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La honte: réplique à l'humiliante diatribe d'un directeur d'école

Vous vantez, sans gêne aucune, une école qui «rend des services éducatifs à une clientèle qui choisit de s'affranchir d'un service similaire offert gratuitement», comme si l'école publique tenait une plantation de coton et y réduisait à l'esclavage les enfants qu'elle accueille.
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La honte. Honte de moi, même si ce n'est pas moi qui ai écrit ce texte. Honte d'appartenir à une société où des gens peuvent écrire ce genre de texte. Honte qu'on en soit rendus là, à écrire des textes aussi décomplexés où on se permet d'humilier l'école publique, notre ciment social le plus puissant, et de la renvoyer à ses échecs les plus cuisants comme si ses échecs, ce n'était pas le reflet de notre indigence collective.

Monsieur Marc-André Girard, vous qui dirigez une école privée hautement subventionnée et qui ne vous en cachez nullement - qui plutôt insistez sur le caractère «subventionné» de votre école - comment vous est-il loisible non seulement de vous réjouir de vos bons coups, mais encore de le faire en dénigrant l'école publique, en la disant réactionnaire, peu inventive, peu à l'écoute des attentes des familles, peu flexible, peu encline à la concertation, à la consultation, puis à l'action?

Vous vantez, sans gêne aucune, une école qui «rend des services éducatifs à une clientèle qui choisit de s'affranchir d'un service similaire offert gratuitement», comme si l'école publique tenait une plantation de coton et y réduisait à l'esclavage les enfants qu'elle accueille - tous les enfants qu'elle accueille, car elle les accueille tous, sans égard à leur capacité à «s'affranchir», pour reprendre votre vocabulaire délétère, du système. Car dans cet argumentaire imbuvable que vous nous servez en choisissant délibérément, et de manière provocatrice, d'avoir recours au vocabulaire fortement connoté du monde financier, s'il y a un aspect que vous oblitérez, c'est bien celui des caractéristiques socioéconomiques des familles qui peuvent se permettre de partager votre idéologie marchande et d'ouvrir grand leur portefeuille pour se magasiner une école de rêve.

Trop longtemps, le milieu scolaire a été l'un de ces très rares marchés qui pouvaient peu se soucier des attentes de sa clientèle pour subsister.

«Trop longtemps, le milieu scolaire a été l'un de ces très rares marchés qui pouvaient peu se soucier des attentes de sa clientèle pour subsister. Entièrement subventionné par le gouvernement, et ce, peu importe le rendement de l'école, de la commission scolaire ou du personnel en place, l'élève a fini par être tenu pour acquis, lui qui doit obligatoirement être présent en classe. En somme, la clientèle est contrainte à consommer des services scolaires prédéterminés.» - Marc-André Girard

Quelle honte! Quelle insipidité! Quel mépris! Quelle incompréhension du monde dans lequel nous vivons et des déterminants sociaux et familiaux qui conditionnent la portée des fameux «choix» que nous pouvons faire!

M. Girard, je vous invite à venir passer une journée dans ma circonscription, celle du Sud-Ouest, l'une des plus défavorisées de la métropole. Je vous ferai voir le souci bien réel qu'ont les familles du mieux-être de leurs enfants. Je vous présenterai des mères monoparentales qui ont toutes les aspirations et les attentes possibles et imaginables envers l'école, et qui s'impliquent bénévolement pour la faire leur, cette école. Je vous montrerai des projets absolument fascinants mis en place par des enseignants et enseignantes dévoués et imaginatifs qui n'ont de cesse de renouveler leur pratique pour l'adapter aux besoins des élèves. Mais je vous parlerai aussi d'un système, le système le plus inique qui soit, qui confine ces familles à des écoles-ghettos-de-défavorisation où les ressources, tant matérielles qu'humaines, font cruellement défaut - pendant qu'en haut de la côte, à Westmount, dans des écoles-ghettos-de-favorisation, on continue de reproduire les inégalités de naissance en octroyant du financement public à des écoles que pas un enfant du Sud-Ouest n'aura jamais les moyens de se payer.

Je vous espère l'humilité et la lucidité qui seules vous permettraient de présenter vos excuses aux familles, aux enseignantes et enseignants, aux membres du personnel, et ultimement aux enfants que vous humiliez et blessez inutilement en leur renvoyant l'odieux d'un échec dont, collectivement, nous sommes tous responsables par les choix insoutenables que nous continuons de faire en acceptant que soit financée l'école privée à même les fonds publics.

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