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Une histoire de bas de nylon

Nous nous aimons assez pour savoir que nous sommes plus qu'une paire de jambes dans un bas de nylon.
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Ce matin, une amie m'envoie un message concernant les bas de nylon qu'elle porte. Elle n'en porte pas souvent. À vrai dire, elle avait failli ne pas les mettre. Elle avait demandé l'avis de sa colocataire. Pas un avis du genre «Est-ce qu'ils sont beaux?». Elle sait qu'ils sont beaux. Elle les a choisis, elle les a achetés. Non, c'était plutôt un questionnement du genre «Est-ce que c'est trop sexy?» Et bien sûr que non, ce n'était pas trop sexy. Confiante, elle sort de chez elle pour attendre l'autobus. C'est à ce moment qu'elle a subi les regards. Les yeux désobligeants des mesdames et les yeux pervers des messieurs. Gros malaise, inconfort. Elle avait quitté son logement depuis à peine 12 minutes.

Elle remet alors sa tenue vestimentaire en question jusqu'au travail. Elle est soudainement mal à l'aise ; elle n'aime pas ça. Elle aurait peut-être dû s'abstenir? Elle aurait peut-être dû s'habiller plus sobrement? Oui, mais... non. Mais non, car elle avait envie de porter ses foutus bas de nylon et elle devrait avoir le droit d'endosser ce choix sans subir des regards désapprobateurs et sans recevoir des commentaires déplacés. Vous pourriez croire qu'il y a matière à exagération, mais ce n'est pas le cas.

Cela m'a fait penser aux filles passant de «cibles» à coupables lorsqu'elles affirment être lasses de se faire dévisager lorsqu'elles s'entraînent. «Elle n'a qu'à mettre autre chose que des leggings». Un récent article dénonçait le fait que certains employés d'une école primaire bourraient le crâne de leurs jeunes élèves en leur disant de ne pas porter de leggings si elles ne voulaient pas se faire toucher les fesses par les petits garçons ; que c'était une incitation (!). Il y a aussi les «Elles n'ont qu'à s'entraîner dans un gym pour femmes si elles ne sont pas contentes.» Ainsi, la solution est de stationner les femmes dans un enclos. Il ne faudrait surtout pas que les hommes agissant ainsi cessent.

C'est lourd, très lourd. Et ça n'a rien à voir avec une frustration latente, émergente, à propos des hommes. Heureusement, plusieurs de nos homologues masculins ont appris et intégré le respect. Malheureusement, plusieurs de nos homologues masculins n'ont pas appris et intégré le respect. C'est qu'il y a quelque chose de terriblement désagréable à voir l'immobilisme avec lequel la pupille perverse se fixe sur le bout de jambe dévoilé dans le bas de nylon sous une jupe ou une robe.

Que vous le croyiez ou non, on ne s'habille pas en espérant attirer ce genre de regards comme un aimant est attiré par le métal. On se passerait bien de ce champ magnétique. Si on porte une robe, des leggings, un décolleté, des talons hauts ou même un col roulé, ce n'est pas pour vous. C'est pour nous. Parce que ce matin-là, on se trouvait belle habillée ainsi ; parce qu'on était bien dans nos vêtements.

Cependant, n'allez pas croire que nous faisons la guerre aux compliments, cela n'a rien à voir. Mais si le compliment s'apparente à un sifflement, s'il s'apparente à une moue vicieuse, non merci. En fait, il n'y a même pas de «merci». Juste non. Bien que je ne connaisse pas toutes les femmes, je n'en connais aucune qui apprécie ce genre d'«éloges». On ne se sent pas mieux, plus femme, plus intelligente ou plus belle lorsqu'on est confrontée à ce genre de bassesses; on a juste l'impression d'être subordonnée à un corps déambulant.

Il y a quelque chose de choquant à ne recevoir aucun regard déplacé en étant habillé discrètement et à en recevoir dès qu'un jean est moulant ou qu'une paire de jambes marche dans des collants. Il y a quelque chose de pénible avec le fait d'avoir l'impression d'être un filet moins mignon que mignon sur un comptoir de boucherie.

Autre parenthèse. Ayez la pédale douce sur l'insistance, s'il vous plait. Je me souviens très bien de deux ou trois hommes qui avaient délibérément décidé de m'accompagner lors de ma marche post-métro en soutenant leur approche «malaisante». Durant dix minutes, durant quinze minutes. Des demandes de numéro de téléphone qui se transformaient en invitation pour aller déguster un café au coin, tout de suite ; des «T'es jolie» qui se transformaient en «Je veux apprendre à te connaître même si tu m'as dit que tu n'étais pas intéressée» ou le pire du pire «Je t'ai vue ici il y a un mois. Je t'ai reconnue. Viens souper, je t'invite. Pourquoi tu ne veux pas? Allez, dis oui. Vous êtes tellement farouches les filles ici, ça n'a aucun sens. On essaie de vous parler et vous êtes bornées. C'est quoi ton problème de me dire non?» (...) Comprenez - pour ceux ne le comprenant pas - que «non» veut dire «non» ; qu'un «Merci» ne veut pas dire «Insiste même si je dis non».

Nous ne sommes pas frustrées ; nous n'entretenons pas de haine viscérale envers les hommes. Plusieurs d'entre nous aimons les hommes, mais nous nous aimons encore plus. À juste titre, nous nous aimons assez pour savoir que nous sommes plus qu'une paire de jambes dans un bas de nylon.

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