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«Le commerce du sexe»: un film bâclé

Ce brûlot superficiel et mal documenté est ponctué de quelques récits tragiques et de données statistiques délibérément faussées.
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Nous avons été très déçues par le dernier film d'Ève Lamont, Le commerce du sexe. La sortie de ce film a fait l'objet d'un tel battage médiatique que l'on pouvait s'attendre à une œuvre puissante, irréfutable, brossant un tableau implacable du travail du sexe.

Ce que nous avons plutôt vu est un brûlot superficiel et mal documenté, ponctué de quelques récits tragiques relatés avec une froideur clinique, et quelques données statistiques délibérément faussées, contradictoires à la thèse centrale du film. Par exemple, le policier qui intervient dans le film rapporte que 80% des travailleures du sexe (TDS) ne portent jamais plainte. Si elles ne portent pas plainte, ne peut-on présumer que c'est, dans la majorité des cas, parce qu'elles sont indépendantes et plutôt satisfaites de leur sort?

Le même policier signale aussi que 437 cas de victimes de traite ou d'exploitation sexuelle ont été répertoriés dans l'année écoulée, pour 1368 proxénètes avérés. Ou le proxénétisme n'est vraiment pas florissant à Montréal, ou ces chiffres ne tiennent tout simplement pas la route. Quoi qu'il en soit, 437 victimes ayant porté plainte, c'est bien peu pour convaincre le public que la quasi-totalité des TDS sont victimes de violence et d'exploitation sexuelle. Elles sont bien plus nombreuses que ça, et la plupart n'ont pas vécu les histoires d'horreur relatées dans ce film. Dans le grand Montréal, on dénombre environ 300 salons de massage érotique et plus de 30 clubs de danseuses.

Autre exemple: la moyenne d'âge des victimes est de 20 ans, selon un rapport du Service de renseignement criminel du Québec, alors que le marketing du film prétend que les filles commencent à 14 ans.

La réalisatrice se vante d'avoir consulté une centaine d'intervenants du milieu, mais ne nous en montre que cinq, dont deux avec le visage caché. Elle semble n'avoir braqué sa caméra que sur un club de danseuses, un salon sordide et un motel crasseux. C'est bien peu pour prétendre avoir fait le tour de la question!

Non seulement ce film ne va pas en profondeur comme promis, mais il est à peine digne d'un mauvais reportage télé.

On ne peut pas monter des cas d'exception en épingle et les faire passer pour des situations majoritaires. Tôt ou tard, la vérité doit reprendre ses droits.

Le film d'Ève Lamont n'a rien de convaincant ni même d'émouvant, prisonnier d'un message qui se veut rassembleur mais qui n'est, en fin de compte, que militant. C'est un film tourné sans imagination, sans émotion; il y manque un ressort dramatique, un point de vue d'auteur.

La thèse abolitionniste que défend ce brûlot est parfaitement en phase avec les politiques répressives du gouvernement Harper et avec le «law and order» des conservateurs. Le sénateur Boisvenu fait d'ailleurs la promotion du film sur sa page Facebook. Il n'y a pas de hasard, disions-nous...

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Avril 2018

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