, une caméra ou un client, elle se déshabille jour après jour et, pour de l'argent, offre sa poitrine, son vagin, son anus, son visage, à l'éjaculation anonyme. Que seront vraiment prêts à entendre, de ce 'métier comme les autres', maintenant ou plus tard, son amoureux, son mari, ses enfants ?". Point trop de sexe, point de prostitution : la femme se doit d'être bien rangée, à la bonne place de l'ordre, naturel, des choses.

De même, il serait à la fois établi que d'un côté les femmes se rêvent et/ou se fantasment en prostituées et que d'autre part, les hommes ne supporteraient pas, dans la vraie vie, cette femme aux mille verges. Redoutable contradiction qui se résout si facilement par le patriarcat !

C'est aussi au nom du romantisme que l'on devrait renoncer à l'égalité, car le romantisme, ne peut s'envisager que sous la forme de la douceur éternelle et de la disponibilité, en toutes circonstances, dans un schéma convenu et imposé. A vous dégoûter du romantisme, de ce romantisme-là, qui n'est que, à l'image de la séduction à la française pour C. Delphy, l'autre face de l'inégalité des sexes hiérarchisés la plus archaïque, la Belle au bois dormant ou Cendrillon, condamnée à Pygmalion et au patriarcat.

Arrêtons là.

C'est bien un rapport puisant dans la domination masculine qui se joue. C'est aussi dire aux femmes qui oseraient sortir de ce schéma qu'elles sont exclues du romantisme.

La sexualité semble donc rester le lieu tenace de "l'essentialisme stratégique", comme le nomme G. Spivak : ces auteurs assignent "les femmes" à résidence, les réifient, parlent en leur nom, les catégorisent, leur donnent des ordres à travers l'espace public mondial. Impossible désormais de s'attaquer directement à l'égalité professionnelle ? Impossible de lutter contre la parité en politique ? Peu importe, c'est à la sphère de l'intime que la résistance patriarcale s'attaque pour garder son avantage. C'est par la voie du sexe que la résistance au féminisme est aujourd'hui la plus forte, une voie qui touche au for intérieur et que l'on considère trop souvent, à tort, comme non politique.

Le girevoy

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