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La Plus Haute Autorité: Monsieur Jacques Parizeau (3/8)

J'aurais beaucoup à dire encore d'Alice Parizeau - tant de souvenirs me reviennent que mon esprit et mon corps en fulgurent alors que je dois aller à l'essentiel. Car s'il est une première chose à côté de laquelle je ne peux passer, c'est la suivante: peu d'immigrants ont fait aussi rapidement qu'Alice Parizeau leur patrie du Québec.
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J'aurais beaucoup à dire encore d'Alice Parizeau - tant de souvenirs me reviennent que mon esprit et mon corps en fulgurent alors que je dois aller à l'essentiel. Car s'il est une première chose à côté de laquelle je ne peux passer, c'est la suivante: peu d'immigrants ont fait aussi rapidement qu'Alice Parizeau leur patrie du Québec. Avant même de connaître Monsieur Parizeau, elle affichait avec conviction le fait qu'elle était indépendantiste. Pas nationaliste, pas autonomiste... indépendantiste! Ce que Jacques Parizeau n'était pas encore. Vous pouvez m'en croire sur paroles: s'il n'y avait pas eu ce coup de foudre entre eux deux, je ne suis pas certain que Monsieur Parizeau aurait aussi rapidement fréquenté un chemin en ce temps-là bien peu praticable.

Chez les Parizeau, on était tous mélomanes. Dans le « Journal » qu'il publiait à 50 exemplaires et qu'il distribuait à ses amis, le père de Monsieur Parizeau - à la retraite était-il alors - raconte entre autres tous les voyages qu'il faisait partout dans le monde juste pour le plaisir qu'il éprouvait à entendre ce qu'il appelait « la grande musique ». S'il lisait des livres, québécois il va sans dire, on y trouve peu d'allusions dans son « Journal ». Ni en bien ni en mal. La discrétion est l'apanage des grands bourgeois. Venu d'un milieu défavorisé, René Lévesque, par exemple, se vantait de n'avoir jamais lu un livre québécois de sa vie (blaguait-il ou était-il sérieux en le disant, je n'en sais rien, mais le jeune écrivain que j'étais alors le prenait plutôt mal).

En épousant Monsieur Parizeau, Alice lui apporta comme dot sa passion de la littérature, celle de l'étranger aussi bien que la nôtre. J'ignore si elle avait lu Samuel Butler qui a écrit: « Pas de nationalité sans littérature, et pas de littérature sans nationalité », mais elle agissait comme si cette observation fondamentale était le leitmotiv de sa vie: ses racines polonaises étant tout à la fois souterraines et aériennes, elle écrivit des livres magnifiques sur son pays d'origine; et ses nouvelles racines québécoises s'enfonçant rapidement dans la terre de sa nouvelle patrie, elle publia plusieurs romans sur la réalité de chez nous. Il faut lire Rue Sherbrooke ouest et Blizzard sur Québec qui en sont de vibrants témoignages. Quant à son amour pour le pays dont elle avait dû s'exiler, elle eut la grande générosité de nous le faire connaître dans une trilogie qui lui valut d'obtenir le grand Prix européen de l'Association des écrivains de langue française. Les livres étant pour ainsi dire immortels, vous pouvez donc lire ou relire aujourd'hui Les lilas fleurissent à Varsovie, La charge des sangliers et Ils se sont connus à Lwow.

Une femme libre - la première dont je fis la connaissance dans ma jeune vie d'auteur et d'éditeur. Tout ce qu'elle apporta à Monsieur Parizeau, vous auriez cent doigts à chacune de vos mains qu'ils ne suffiraient pas à le dire parfaitement.

Alice Parizeau est décédée du cancer à l'âge de 60 ans. Il faut là encore lire Une femme, l'autobiographie qu'elle écrivit alors que le Chevalier, le Diable et la Mort hantaient ses jours et ses nuits, dans une souffrance qu'elle accepta de vivre le plus sereinement possible - « Il n'y a que deux façons de vaincre le cancer: aimer et continuer à sourire quoi qu'il advienne », écrit-elle dans « Une femme ».

À ma connaissance, il n'existe au Québec qu'une seule bibliothèque portant le nom d'Alice Parizeau. C'est à Saint-Esprit, une toute petite ville de la région de Lanaudière, qu'elle se trouve. On peut y lire sept des ouvrages écrits par Alice Parizeau - ce qui est peu, vous allez me dire pour une bibliothèque qui porte son nom. Mais ainsi va la culture québécoise depuis la création des Centrales de prêts aux bibliothèques. Un désastre. Quand Jacques Ferron et Gaston Miron sont décédés, je fis le tour des bibliothèques municipales de ma région: aucune n'avait les ouvrages de Ferron et de Miron! Et si je refaisais le même tour aujourd'hui, je n'y verrais rien non plus de ce qu'Alice Parizeau a écrit tant il est vrai, comme elle l'a écrit dans L'envers de l'enfance: « Sous la neige, la branche est fragile comme le rêve de l'enfance. »

Grand merci à vous Alice Parizeau. Grand merci d'avoir été une pionnière - la première - à conjuguer passé et présent, pays d'enfance et pays d'exil. Grand merci à vous Alice Parizeau d'avoir apporté à la plus Haute Autorité cette culture qui en a fait le plus grand des hommes politiques de notre temps.

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