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Quel rôle pour la société civile canadienne dans le développement international?

Selon Maina Kiai, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de réunion pacifique et d'association, le pouvoir du secteur privé s'est accru de manière exponentielle au cours des dernières décennies.
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Ce billet du blogue Un seul monde, une initiative de l'AQOCI et du CIRDIS, a été écrit par Stéphanie Bacher, étudiante au doctorat en science politique à l'Université d'Ottawa. Elle est membre du Groupe McLeod, et s'implique au sein de la coalition d'organisations canadiennes Voices-Voix.

La société civile est assaillie de partout: tel est le principal constat qui ressort du plus récent rapport sur l'état de la société civile dans le monde de l'alliance internationale CIVICUS. Dans de nombreux pays, autoritaires comme démocratiques, la société civile est menacée par une série d'obstacles qui nuisent à sa capacité à promouvoir le développement et le respect des droits fondamentaux. Au Canada, par exemple, plusieurs organisations travaillant dans le domaine du développement international ont vu leurs capacités drastiquement restreintes au courant des dernières années. Dans certains cas, elles ont même été carrément menacées de mettre fin à leurs activités.

Le Forum social mondial, qui s'est tenu à Montréal du 9 au 14 août 2016, a été l'occasion de discuter de cet enjeu, notamment lors d'un atelier coorganisé par Voices-Voix, Pas de démocratie sans voix et le Conseil canadien pour la coopération internationale La réflexion qui suit est le fruit de cette discussion sur l'espace de la société civile canadienne et le développement international.

Un contexte économique déséquilibré

Selon Maina Kiai, rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit de réunion pacifique et d'association, le pouvoir du secteur privé s'est accru de manière exponentielle au cours des dernières décennies. Face à des entreprises multinationales toutes puissantes, les organismes de la société civile, tant du Nord que du Sud, ont difficilement fait le poids, ne parvenant pas à semer suffisamment d'embûches sur le chemin de ces entreprises en quête de profits à tout prix.

Par conséquent, ces élites économiques ont pu accumuler des sommes colossales, qui ont souvent été encaissées au détriment de la population locale et du respect de ses droits. En outre, les entreprises minières, dont la majorité a leur siège social au Canada, ont reçu le soutien du gouvernement canadien pour leurs «projets de développement local» dans les pays affectés par leurs activités. Et cela, alors que le gouvernement canadien faisait la sourde oreille aux multiples appels des ONG canadiennes pour la création d'un ombudsman responsable de surveiller le comportement de ces compagnies extractives dans les pays en voie de développement.

Le gouvernement doit notamment revoir sa politique de financement des ONG et mettre fin aux formes de financement qui sont basées sur un discours charitable et sur la misère.

L'interférence politique dans les activités des ONG

Au cours des dernières années, l'interférence politique du gouvernement canadien auprès des organisations de la société civile a constitué un autre obstacle majeur qui a grandement restreint la capacité de celles-ci à poursuivre leur travail. Plusieurs ONG dont Canada Sans Pauvreté, Oxfam Canada et PEN Canada ont dû se soumettre à une vérification de la part de l'Agence du revenu du Canada au sujet de leurs «activités politiques» en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Selon cette loi, les organisations ne peuvent consacrer plus de 10 % de leur budget à des activités politiques, sans quoi leur statut d'organisme de charité peut leur être retiré. Il s'agit pourtant d'une mesure qui nuit, voire qui va drastiquement à l'encontre de la mission de plusieurs ONG qui travaillent dans le secteur du développement international.

Lecture d'un discours d'Amnesty Internationale devant la Maison du développement durable ©Stéphanie Bacher

Comme le souligne Leilani Farha, directrice de l'ONG Canada Sans Pauvreté et rapporteuse spéciale des Nations Unies sur le droit au logement, l'élimination de la pauvreté n'est possible que si l'on procède auparavant à un changement structurel qui sous-entend une transformation majeure de nombreuses politiques en vigueur. La règlementation actuelle empêche donc les organisations de mener à terme une partie essentielle de leur travail, qui est politique, mais non partisan.

Non seulement les vérifications des «activités politiques» des ONG ont-elles restreint la capacité d'action de la société civile canadienne au courant des dernières années, mais elles se sont également ajoutées à un discours officiel de la part du gouvernement Harper qui considère le développement comme n'étant qu'un acte charitable et généreux, et non comme un droit universel et inaliénable. Cette méfiance du gouvernement envers toute instance travaillant sur les enjeux de droits humains était particulièrement présente au sein du gouvernement Harper qui a ouvertement affiché son hostilité à la visite de représentants de l'ONU sur le territoire canadien.

«Parce qu'on est en 2016»: l'avenir est-il rose?

Il est indéniable que le changement de gouvernement en novembre 2015 a apporté une bouffée d'air frais aux organismes de la société civile canadienne. Cependant, il ne faudrait pas y voir la fin de tous les maux pour les ONG œuvrant dans le domaine du développement international. Il est vrai que plusieurs pas encourageants ont été faits ces derniers mois : l'appui sans réserve du gouvernement à la Déclaration sur les droits des peuples autochtones, la tenue de consultations sur la politique canadienne d'aide au développement et sur les lignes directrices en matière d'activités politiques pour les organismes de bienfaisance enregistrés ainsi que la fin de la priorisation des ONG à vocation religieuse au détriment des autres organisations.

Ceci étant dit, l'amélioration et le changement demeurent d'actualité. Le gouvernement doit notamment revoir sa politique de financement des ONG et mettre fin aux formes de financement qui sont basées sur un discours charitable et sur la misère. La règlementation des organismes caritatifs doit aussi être revue pour tenir compte de leurs réalités actuelles. Le gouvernement devrait également cesser de les considérer uniquement comme des fournisseurs de services aux plus démunis au lieu de partenaires à part entière et fondamentaux pour le développement démocratique. Du côté des ONG, il est nécessaire de se rappeler qu'il est plus qu'important de s'unir et de faire front commun pour le bienfait des causes défendues ainsi que de tisser de solides liens avec la population canadienne.

N'hésitez pas à contacter Ève Claudel Valade, coordonnatrice du blogue Un seul monde, pour en savoir davantage sur le blogue ou connaître le processus de soumission d'articles. Le CIRDIS et l'AQOCI tiennent à remercier Charles Saliba-Couture, fondateur du blogue Un seul monde. Les articles publiés ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l'AQOCI, du CIRDIS ainsi que de leurs membres et partenaires respectifs.

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