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Autorisons la vente de plasma

Aucun pays n'est capable de satisfaire la demande de plasma sans un système de compensation.
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Les dons de plasma faits au Canada ne sont pas suffisants pour répondre à la demande.
sudok1 via Getty Images
Les dons de plasma faits au Canada ne sont pas suffisants pour répondre à la demande.

Rares sont les sujets qui rallient une majorité des économistes, mais quand c'est le cas, ils se retrouvent souvent dans une position loin d'être partagée par la majorité de la population ou par la classe politique dans son ensemble.

Par exemple, seulement 12% des économistes sont contre l'instauration d'un système de compensation pour ceux qui donnent un rein. En contrepartie, aucun politicien n'est favorable à l'instauration d'un marché dans lequel les donateurs seraient indemnisés pour ce type de don. La même situation s'applique actuellement dans un dossier qui ne fait malheureusement pas les manchettes, mais qui pourrait avoir des ramifications importantes pour la santé des Canadiens: la vente de plasma, qui est la partie liquide du sang.

Cette année, la sénatrice Pamela Wallin a proposé une loi visant à prohiber la compensation des donateurs de plasma au Canada. La sénatrice invoque une série d'arguments qui se résument ainsi: permettre une compensation met en danger les stocks de plasma au Canada et, par conséquent, mettra en danger la vie des patients qui auront besoin d'un don de plasma. Au Québec, le même argument a été invoqué lorsqu'une loi similaire a été adoptée en 1994.

Aux fins de la discussion, acceptons la validité factuelle d'une telle objection. Si la compensation pose un danger, elle offre des bénéfices contre lesquels les dangers doivent être pondérés.

Les patients canadiens sont déjà en danger, puisque les dons de plasma faits au Canada ne sont pas suffisants pour couvrir la demande.

Présentement, les patients canadiens sont déjà en danger, puisque les dons de plasma faits au Canada ne sont pas suffisants pour couvrir la quantité demandée. Lorsqu'une personne fait un don, elle s'impose des «coûts» tels que la douleur de l'opération, le temps consacré à cette activité, le risque d'une erreur, etc. Sans compensation monétaire, le seul bénéfice que le donateur obtient est celui de la satisfaction personnelle d'être utile. Si ce bénéfice semble être suffisant pour certains, il ne l'est pas pour plusieurs et peut expliquer pourquoi l'offre ne suffit pas à la demande.

Dans un mémoire présenté au sénat canadien, une douzaine d'économistes et d'éthiciens canadiens, dont je fais partie, soulignons qu'aucun pays n'est capable de satisfaire la demande de plasma sans un système de compensation, afin d'inciter ceux pour qui la satisfaction personnelle n'est pas suffisante.

Le coût d'une telle insuffisance est un coût humain important: les médicaments dérivés du plasma sont plus rares et par conséquent les patients qui en ont besoin souffrent d'un manque d'accès à ceux-ci.

L'ironie de la situation

Il y a aussi une certaine ironie que nous soulignons dans notre mémoire au Sénat ainsi que dans notre rapport remis à un comité d'experts: plus de 70% des quantités de plasma requises par la Société canadienne du sang pour produire des médicaments dérivés du plasma proviennent des États-Unis, où les donateurs peuvent être indemnisés. Cette proportion est même de 90% pour Héma-Québec.

Ainsi, dans le but d'augmenter l'offre de plasma, nous dépendons donc d'un pays dans lequel est permis ce que nous voulons interdire ici et nous devons prendre en charge les coûts additionnels de l'importation. Ironique, n'est-ce pas?

L'ironie est renforcée par le fait que l'un des arguments mis de l'avant par la sénatrice Wallin est que la qualité des réserves soit affectée, comme lors du scandale du sang contaminé des années 1980. Si la vaste majorité des réserves canadiennes proviennent déjà des États-Unis, où les donateurs sont indemnisés, l'argument se réfute lui-même.

La compensation des donateurs et la réglementation de la qualité ne sont pas mutuellement exclusives.

En plus, comme mentionné dans les rapports déposés, la compensation des donateurs et la réglementation de la qualité ne sont pas mutuellement exclusives. En fait, il existe déjà un cadre réglementaire très rigoureux pour les dons non rémunérés qui pourrait facilement être étendu aux dons rémunérés. Cela aurait le bénéfice d'augmenter l'offre sans heurter la qualité.

L'effet de la compensation

Afin de voir l'ampleur de l'effet de la compensation, il suffit de comparer les cliniques «commerciales» avec les cliniques de donation. Alors que les cliniques de donation ne recueillent en moyenne que 4000 à 15 000 litres par an, les cliniques commerciales collectent entre 40 000 et 50 000 litres par an. On parle donc d'une incitation qui, pour un montant de 40$ à 50$ par don, réussit à augmenter l'offre entre 2,7 et 12,5 fois le niveau obtenu sans compensation. C'est gigantesque comme effet!

Les mêmes arguments sont invoqués par les économistes, dont Alvin Roth qui est lauréat du prix Nobel en économie, qui ont étudié la pénurie de reins et les bienfaits de permettre un marché contrôlé dans lequel les donateurs sont compensés.

Si la logique quant au sujet nettement plus controversé du don de rein fait consensus parmi les économistes quant aux bienfaits pour la population, elle peut aussi s'appliquer à la question moins épineuse, mais tout aussi importante du plasma.

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