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La nécessaire transition de l'humanitaire au développement en Jordanie

Le 20 juin marque la Journée mondiale des réfugiés, visant à souligner la force et le courage dont font preuve les 60 millions de réfugiés dans le monde.
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Ce billet du blogue Un seul monde, une initiative de l'AQOCI et du CIRDIS, a été écrit par Andréanne Côté, conseillère technique en développement et gestion pour Oxfam-Québec, en Jordanie. Oxfam en Jordanie s'apprête à réaligner ses activités dans une perspective de moyen et long termes pour répondre aux réalités de la persistance de la crise syrienne.

Le 20 juin marque la Journée mondiale des réfugiés, visant à souligner la force et le courage dont font preuve les 60 millions de réfugiés dans le monde.

Après avoir été un pays d'accueil pour les réfugiés irakiens et palestiniens, la Syrie constitue aujourd'hui la principale origine des réfugiés dans le monde, avec 4,7 millions d'individus en exil, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. De ce nombre, la Jordanie en accueille plus de 650 000. Et même si ce pays n'est pas signataire de la Convention relative au statut des réfugiés, il a néanmoins une longue histoire d'accueil.

On compte en Jordanie plus de 2 millions de réfugiés palestiniens qui ont fui les conflits de 1948 et 1967 et qui contribuent au tissu social jordanien. Ils sont répartis à la grandeur du pays, et plusieurs centaines de milliers d'entre eux habitent toujours dans l'un des 10 camps. Le pays accueille aussi, depuis 2003, un nombre significatif de réfugiés qui ont fui les violences et la guerre en Irak. Ils seraient près d'un demi-million à vivre en milieu urbain, principalement dans la capitale, Amman. Plus récemment, c'est au tour des Syriens d'être venus trouver refuge en Jordanie.

Vie en camps et réfugiés urbains

Parmi les réfugiés syriens, plus d'un demi-million ont préféré s'installer en milieu urbain, alors que les autres ont choisi de vivre dans des camps, dont le principal, Za'atari, équivaut à la quatrième plus grande ville de Jordanie.

Za'atari comptait jusqu'à 150 000 réfugiés en 2013. Ce nombre a diminué presque de moitié, alors que certains se sont installés en milieu urbain, ont décidé de rentrer en Syrie ou sont partis vers un pays tiers, par exemple, en Allemagne. La vaste majorité des réfugiés syriens en Jordanie proviennent des gouvernorats du nord de la Syrie, avec qui les Jordaniens ont historiquement des liens étroits. Malgré les limitations de mouvements, les opportunités d'emplois réduites et les préoccupations liées à la protection, Za'atari est devenu un milieu de vie pour ceux qui l'habitent. Les installations préfabriquées ont remplacé les tentes, et les commerces ont peu à peu fait irruption sur la rue des Champs-Élysées et dans les 12 districts qui le composent.

La vie s'organise dans le camp de Za'atari, où une foule de petits commerces ont fait leur apparition. © Andréanne Côté, 2016

Alors que plus de la moitié des réfugiés dans le monde vivent en milieu urbain, en Jordanie cette proportion est encore plus grande. Bien qu'ils soient principalement installés dans les villes frontalières de la Syrie, les réfugiés sont présents sur tout le territoire jordanien, d'Irbid à Aqaba. La vie hors du camp n'est cependant pas à la portée de tous et de toutes; elle nécessite l'appui d'un garant.

La réalité urbaine comporte aussi son lot de difficultés: harcèlement, exploitation, discrimination, surpeuplement des habitations et conditions sanitaires parfois désastreuses, limitation de l'accès aux services publics (éducation et santé). De façon générale, la situation des Syriens en Jordanie est peu enviable, 87 % d'entre eux vivent sous le seuil de la pauvreté et seulement la moitié des enfants vont à l'école.

Les relations historiques, tribales et familiales qui lient les Syriens du sud et les Jordaniens du nord n'ont pas réussi à venir à bout des tensions entre les deux groupes. En effet, l'augmentation des prix des loyers, la rareté des logements, l'accès à l'eau, la compétition pour les opportunités économiques limitées et la pénurie de certains services liés à l'augmentation rapide de la demande ont eu raison de la tranquille cohabitation entre eux et ont mené à des tensions sociales importantes. Afin de répondre à cette problématique, plusieurs ONG ont mis sur pied des projets dans les communautés d'accueil du nord de la Jordanie.

La nécessité d'une transition vers le développement

Mars 2016 marquait le cinquième anniversaire du début de la crise syrienne, un conflit qui ne semble pas prêt de se régler. Si l'assistance humanitaire demeure nécessaire afin d'alléger les souffrances de ceux qui continuent d'arriver, il apparaît aussi important de développer une vision à moyen et long termes pour répondre aux besoins des populations réfugiées et des communautés qui les accueillent.

La situation exige un passage de l'humanitaire vers une planification plus durable. Plusieurs travailleurs du milieu sont aussi de cet avis et estiment que dans des crises prolongées, le mur entre humanitaire et développement doit tomber afin de penser de façon plus globale et inclure le développement économique, les moyens de subsistance ainsi que l'éducation afin de contribuer à l'autonomie des populations, plutôt que d'accentuer leur dépendance. C'est la transition que sont en train d'effectuer les principales agences onusiennes et les ONG nationales et internationales.

Le Jordan Response Plan to the Syria Crisis 2016-2018 s'inscrit aussi dans cette lignée en cherchant à renforcer la résilience des communautés. Malgré ses bonnes intentions, la Jordanie, pays à revenu intermédiaire, fait elle-même face à de nombreux défis : ralentissement économique, baisse du tourisme liée à l'insécurité dans la région et augmentation du taux de chômage. Devant ce constat, le soutien de la communauté internationale apparaît comme une condition sine qua non de la mise en place de cette vision à moyen terme.

L'expérience palestinienne, qui a résulté par l'installation permanente d'un nombre significatif de réfugiés, teinte sans aucun doute l'intervention du gouvernement jordanien auprès des réfugiés syriens qu'il préfère appeler «migrants». Malgré une volonté évidente de traiter cette situation comme temporaire, le gouvernement a récemment fait preuve d'ouverture en acceptant de faciliter l'accès des Syriens au marché du travail.

Pour Alexander Betts, la solution est évidente: il faut offrir des opportunités aux réfugiés. Il suggère notamment la création de zones économiques où réfugiés syriens et Jordaniens pourraient travailler et développer leurs compétences. En plus de les sortir de la dépendance et de leur permettre de contribuer au développement économique de leur pays d'accueil, cela leur permettrait de se préparer au retour et à la reconstruction de leur pays. Un projet pilote en ce sens devrait débuter à l'été 2016. La présence de réfugiés en Jordanie apparaîtrait alors comme une opportunité, plutôt qu'un fardeau.

N'hésitez pas à contacter Charles Saliba-Couture, fondateur et coordonnateur du blogue Un seul monde, pour en savoir davantage sur le blogue ou connaître le processus de soumission d'articles. Les articles publiés ne reflètent pas nécessairement les points de vue de l'AQOCI, du CIRDIS ainsi que de leurs membres et partenaires respectifs.

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