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La détresse sous-estimée des Canadiens endeuillés par le suicide

Selon l'OMS, une dizaine de personnes est profondément touchée par chaque suicide. Cela signifie que 40 000 Canadiens et 10 000 Québécois sont affectés par le suicide chaque année.
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Les survivants doivent souvent porter ce qu'on appelle le «deuil par suicide», une forme particulière de deuil et d'adaptation après le décès d'un membre de la famille, d'un ami ou d'un contact étroit.
Elva Etienne via Getty Images
Les survivants doivent souvent porter ce qu'on appelle le «deuil par suicide», une forme particulière de deuil et d'adaptation après le décès d'un membre de la famille, d'un ami ou d'un contact étroit.

Le suicide demeure un grave problème de santé publique au Canada et au Québec. Près de 4000 Canadiens décèdent par suicide chaque année, dont le tiers est survenu au Québec. Malheureusement, pour chaque suicide complété, il y a beaucoup plus de personnes qui en sont touchées.

Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), une dizaine de personnes sont profondément touchées par chaque suicide, également appelées «survivants au suicide». Cela signifie que 40 000 Canadiens et 10 000 Québécois sont profondément touchés par le suicide chaque année.

Les survivants doivent souvent porter ce qu'on appelle le «deuil par suicide», une forme particulière de deuil et d'adaptation après le décès d'un membre de la famille, d'un ami ou d'un contact étroit.

De nombreuses recherches ont été menées sur le deuil par suicide dans différents groupes, y compris les conjoints, les parents et les frères et sœurs. Fait important, cette recherche montre que le deuil par suicide est associé à de nombreux effets négatifs sur la santé mentale, à des problèmes de santé physique comme la cirrhose et les problèmes de sommeil, au mauvais fonctionnement scolaire et professionnel et à des retards dans l'accès aux services et soutiens.

Des risques plus importants pour certains groupes

Certains groupes sont plus à risque d'avoir des problèmes de santé mentale, notamment le suicide. En effet, les partenaires et les conjoints de personnes suicidées sont particulièrement à risque par rapport à d'autres groupes, en particulier les hommes qui sont également moins susceptibles de demander de l'aide. De plus, les recherches indiquent que les mères qui ont perdu un enfant par suicide courent un plus grand risque de suicide que les pères.

Ces résultats psychologiques, sociaux et de santé négatifs ont amené certains chercheurs à s'interroger sur pourquoi cette forme de deuil est associée à un si mauvais bien-être et à un si mauvais fonctionnement. L'une des explications concerne la nature du suicide; en particulier, le fait que ces décès, d'une manière générale, sont plus traumatisants en raison de leur nature souvent inattendue et violente.

La stigmatisation est une autre explication. La stigmatisation se divise souvent en deux grandes catégories: la stigmatisation externe, ou les opinions stigmatisantes du grand public, et la stigmatisation interne, ou la honte et la discrimination ressenties par les personnes touchées.

Les stigmatisations

Des études montrent qu'il existe des niveaux élevés de stigmatisation externe à l'égard des familles des victimes de suicide. Les personnes en deuil par suicide signalent également des niveaux élevés d'autostigmatisation, ce qui peut mener à l'isolement, à la honte et à des sentiments de rejet. Notamment, la stigmatisation perçue, ou la conscience subjective des opinions stigmatisantes des autres, a été provisoirement liée aux taux élevés de suicide observés chez les adultes endeuillés par le suicide.

Les taux de suicide au Canada ont augmenté dans divers groupes démographiques, plus particulièrement chez les femmes et les jeunes.

L'expérience du deuil suite à un suicide exige donc une plus grande attention de la part des décideurs et des fournisseurs de soins de santé, surtout à la lumière des tendances actuelles en matière de suicide et des changements sociaux. En fait, les taux de suicide au Canada ont augmenté dans divers groupes démographiques, plus particulièrement chez les femmes et les jeunes.

De même, notre société connaît des changements sociaux rapides qui peuvent aggraver les expériences de suicide des personnes endeuillées. D'éminents sociologues ont souligné que notre société est devenue de plus en plus individualiste, avec moins de mariages, plus de divorces et un plus grand nombre de personnes vivant seules. Cette individualisation peut présenter des défis uniques pour les personnes endeuillées par suicide, en particulier les personnes âgées et les adolescents qui connaissent des taux élevés de solitude.

Les progrès technologiques récents peuvent également augmenter le nombre de personnes touchées par le suicide. La recherche empirique suggère que le nombre de personnes exposées au suicide est significativement plus élevé que l'estimation de l'OMS. En effet, une étude a révélé qu'environ 135 d'entre elles sont exposées à chaque suicide (ils connaissaient la personne décédée), dont six connaissent un bouleversement majeur dans leur vie quotidienne et 26 ont besoin de soutien ou de services.

L'impact des réseaux sociaux a tendance à être beaucoup plus important que la vie réelle. Ainsi, Internet et les médias sociaux peuvent augmenter le nombre de personnes exposées au suicide, bien que ces communautés en ligne peuvent aussi transformer l'expérience généralement négative du deuil par suicide en une expérience plus positive et partagée. Certains peuvent partager leur deuil en ligne pour faire face à leur perte, tandis que d'autres peuvent créer un mémorial en ligne pour quelqu'un qui est décédé par suicide, comme une forme de deuil collectif, par exemple.

Les résultats sociaux et de santé négatifs, associés au deuil à la suite d'un suicide, et conjugués à l'augmentation des taux de suicide et à des changements sociétaux, signifient que nous devons accorder une plus grande attention au bien-être des Canadiens endeuillés par le suicide. Nous avons tous un rôle à jouer pour soutenir et protéger les vulnérables de la société.

Êtes-vous dans une situation de crise? Vous avez besoin d'aide? Si vous êtes au Canada, trouvez des références web et des lignes téléphoniques ouvertes 24h par jour, dans votre province en cliquant sur ce lien.

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