Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Québec, qui a fermé ses portes en 2021.

Le tapis rouge pour nos enseignants, et vite!

Les conditions de travail actuelles des enseignants de la métropole sont absolument inadéquates. Quel médecin accepterait de travailler dans de telles conditions?
This post was published on the now-closed HuffPost Contributor platform. Contributors control their own work and posted freely to our site. If you need to flag this entry as abusive, send us an email.
Les conditions de travail actuelles des enseignants de la métropole sont absolument inadéquates.
Getty Images
Les conditions de travail actuelles des enseignants de la métropole sont absolument inadéquates.

Nous assistons, à la Commission scolaire de Montréal, à une rentrée scolaire particulièrement pénible et totalement prévisible : il manque 70 enseignants dans les classes. C'était pourtant écrit dans le ciel dès juin dernier : les banques de remplaçants n'ont jamais été aussi vides, le taux d'absentéisme pour maladie a littéralement explosé l'an dernier pendant que la population scolaire, elle, croît au rythme d'environ 1000 élèves par année.

C'est maintenant que les compressions des dernières années se font le plus vivement sentir : les enseignants ont pallié toutes les lacunes, tous les manques en ressources humaines et matérielles, et se sont assurés durant 5 ans que les politiques gouvernementales n'aient pas d'effets délétères sur les enfants. Et ils en paient maintenant le prix fort. Et les enfants aussi, par ricochet. L'an dernier, pour la première fois, la convention collective nouvellement négociée permettait que soient monnayés les jours non utilisés dans la banque des congés de maladie. Eh bien contrairement à ce qu'on aurait pu imaginer, les demandes de congé ont doublé cette année-là! Ça n'est donc pas par caprice ou pour épuiser leur banque que les profs ne rentrent pas au boulot : c'est parce que la charge est réellement lourde et que plusieurs tombent au front.

Par ailleurs, l'effet des compressions se fait aussi durement sentir aux services centraux de la CSDM qui ont connu des coupes se chiffrant en centaines de postes. Actuellement, le service des ressources humaines ne peut dégager qu'une poignée de personnes (tout au plus une quinzaine) pour veiller à l'embauche et à la rétention de plus de 17 000 employés. On a beau se moquer des ronds de cuir et avoir entendu en boucle un discours populiste visant l'abolition des commissions scolaires, reste que ces appareils administratifs, ce sont d'abord et avant tout des employeurs qui doivent avoir les moyens de lire les CV, de faire les entrevues, de veiller au bien-être des employés...

Cette incapacité pour les enseignants de se perfectionner dans leur domaine et d'obtenir le soutien nécessaire à la bonification de leur pratique risque de générer un sentiment d'insatisfaction sur le plan professionnel qui n'est assurément pas un facteur favorisant la rétention du personnel.

L'effet de ces compressions, c'est aussi un cercle vicieux qui se met en place : parce que la pénurie est forte, la CSDM doit limiter les congés octroyés (pour perfectionnement, par exemple, dans le cas d'enseignants qui souhaiteraient poursuivre une formation universitaire); elle doit aussi limiter l'accès aux formations offertes de manière ponctuelle, voire annuler celles qui étaient prévues, comme cela s'est produit l'an dernier. Cette incapacité pour les enseignants de se perfectionner dans leur domaine et d'obtenir le soutien nécessaire à la bonification de leur pratique risque de générer un sentiment d'insatisfaction sur le plan professionnel qui n'est assurément pas un facteur favorisant la rétention du personnel. L'œuf et la poule : le manque génère l'insatisfaction qui génère le manque qui...

Le gouvernement actuel a «mis le paquet» pour s'assurer que les médecins aient des conditions de travail intéressantes afin d'assurer leur rétention sur le territoire québécois et dans le réseau public. À quand de telles politiques pour les enseignants? Encore aujourd'hui, comme le révélait l'enquête menée par le Centre de recherche interuniversitaire sur la formation et la profession enseignante en 2015, 25% des jeunes diplômés quittent la profession dans les 5 années suivant leur embauche : ils découvrent souvent, une fois dans l'arène, une charge beaucoup plus lourde que celle qu'ils avaient pu imaginer. Ils découvrent aussi des conditions de travail inadéquates : des salles de profs surchargées; des écoles qui débordent; des bibliothèques réquisitionnées pour en faire des classes; des profs «ambulants» qui doivent traîner leur matériel sur des chariots, faute d'espaces adéquats pour offrir des cours de musique ou d'arts plastiques; des salles de classe utilisées comme locaux de service de garde ou comme cafétéria, avec le corollaire que cela implique : pas d'espace pour préparer ses cours, pour réfléchir, pour s'isoler quelques minutes.

Quel médecin accepterait de travailler dans de telles conditions?

Les conditions de travail actuelles des enseignants de la métropole sont absolument inadéquates. Quel médecin accepterait de travailler dans de telles conditions? Qui, au ministère de l'Éducation, doit actuellement subir de telles contraintes physiques et matérielles?

Nous sommes nombreux à avoir le plus grand respect pour le corps enseignant et à nous dire qu'on ne la ferait pas, nous, la job : les vingt enfants surexcités et pimpants qu'il faut mener année après année vers la réussite scolaire, avec tous les défis que la vie montréalaise implique (défavorisation, intégration des nouveaux arrivants, forte mixité sociale, élèves handicapés ou en difficultés d'apprentissage...). On les regarde aller, on les admire, on ne voudrait surtout pas être à leur place, on les remercie de prendre en charge nos enfants, de les aimer, de les porter plus loin qu'eux-mêmes, de les mener à se dépasser et à se réaliser sur le plan scolaire, mais aussi sur le plan humain. On les regarde aller, mais un jour, va aussi falloir leur tendre la main comme on l'a fait quand on a cerclé nos bâtiments scolaires en leur disant que par respect et par admiration pour leur travail, nous non plus nous n'acceptons pas les conditions dans lesquelles ils sont placés pour accomplir la lourde tâche qui leur incombe.

Vivement des mesures gouvernementales musclées pour bonifier de manière drastique les conditions de travail de nos enseignants! Vivement, après la Santé, le tapis rouge à l'Éducation! Vivement un système recentré sur ce qu'il a de plus précieux : son corps enseignant!

Close
Cet article fait partie des archives en ligne du HuffPost Canada, qui ont fermé en 2021. Si vous avez des questions ou des préoccupations, veuillez consulter notre FAQ ou contacter support@huffpost.com.